Le lancement jeudi dernier d’une trentaine de roquettes en direction d’Israël, qui a pointé du doigt le Hamas au Liban, et le mutisme complice du Hezbollah ont remis sur le tapis la question de la relation qu’entretiennent les deux partis islamistes. Étant passée par monts et par vaux depuis le début de la guerre en Syrie en 2011 – point de discorde entre le Hezb et le Hamas qui a rejoint les rangs de l’opposition au régime de Bachar el-Assad –, la relation entre les deux plus redoutables adversaires d’Israël semble de nouveau consolidée. L’épisode des incidents à la frontière et la résurgence, à cette occasion, du concept d’« unité des fronts » sont une nouvelle preuve d’un retour au bercail du Hamas. Et, par conséquent, de la normalisation de ses relations – restées tendues pendant de longues années – avec le Hezbollah. Même si l’un des principaux cadres du parti et ancien chef du bureau politique, Khaled Mechaal, est toujours indésirable en Iran et dans la banlieue sud de Beyrouth – Hassan Nasrallah a refusé de l’accueillir en 2022 –, le retour du reste de la nomenclature partisane est patent depuis quelques années.
Amorcés depuis le début des années 1990, sous le label d’un même combat contre Israël, les liens entre le Hezbollah et le Hamas ont connu de longues années de stabilité. Partageant un même socle idéologique et la défense d’un combat commun – la cause palestinienne –, la relation devait d’autant plus perdurer que le Hamas, à l’instar du Hezbollah, a été placé sous l’aile de l’Iran qui lui fournissait une aide financière et logistique.
Le déclenchement de la guerre en Syrie et les multiples turbulences concomitantes au plan régional ont constitué le germe d’un divorce. Le facteur communautaire est alors revenu en force alors que les révolutions arabes se multipliaient, faisant ressurgir le projet de l’émergence d’États islamiques dans la région. Car si le Hezbollah se revendique du chiisme iranien, le Hamas, lui, est proche des Frères musulmans (FM). « Tous les islamistes ont des visées transterritoriales, dont les Frères musulmans. L’accession au pouvoir de Mohammad Morsi en Égypte est venue renforcer leurs espoirs », commente un responsable palestinien du FDLP (Front démocratique pour la libération de la Palestine) qui a requis l’anonymat.
Le Hamas a parié ainsi sur la chute des régimes autoritaires en place et sur l’arrivée au pouvoir de forces politiques issues des FM. « Durant la période 2011-2015, le Hamas est ballotté entre sa dimension communautaire et ses choix stratégiques ; entre sa proximité avec l’axe antiaméricain qui le place dans le camp de la moumanaa et la logique communautaire qui l’a poussé dans les bras de l’opposition au régime syrien », commente Karim Bitar, politologue.
Combats contre le Hezb en Syrie
En Syrie, le Hamas passe à l’acte et prend même part, dit-on, à la bataille du camp palestinien de Yarmouk contre l’armée syrienne ainsi qu’à Qousseir – à la frontière avec le Liban – où il combat auprès de l’opposition syrienne le Hezbollah et les forces du régime alaouite. Cette information, publiée en 2013 par le quotidien libanais al-Akhbar, proche du Hezbollah, est aussitôt démentie par le Hamas, soucieux de ne pas aggraver la situation et de continuer de ménager un tant soit peu l’Iran. Le chef du bureau politique du Hamas, Khaled Mechaal, est toutefois contraint de quitter la Syrie pour aller s’installer au Qatar. À l’époque, Doha avait clairement affiché une position hostile au régime de Bachar el-Assad. Le Qatar était même accusé d’avoir soutenu l’opposition syrienne et les mouvements sunnites radicaux qui combattaient le régime syrien.
Tout au long de cette crise, les relations ne seront toutefois pas complètement rompues entre le Hamas et l’Iran. « Même lorsque les liens entre le Hamas et le Hezbollah étaient perturbés, les relations n’ont jamais cessé, notamment avec la branche militaire du parti, les brigades Ezzedine al-Qassam étant restées en contact permanent avec les gardiens de la révolution iranienne », note pour L’OLJ Hamada Jaber, chercheur palestinien et analyste politique. Un rapport partiellement sauvegardé avec le Hezbollah également. « Le Hezbollah dissocie visiblement le dossier syrien de ses relations avec le Hamas, fait fi des désaccords en maintenant ses liens avec lui, y compris logistiques et militaires », écrivent les chercheurs Nicolas Dot-Pouillard et Wissam al-Haj dans un article publié par Orient XXI en 2015.
Durant la période de tension entre les deux partis islamistes, le Hamas fait de son mieux pour ne pas complètement couper le cordon ombilical. Pour preuve, les remerciements plus ou moins réguliers des responsables officiels du Hamas à l’Iran aussi bien qu’au Hezbollah pour leur soutien, concomitants des critiques soutenues d’Ismaïl Haniyé notamment contre Bachar el-Assad. Même si aujourd’hui les relations sont de nouveau à l’accalmie, la base du mouvement islamiste « continue d’exprimer son ressenti à l’égard du régime de Bachar », note M. Bitar. Du côté iranien mais aussi du Hezbollah, c’est le pragmatisme qui a prévalu. Alors que les séquelles du conflit entre les deux formations étaient toujours présentes, les leaders du Hamas n’ont jamais quitté Beyrouth, fait remarquer Mohanad Hage Ali, chercheur, dans un article publié dans Carnegie en 2022.
