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Disette, colère et floraisons

Tandis que nous nous interrogeons encore, sans espoir de réponse concrète, sur les combines maléfiques qui ont conduit à l’effondrement économique et financier du Liban, un printemps glorieux s’épanouit entre plaines et montagnes. Si glorieux, d’ailleurs, qu’il est impossible de soupçonner, près de tant de beauté, tant de misère. Dans les villages reculés de la Békaa se produisent en ce moment même des éclosions inouïes. Sous les amandiers en fleurs, les habitations les plus modestes ont des allures de palais. Éblouissante, follement généreuse, la floraison des amandiers est toujours précoce, trop vite emportée par les giboulées de la saison. Si vous avez le bonheur d’arriver à temps pour vous remplir les yeux de cette tempête de satin, sourire aux myriades de petites lèvres roses qui vous sourient au cœur des pétales, il y a aussi de fortes chances qu’en levant les yeux vers le ciel le plus pur vous y voyez d’immenses volées d’hirondelles, obéissant au même signal mystérieux, se rendant à la même fête. Ici, les gens ont toujours vécu en harmonie avec la terre. Ils donnent, elle rend au centuple. Les années de disette sont années de patience, mais tant qu’il neige en hiver, tant que l’eau qui déferle des sommets engraisse et engrosse l’humus et que le soleil verdit les pousses, il fait bon croire, même naïvement, qu’au moins une minuscule partie de la minuscule patrie échappe à la dictature du dollar et goûte à la richesse de se passer d’argent.

Cependant, la vue des camps de déplacés rongeant çà et là le tapis de la plaine assombrit le paysage. Si peu de moyens, tant de précarité, tant de besoins, une bombe démographique impossible à désamorcer… et avec cela, aucune issue, aucun plan d’avenir à l’ombre d’un gouvernement démissionnaire et d’un État quasi inexistant depuis longtemps. À cela s’ajoute une dollarisation forcée face à une monnaie nationale qui s’efface. La colère est bien là, mais elle n’a ni canal ni recours. Contre qui se dirigerait-elle ? L’augmentation des suicides montre que certains finissent par s’en prendre à eux-mêmes. Des groupes de défense communautaires désignent « l’autre », de fait, comme cible, ennemi ou défouloir. Les villes se cloisonnent. Un entre-soi malsain défait ce qui fut un peuple. Intolérance et repli reprennent leur place dans le pays naguère le plus convivial du monde.

Petit à petit, avec une économie de plus en plus monétisée, de plus en plus intraçable, le Liban se transforme en une machine à laver l’argent sale à l’échelle d’un pays et attire tous les capitaux douteux de la planète. Les banques, qui survivent en privant les déposants de leurs dépôts, sont réduites à des boîtes postales. On a souvent dit que ce qu’il pouvait arriver de pire n’importe où ailleurs a déjà été expérimenté sous nos cieux. Guerre civile, attentats phénoménaux, explosion monstrueuse, séisme, crise migratoire, crise des ordures, crise alimentaire, monétaire, sanitaire, défaite du secteur éducatif et médical… Nous reste-t-il encore quelque joyeuseté inconnue à découvrir, une nouvelle expertise à offrir au reste du monde ? Heureusement, les amandiers ont fini de fleurir. À nous de remonter à nos sources, ou nous plonger dans nos cryptes intérieures, pour retrouver, et sans doute adapter à notre époque, la recette qui avait fait du Liban un pays viable et des Libanais un peuple raisonnablement heureux.

Tandis que nous nous interrogeons encore, sans espoir de réponse concrète, sur les combines maléfiques qui ont conduit à l’effondrement économique et financier du Liban, un printemps glorieux s’épanouit entre plaines et montagnes. Si glorieux, d’ailleurs, qu’il est impossible de soupçonner, près de tant de beauté, tant de misère. Dans les villages reculés de la Békaa se...
commentaires (3)

Après avoir lu l'article sur les déboires des malades du cancer au liban, l'article de Fifi viens nous confirmer que cette même maladie frappe notre cher pays tout comme elle affecte ces belles et courageuses mères et ces pères et ces enfants atteints du cancer mais qui se battent pour survivre et faire vivre leurs êtres chers. Le cancer paralyse le liban qui malgré tout se bat et porte son habit printanier pour soulager ses enfants malgré les douleurs affreuses de la maladie qui le torture... on revit la légende d'adonis tué par la haine du dieu sanglier... Akhhh, combien de sangliers sauvages nous tortures et assassinent notre beau pays...

Wlek Sanferlou

13 h 02, le 23 mars 2023

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Commentaires (3)

  • Après avoir lu l'article sur les déboires des malades du cancer au liban, l'article de Fifi viens nous confirmer que cette même maladie frappe notre cher pays tout comme elle affecte ces belles et courageuses mères et ces pères et ces enfants atteints du cancer mais qui se battent pour survivre et faire vivre leurs êtres chers. Le cancer paralyse le liban qui malgré tout se bat et porte son habit printanier pour soulager ses enfants malgré les douleurs affreuses de la maladie qui le torture... on revit la légende d'adonis tué par la haine du dieu sanglier... Akhhh, combien de sangliers sauvages nous tortures et assassinent notre beau pays...

    Wlek Sanferlou

    13 h 02, le 23 mars 2023

  • J'ai beaucoup apprécié cet éditorial de Fifi Abou Dib. Car une touche de sensibilité poétique y opère une sorte de transfiguration de la désespérance libanaise en ouverture vers la beauté de la floraison des amandiers dans cette région de la Békaa centrale d'où je suis originaire. Vers la beauté et vers l'Espérance que fait éclore dans la Psyché libanaise cette Primevera à nulle autre pareille. Je ne sais pas si Madame Abou Dib a lu mon ouvrage "Vers un Liban harmonieux " qui a été bien accueilli par l'OLJ en 2009. Mais il va dans le même sens , celui d'une utopie qui refuse de se rendre, parce qu'elle prend une de ses sources dans l'irrésistible charme des amandiers en fleurs, sous "la paternelle magistrature " du Soleil . Elie Maakaroun

    Maakaroun Elie

    10 h 52, le 23 mars 2023

  • La convivialité s'est déplacée, à l'étranger pour certains et dans certaines banlieues pour d'autres. Il faut insister sur les initiatives dites locales, sur le travail de certaines associations ou encore sur la motivation de certains insouciants pour alimenter cette nostalgie

    Georges Olivier

    09 h 13, le 23 mars 2023

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