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Lifestyle - Coolitude

Du fond des Philippines, Apo Whang-od, 106 ans, règne sur le tatouage et la Une de Vogue

Figurer en couverture de la célébrissime revue Vogue est la consécration suprême. Melania, épouse de l’ancien président américain Donald Trump n’est pas encore remise de n’avoir pas eu cet honneur, à l’instar de toutes les autres First Ladies. La « cover star » de l’heure et du mois est une centenaire des Philippines. Et quelle centenaire !

Du fond des Philippines, Apo Whang-od, 106 ans, règne sur le tatouage et la Une de Vogue

Apo Whang-Od en couverture de Vogue Philippine du mois d’avril. Photo Artu Nepomuceno tirée du compte instagram @voguephilippines

La revue Vogue édition Philippines fait actuellement un tabac, tellement qu’elle est déjà en rupture de stock. Et pour cause, sa couverture glossy pour le mois d’avril donne à voir l’image d’une très belle femme du (plus que) troisième âge au regard pensif et aux bras et au décolleté complètement recouverts d’un tatouage géométrique. Elle se nomme Apo Whang-od et l’on a peine à croire qu’elle vient de boucler sa 106e année. Également connue comme Maria Oggay, elle est ainsi mise en vedette, non pas simplement en tant que centenaire, car il en existe d’autres dans le monde, mais pour un savoir-faire qu’elle continue d’exercer, le tatouage Kalinga ancestral. Apo vit dans un village de montagne de Buscalan, à environ 15 heures de voiture au nord de Manille. L’encre du tatouage qu'elle utilise est composée de matériaux indigènes, généralement un mélange de charbon de bois et d'eau qui est injecté dans la peau à l'aide d'une épine de pomelo ou de pamplemoussier. Cette technique ancienne remonte à un millier d'années et elle est relativement douloureuse par rapport aux techniques occidentales. Cette femme d’exception est ainsi considérée comme la plus ancienne mambabatok du pays, experte en tatouage traditionnel Kalinga, un style réservé à l’origine aux guerriers et aux coupeurs de têtes, mais qui esthétiquement fait florès. On vient des quatre coins de la planète pour porter sur sa peau des motifs signés Apo Whang-od.

Un regard profond et un visage souligné d'un simple rouge à lèvres. Photo Artu Nepomuceno tirée du compte instagram @voguephilippines

Tant que mes yeux pourront voir

À propos de l’engouement pour ses tatouages qui a draîné de nombreux touristes, cette grande artiste a confié à Vogue en langage Butbut : « Pour les visiteurs qui viennent de loin, je continuerai à pratiquer le tatak Buscalan, le tatak Kalinga, aussi longtemps que mes yeux pourront voir ». Son magnifique visage ridé, avec un simple rouge à lèvres pour maquillage, photographié par le Philippin Artu Nepomuceno, illustre le thème du numéro de Vogue Philippines, qui selon ce magazine, « met également en lumière le regard féminin ». « La vie d'Apo Whang-Od est gravée sur sa peau, des succès aux maladies, en passant par les noms de ses amants de longue date. Elle raconte une histoire de courage, de beauté et du riche héritage de la tribu Kalinga », peut-on également lire dans le magazine.

Avant elle, le record du plus ancien modèle de couverture de Vogue était détenu par l’actrice britannique Judi Dench qui est apparue en 2020, à l’âge de 85 ans, dans une édition de Vogue british. Cette tatoueuse hors-pair n’en est pas à sa première consécration. La Commission nationale pour la Culture et les Arts des Philippines (équivalant du ministère de la Culture) lui a décerné le prestigieux prix Dangal ng Haraya en 2018. Elle a été nommée pour le Prix national des trésors vivants en 2017, une nomination qui est toujours à l’étude par la Commission. Enfin, elle et a été recommandée pour le titre d'artiste nationale des Philippines.