Le retour au bercail
Au fur et à mesure que le régime Assad est réhabilité et l’opposition matée en Syrie, le retour au pragmatisme s’est imposé à la direction du Hamas. En amont, la chute de Mohammad Morsi en Égypte et l’affaiblissement des courants islamistes en Tunisie ont poussé le parti islamiste à se faire une raison. Le Hamas avait toujours besoin du Hezb, un allié sur lequel il peut largement compter pour l’aider dans sa lutte contre Israël. « L’intérêt du Hamas réside également dans le fait qu’il peut trouver au Liban un refuge où il se sent en sécurité et protégé. Ce qui n’est plus le cas en Syrie où le parti palestinien islamiste n’a plus de bureau et où les relations restent à ce jour en dents de scie avec le régime en place », souligne le responsable du FDLP cité plus haut.
Un changement de structure et de leadership s’est entre-temps imposé avec l’avènement d’un chef du parti proche de l’axe pro-iranien, Yahia al-Sinwar, nommé en 2017, note Mohanad Hage Ali. Il remplace Ismaïl Haniyé qui devient le chef du bureau politique.
Au Liban, la coopération entre les deux partis s’est notoirement renforcée ces dernières années avec toutefois un ascendant du Hezbollah sur la formation islamiste, surtout depuis l’assassinat de Kassem Soleimani, un haut responsable militaire iranien, en 2020. Sa disparition va propulser le chef du Hezbollah, Hassan Nasrallah, sur le devant de la scène avec de plus larges prérogatives qui lui sont consenties par l’Iran dans la région. C’est d’ailleurs lui qui va jouer les intermédiaires entre le Hamas et le régime de Damas jusqu’au rétablissement des relations en octobre 2022. « Les intérêts sont certes communs au Hamas et au Hezbollah. Mais comment peut-on parler de relation égalitaire en présence d’une puissance telle que l’Iran qui se tient derrière le Hezb ? » s’interroge le responsable palestinien.
Cellule d’opération
Mohanad Hage Ali note que le Hamas semble édifier depuis quelques années une force militaire au Liban. Alors que ce parti était connu pour faire profil bas au sein des camps palestiniens, il n’en est vraisemblablement plus question. Sa présence militaire aurait notamment été mise en lumière le jour de l’explosion, en décembre 2021, d’un dépôt d’armes dans le camp de Bourj el-Chamali, faisant un mort parmi le Hamas. Les armes appartiendraient à la formation islamiste. C’est probablement ce qui expliquerait les propos de Benjamin Netanyahu il y a deux jours (le 10 avril) qui a indiqué qu’« Israël ne permettra pas au Hamas de s’établir au Liban ». Bien que le Hamas ait démenti dans un communiqué toute responsabilité derrière le lancement des tirs jeudi dernier et que le Hezbollah s’en soit lavé les mains, plusieurs analystes se disent convaincus que le dernier incident est le fruit d’une orchestration bien huilée entre les deux formations militaires. Le timing de la visite d’Ismaïl Haniyé, mercredi dernier, soit la veille des tirs, ne pouvait, aux yeux de certains, être anodine, même si le Hezbollah affirme à L’OLJ qu’il s’agit d’une « pure coïncidence ». « L’axe de la résistance se tient prêt » face aux développements et « ses composantes coopèrent » dans la région, note un communiqué du Hezbollah publié à l’issue de la rencontre entre Hassan Nasrallah et Ismaïl Haniyé. Une coopération dont le fignolage se ferait au sein d’une cellule d’opération dans la banlieue sud, mise en place depuis deux ans. « Elle comprend des représentants de plusieurs pays, comme le Yémen, la Palestine, la Syrie et l’Irak. Certains sont permanents, d’autres font le va-et-vient, sachant cependant que ce type de visite a souvent un caractère confidentiel », indique à L’OLJ un responsable palestinien issu du Fateh, sous le couvert de l’anonymat.
commentaires (3)
- D,INFRASTRUCTURES DU HAMAS, - AU LIBAN SUD, IL NOUS REVELE, - LE BARBU MEME, SANS FRACAS, - AVAIT SERVI DE MANIVELLE. = - LE PAYS EST UN DEPOTOIR. - QUI VEUT DES DETRITUS AMASSE. - POINT D,INSPECTION. POINT DE POUVOIR. - QUELLE ARMEE VERRAIT SANS ANGOISSE, = - DES TROUBLEURS SUR SON SOL PLANTES ? - ET QUI DECLENCHENT, SANS LICENCE, - DES CONFLITS ET HOSTILITES, - EPROUVANT NOTRE TOLERANCE.
LA LIBRE EXPRESSION
11 h 45, le 15 avril 2023