
Réunion des commissions mixtes du Parlement à Beyrouth, le 28 mars 2023. Photo Ali Fawaz/Compte Flickr du Parlement libanais
Échanges d'invectives, le ton qui monte... et aucune décision prise à l'issue de la séance des commissions parlementaires, ce mardi à Beyrouth. Les députés contestataires Melhem Khalaf et Paula Yaacoubian se sont farouchement opposés à Ghazi Zeaïter, député du mouvement Amal, au sujet du respect du règlement intérieur de la Chambre. Le chef des Kataëb, Samy Gemayel, s'est également pris le bec avec Ali Hassan Khalil, aussi député Amal, sur la tenue des élections municipales prévues pour mai prochain, dans un Liban en pleine crise politique et économique.
Résultat : aucun des huit points à l'ordre du jour de la réunion des commissions mixtes réunies en matinée n'a été débattu. La commission des Finances et du Budget, de l'Administration et de la Justice, et celle de la Défense nationale, de l'Intérieur et des municipalités devaient se pencher notamment sur l'ouverture de crédits supplémentaires pour couvrir l'organisation des municipales. Ce sujet crée la polémique au Liban, les grands partis chrétiens accusant notamment le mouvement chiite Amal, dirigé par le président de la Chambre Nabih Berry, de vouloir ajourner le scrutin.
"M. Khalaf a voulu nous donner des leçons de morale"
À l'origine de la dispute, une prise de parole du député Melhem Khalaf crée un différend avec Ghazi Zeaïter. "M. Khalaf a commencé à parler des articles 74 et 75 de la Constitution, comme il le fait au début de chaque séance des commissions", raconte M. Zeaïter, contacté par L'Orient-Le Jour. "J'ai demandé au président de séance (le vice-président de la Chambre, Elias Bou Saab, ndlr) si cela était conforme au règlement ou pas", poursuit-il. Les articles 74 et 75 stipulent que la Chambre doit se réunir immédiatement pour élire un président de la République et est considérée seulement comme un collège électoral en cas de vacance à la magistrature suprême. Le Liban est sans président depuis le départ de Michel Aoun, le 31 octobre dernier.
S'en suit alors une prise de parole de Paula Yaacoubian qui a défendu son collègue du groupe de députés issus de la contestation. "M. Zeaïter n'arrêtait pas de couper Melhem. J'ai rappelé que le règlement permet de parler de n'importe quel point, des lois et de la Constitution", indique-t-elle à L'OLJ. Là-dessus, Ghazi Zeaïter se lève et crie : "Quelle camelote !", selon la version de Mme Yaacoubian. "Vous êtes poursuivi par la justice, et vous avez le cran de parler ?", a-t-elle rétorqué. "Ils ont crié un peu, et voilà. Fin de l'histoire", raconte la députée.
Elle évoque également une autre invective lancée par M. Zeaïter à l'adresse de Melhem Khalaf : "Il vaut ma semelle !" Des propos que l'intéressé n'a pas reconnu avoir prononcés. Lorsqu'on l'interroge sur la véracité de cet échange, le député de Baalbeck-Hermel répond simplement : "Un dialogue un peu musclé, ça peut arriver. M. Khalaf a voulu nous donner des leçons de morale et des cours de loi. On ne va tout de même pas se laisser parler comme ça!", lance-t-il.
Samy Gemayel vs. Ali Hassan Khalil
Si l'échange d'"amabilités" entre Ghazi Zeaïter et les contestataires a eu lieu en début de séance, un autre clash a marqué la fin de la session, celui-là entre Ali Hassan Khalil et Samy Gemayel, au sujet de l'organisation des élections municipales. Les deux parlementaires ont évité de répéter leurs propos à la fin de la séance. "Si je rapporte ce qui s'est passé, je participerai à la division du pays où certains veulent nous emmener", a affirmé M. Gemayel au micro des télés locales. "Je le soumettrai à Nabih Berry pour qu'il juge de lui-même", a-t-il ajouté, soulignant que l'échange "a porté atteinte à des valeurs sacrées", sans plus de détails. Des propos confirmés par la suite par les Kataëb, dans un communiqué que l'OLJ a consulté.
"Ne pas tenir les élections municipales mènera à un chaos immense, et le gouvernement a plusieurs moyens pour les organiser", a ajouté le chef des Kataëb dans sa déclaration à la presse. "D'autant que le montant requis est de 8 millions de dollars et que c'est le quart de ce que paye la Banque du Liban quotidiennement pour la plateforme Sayrafa", a-t-il poursuivi.
"Le Parlement ne doit pas aborder la question des DTS (Droits de tirage spéciaux du Fonds monétaire international) et nous ne voulons pas couvrir légalement l'utilisation de ces droits", s'est contenté de dire Ali Hassan Khalil à l'issue de la réunion. Le député Amal est à l'origine de la proposition de loi portant sur une ouverture de crédit supplémentaire dans le budget 2022, d'un montant de 1.500 milliards de livres libanaises, pour couvrir les dépenses d'organisation des élections municipales. Les DTS sont des montants qui ont été accordés au Liban par le FMI en 2021. Ils sont régulièrement mentionnés par les responsables comme une source de financement pour couvrir des dépenses nécessaires aux réformes dans un pays qui traverse la pire crise économique de son histoire moderne.
D'après des informations de la chaîne locale LBCI, le président du Parlement a contacté Samy Gemayel après ses déclarations aux médias. Le vice-président de la Chambre s'est, lui, rendu au siège des Kataëb, à Saïfi, afin de s'entretenir avec le chef du parti. Le bureau du vice-président de la Chambre Elias Bou Saab a indiqué mardi soir que le député Ali Hassan Khalil avait finalement présenté ses excuses au chef des Kataëb Samy Gemayel, lors d'un appel téléphonique. "A l'issue de la dispute qui a eu lieu pendant la réunion des commissions mixtes, Elias Bou Saab a contacté le président du Parlement Nabih Berry et lui a raconté les détails de l'incident. M. Berry a alors immédiatement appelé le chef des Kataëb tout en demandant à M. Bou Saab de régler cette affaire au plus vite", explique un communiqué. "M. Bou Saab s'est alors rendu à Saïfi où il s'est réuni avec Samy Gemayel. Le député Ali Hassan Khalil a ensuite appelé le leader des Kataëb pour s'excuser", ajoute le texte.
commentaires (13)
Ce qui a été dit , a été dit, excuses ou pas. Ca révèle la mentalité et les intentions dans lesquelles évoluent nos chers compatriotes .A nous d en tirer les conclusions.
Jimmy Barakat
22 h 01, le 29 mars 2023