Pour Pâques, le pape François a prié pour le Liban « qui est encore en recherche de stabilité et d’unité ». Au-delà de la dimension strictement religieuse, ces propos du souverain pontife sont révélateurs de la gravité de la crise politique et sociale du pays du Cèdre. Car rien ne prête à croire que les divers protagonistes sont disposés à faciliter l’élection d’un président de la République, point de départ de tout redressement. Les forces politiques hostiles au Hezbollah se disent déterminées à empêcher le parti de Dieu d’imposer son candidat à la présidence de la République. Elles affirment donc vouloir barrer la voie de Baabda au chef des Marada, Sleiman Frangié, appuyé par le tandem chiite Amal-Hezbollah, au grand dam des principaux partis chrétiens, à savoir le Courant patriotique libre, les Forces libanaises, les Kataëb, mais aussi de Bkerké, comme l’ont (de nouveau) montré les propos du patriarche maronite Béchara Raï dimanche. Tout en poursuivant son forcing pour l’élection rapide d’un chef de l’État, le prélat a en effet implicitement critiqué le chef des Marada, pour la première fois depuis le début de l’échéance. « Les dirigeants ne peuvent pas jouir indéfiniment du pouvoir s’ils ne font pas l’objet d’une confiance renouvelée, car cette confiance est la source de leur pouvoir. C’est d’un tel président de la République dont les Libanais ont besoin, afin qu’il pave le chemin vers la sortie de l’effondrement », a martelé Mgr Raï dans son homélie prononcée à l’occasion des Pâques catholiques. Poursuivant sur sa lancée, le prélat a déclaré : « Cette confiance ne peut s’obtenir du jour au lendemain, ni à travers des promesses ou des conditions qu’on lui dicte, encore moins en passant avec succès les tests que lui font subir les parties influentes sur le double plan intérieur et extérieur. » « Un président qui bénéficie de la confiance est celui qui l’a acquise à travers ses actions et ses accomplissements, indépendamment de l’élection présidentielle », a-t-il encore dit.
« Des généralités »
Le zaïm de Zghorta s’est en effet rendu il y a une dizaine de jours à Paris pour un entretien avec Patrick Durel, conseiller du président français chargé du dossier libanais. L’occasion pour lui d’exposer les garanties qu’il serait prêt à offrir pour gagner le soutien de Riyad. Il reste que les cercles proches de M. Frangié, qui s’efforce de se forger l’image de la figure consensuelle capable de dialoguer avec tout le monde, ne se sentent pas concernés par les critiques de Mgr Raï. « Je crois que le patriarche maronite évoquait des généralités. Il ne visait pas Sleiman Frangié en particulier », commente pour L’Orient-Le Jour le ministre sortant de l’Information Ziad Makary, proche du leader des Marada. Et de faire valoir que M. Frangié entretient de « bons rapports avec Bkerké ».De son côté, le patriarcat maronite s’efforce de préserver son image d’instance religieuse qui se tient à égale distance de tous les candidats à la magistrature suprême. « Le patriarche n’a rien dit de nouveau ou de spécial. Il ne faut pas exagérer les interprétations de ses propos », se contente de commenter Mgr Boulos Sayah, proche du chef de l’Église maronite, contacté par L’OLJ. Car ce qui importe le plus à Bkerké, c’est la tenue de l’échéance dans les plus brefs délais. Un point que Béchara Raï a évoqué dimanche. Il s’est adressé aux députés en ces termes : « Sortez de votre confusion et n’attendez pas qu’on vous transmette un mot d’ordre. » Cet appel intervient à l’heure où certains médias locaux ont rapporté dimanche des informations selon lesquelles des représentants des cinq pays qui avaient pris part à la rencontre du 6 février dernier à Paris (la France, les États-Unis, le Qatar, l’Égypte et l’Arabie saoudite) se réuniront à nouveau à la fin du mois pour discuter du dossier libanais. Parallèlement, le ministre sortant de l’Information croit savoir que Sleiman Frangié sortirait bientôt de son silence « pour répondre à toutes les interrogations » autour de sa candidature.
Mikati attaque le CPL
En attendant que l’horizon se décante, le Premier ministre sortant, Nagib Mikati, qui gère presque seul le pays en période de vacance présidentielle (fort du soutien du président de la Chambre, Nabih Berry), compte continuer à réunir le gouvernement en dépit d’une objection chrétienne de taille, notamment de la part du CPL dont les ministres boycottent les séances. « Le cabinet poursuivra son travail, conformément à la Constitution. Il n’est question ni de se substituer à qui que ce soit ni d’accaparer les prérogatives de quelqu’un », a déclaré M. Mikati dimanche, devant ses visiteurs. Une flèche en direction du CPL qui accuse le Premier ministre sortant de confisquer les prérogatives du chef de l’État absent. « Ceux qui s’opposent à la tenue des Conseils des ministres feraient mieux d’arrêter de bloquer la présidentielle », a ajouté M. Mikati, dans une nouvelle critique au parti orange. Sauf que le CPL n’est pas le seul à empêcher la tenue de l’échéance. Il y a aussi et surtout le Hezbollah qui orchestre le jeu de défaut de quorum auquel se livrent ses alliés du 8 Mars. Il s’agit du même Hezbollah dont seul le feu vert a permis à M. Mikati de réunir son équipe à cinq reprises depuis la fin du mandat de Michel Aoun (en octobre dernier). Un choix que le parti chiite a fait au risque de torpiller son alliance avec le CPL.
commentaires (9)
BRAVO !! Je suis tout a fait d'accord avec vous.
TELFEIAN Odette
19 h 49, le 11 avril 2023