Née le 17 février 1917 à Buscalan, dans la province de Kalinga, au nord des Philippines, Apo a commencé à tatouer à l'âge de 15 ans, pratiquant un art traditionnel transmis par son père, considéré comme un maître-tatoueur dans la région. La coutume veut que seuls les hommes ayant des ancêtres tatoueurs soient autorisés à apprendre cet art. Elle est une exception en raison de son talent et du potentiel décelés par son père. Plus tard, les élèves choisis par Apo Whang-od ne seront que des femmes, rompant ainsi avec la tradition patrimoniale pour la première fois dans l'histoire documentée de Kalinga. Néanmoins, cette entorse aux usages a été acceptée par sa communauté. La célèbre centenaire a d’abord pratiqué le tatouage traditionnel à la main sur des chasseurs de têtes masculins. Leurs peaux étaient dessinées en guise de récompenses, alors qu’ils protégeaient les villages ou tuaient des ennemis. Elle a également tatoué les femmes de Buscalan, principalement à des fins esthétiques.

Conjuguant talent, réflexion et legs. Photo tirée de la page Facebook d'Apo Whang-od

Des liens de sang

Dans la lignée des artistes Kalinga, elle fait aussi des prédictions et entonne des chants tout en exécutant ses tatouages. Chaque motif qu'elle crée porte des significations symboliques spécifiques en fonction de son histoire. Ainsi, par exemple, un guerrier qui a tué un ennemi recevra un tatouage d’aigle à son retour de la bataille. Dans l’édition du mois d’avril de Vogue qui lui est consacré, le lecteur apprend beaucoup sur l’environnement et la culture qui ont façonné cette femme née dans les hauteurs des Philippines et qui s’est transformée en une artiste accomplie puis en icône mondiale. D’abord, l’apprentissage dans ce milieu, qui ne doit être transmis et enseigné qu'à des apprentis ayant des liens de sang. Quid de sa descendance ? Lorsqu'elle était très jeune, Apo Whang-od est tombée amoureuse d’un jeune guerrier Butbut. De nombreux anciens se sont opposés à cette relation estimant que la lignée de cet homme n'était pas pure. Lequel avait alors épousé une autre femme et était décédé des suites d'un accident d'exploitation forestière. À cette époque, Apo, qui avait 25 ans, avait juré de ne jamais se marier. N’ayant donc pas eu d’enfants, elle a opté de laisser son legs à ses deux petites-nièces nommées Grave Palicas et Elyanag Wigan, afin que la tradition et le savoir ne meurent pas avec elle et que son héritage soit toujours perpétué. La signature qu’oppose Apo Whang-od sur ses œuvres humaines consiste en trois points qui la représentent avec ses disciples par le sang et qui expriment la prochaine génération perpétuant son art. Par ailleurs, bien qu'ils soient constitués de symboles présents dans la nature et portant des motifs géométriques simples, les tatouages Kalinga n’ont cependant pas aujourd’hui la même signification que lorsqu'ils étaient alliés à la culture guerrière. Mais leurs designs sont encore fortement appréciés et très recherchés par les fans de tatouages.

"La légende à l'oeuvre", en commentaire de cette photo de keeladominguez. Photo tirée du compte instagram @apowhangod

Lors d'un webinaire portant sur l’adoption actuelle et la popularisation d’un ancien rituel, l'anthropologue Analyn Salvador-Amores a noté que ce qui était autrefois un cérémonial basé sur un lieu donné a été transformé en une pratique commercialisée. « La culture est une marchandise de plus en plus prisée et a été agressivement appropriée par d'autres entités », a-t-elle déclaré. « Au lieu de demander à qui appartient une culture, nous devrions nous demander comment nous pouvons promouvoir d’une manière respectueuse la culture autochtone et les formes indigènes d'expression de soi au sein des sociétés de masse ». 

La revue Vogue édition Philippines fait actuellement un tabac, tellement qu’elle est déjà en rupture de stock. Et pour cause, sa couverture glossy pour le mois d’avril donne à voir l’image d’une très belle femme du (plus que) troisième âge au regard pensif et aux bras et au décolleté complètement recouverts d’un tatouage géométrique. Elle se nomme Apo Whang-od et l’on a...

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