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Monde - JUSTICE

Changement climatique : la France et la Suisse devant la CEDH, une première

Changement climatique : la France et la Suisse devant la CEDH, une première

Des manifestants sont réunis devant la CEDH à Strasbourg avant le début des audiences concernant les plaintes contre la France et la Suisse pour inaction climatique. Patrick Hertzog/AFP

Une démarche inédite pour que la France et la Suisse « fassent mieux » contre le changement climatique : des retraitées suisses et un ancien maire français ont dénoncé hier l’inaction des deux pays devant la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH). D’un côté, les membres de l’association « Les Aînées pour la protection du climat suisse », qui regroupe plus de 2 000 femmes âgées de 73 ans en moyenne, alertent sur les conséquences du réchauffement climatique, en particulier les vagues de chaleur, sur leur santé. De l’autre, Damien Carême, l’ancien maire de Grande-Synthe, une ville côtière du nord de la France menacée par la montée des eaux, poursuit Paris.

Dans les deux cas, les requérants veulent démontrer que le manque d’efforts de leurs pays pour lutter contre le réchauffement climatique enfreint les droits de l’homme, en particulier les droits à la santé et à la vie. « Il y a un préjudice sur notre santé mentale, sur notre santé physique, sur notre environnement et sur nos biens », a déclaré Damien Carême, aujourd’hui député européen Europe écologie-les verts (EELV).

En 2019, il avait saisi, en son nom propre et en tant que maire, le Conseil d’État pour « inaction climatique » face au risque de submersion de sa ville. La plus haute juridiction administrative avait donné raison en juillet 2021 à la commune, laissant neuf mois à la France pour « prendre toutes mesures utiles » afin d’infléchir « la courbe des émissions de gaz à effet de serre » pour respecter les objectifs de l’accord de Paris (-40 % d’ici à 2030 par rapport à 1990). La requête de M. Carême en son nom propre avait néanmoins été rejetée et il avait saisi la CEDH. L’élu explique qu’à l’époque de sa plainte au Conseil d’État, les experts prédisaient que sa commune subirait submersion marine et inondation terrestre vers 2100. Aujourd’hui, cette échéance est fixée à 2030. « En 4-5 ans on a perdu 70 ans à cause de notre inaction climatique », a-t-il déploré.

Événement historique

Outre l’angoisse générée par cette perspective, il a expliqué souffrir d’asthme, invoquant un autre effet du changement climatique sur sa santé. Son avocate, l’ancienne ministre de l’Environnement Corinne Lepage, a souligné « l’enjeu extrêmement important » de cette audience : si la CEDH donne raison à M. Carême, « cette jurisprudence s’appliquerait dans tous les États du Conseil de l’Europe ». « Il faut que les États soient obligés d’agir, c’est-à-dire respectent leurs propres engagements », a-t-elle insisté. De son côté, Diego Colas, représentant le gouvernement français, a assuré que celui-ci était « pleinement conscient de l’urgence climatique », mais que ce problème requiert « une réponse coordonnée au niveau mondial ».

Hier matin, les 17 juges de la Grande Chambre, formation suprême de la CEDH, avaient commencé par se pencher sur le dossier suisse devant une salle d’audience inhabituellement remplie de militantes aux cheveux gris. « Ça fait des années que l’on combat », a expliqué Bruna Molinari, 81 ans. « J’espère que la cour nous donnera raison pour que la Suisse fasse quelque chose de mieux que ce qu’elle a fait jusqu’à maintenant. » Jessica Simor, avocate des requérantes, a fait valoir que la Suisse ne prend pas de mesures suffisantes pour lutter contre la hausse des températures, « deux fois plus forte » dans ce pays que la moyenne mondiale. « La chaleur tue », a plaidé l’avocate, elle « augmente le risque de problèmes rénaux, de crises d’asthme, de troubles cardiovasculaires (...) et provoque des symptômes graves qui sont particulièrement aigus chez les personnes âgées, et plus particulièrement chez les femmes âgées ».

Cela « relève du procès d’intention d’affirmer ou de suggérer que la Suisse fait preuve d’inaction », a balayé Alain Chablais, qui représente le gouvernement suisse, avançant que les politiques climatiques d’un pays doivent être décidées au niveau politique et non judiciaire. Pour Anne Mahrer, 64 ans, une porte-

parole de l’association des retraitées suisses, cette audience est « un événement historique ». La démarche des « Aînées » avait démarré dès 2016, avec une série de recours restés vains. Soutenues par Greenpeace Suisse, les militantes ont alors saisi la CEDH. La Cour examinera la recevabilité et le fond de ces affaires puis rendra ses décisions dans quelques mois.

Pauline FROISSART/AFP

Une démarche inédite pour que la France et la Suisse « fassent mieux » contre le changement climatique : des retraitées suisses et un ancien maire français ont dénoncé hier l’inaction des deux pays devant la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH). D’un côté, les membres de l’association « Les Aînées pour la protection du climat suisse », qui...

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