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Le courage du scandale


Faute avouée est à moitié pardonnée. Si l’adage vaut ce qu’il vaut pour le bambin coupable de razzia sur les pots de confiture, il en va tout autrement en matière de gouvernement. Reconnaître sa faute, ce n’est là en effet qu’un indispensable, un incontournable début. Réparer sa faute, c’est déjà mieux, mais pas encore assez ; car le demi-pardon consenti au responsable repenti devrait forcément, mathématiquement, lui attirer ne serait-ce qu’une moitié de sanction.


Rien de tout cela, bien évidemment, dans notre bordélique république où l’impunité est de règle, même pour les atteintes les plus graves – les plus meurtrières parfois – à l’intérêt public. Cédant à un bizarre caprice du président de l’Assemblée, le chef du gouvernement démissionnaire vient ainsi de jongler outrageusement avec les fuseaux horaires, déréglant ainsi les pendules et puis les remettant à l’heure ; mais il s’est bien gardé d’exprimer le moindre regret pour la confusion générale et la vaste levée de boucliers qu’à provoquées l’incroyable lubie.


Encore plus surréelle est cependant la cavalière marche arrière qu’a dû opérer le ministre sortant des Transports en enterrant son très contesté projet d’extension de l’aérogare de Beyrouth. Ali Hamiyé n’a pas seulement enfreint toutes les règles de transparence en concluant de gré à gré un contrat léonin avec une firme irlandaise pour l’aménagement d’un deuxième terminal : désavantageuse et suspecte concession de 25 ans, braderie de biens publics dont il tirait gloire, mais qui a aussitôt suscité l’indignation de nombre d’organisations non gouvernementales, de députés et de médias. Or, même en se résignant à siffler la fin de la partie, cette Excellence se sera arrangée pour patauger encore et toujours dans l’absurde : pour empiler gaffe sur gaffe, pour faire scandale dans le scandale. Car si, selon ses propres termes, Hamiyé trouve l’insigne courage de déclarer forfait, ce n’est guère pas qu’il se rend à la raison et aux normes de procédure : il s’y résout seulement sur injonction de ses patrons au sein du Hezbollah, visiblement soucieux d’arrêter les frais. Un tel sens de la discipline partisane se voudrait sans doute admirable ; il ne fait, au contraire, qu’appeler la question suivante. Comment en effet un ministre aussi attentif aux vœux de sa hiérarchie a-t-il pu se lancer dans une aberration d’une telle ampleur sans s’être assuré, pour le moins, l’agrément de ses chefs ?


Pour clore cette navrante revue de la semaine écoulée, le citoyen ne manquera pas hélas d’autres sujets de méditation, non moins pénibles. Tout comme a failli le faire la valse des fuseaux horaires, la grève des salariés d’Ogero, du fait des pannes de télécommunications qu’elle occasionne, menace de parachever le dramatique isolement que connaît le pays. Quant au Parlement, il ne saurait, bien entendu, échapper à l’épidémie de scandales. En ont été les tristes héros deux députés qui, perdant les pédales en pleine réunion de commission, ont choqué l’opinion par leurs inqualifiables excès verbaux. Ce n’était pas là cependant leur seul point commun. Tous deux relèvent en effet des troupes du président de l’Assemblée, ce qui n’est pas pour redorer le blason du chiisme politique représenté par le tandem Amal-Hezbollah. Tous deux enfin, comme par hasard, font l’objet de poursuites judiciaires dans l’affaire de la méga-explosion dans le port de Beyrouth.


Impunité, impunité, on y revient …

Issa GORAIEB

igor@lorientlejour.com

Faute avouée est à moitié pardonnée. Si l’adage vaut ce qu’il vaut pour le bambin coupable de razzia sur les pots de confiture, il en va tout autrement en matière de gouvernement. Reconnaître sa faute, ce n’est là en effet qu’un indispensable, un incontournable début. Réparer sa faute, c’est déjà mieux, mais pas encore assez ; car le demi-pardon consenti au responsable...