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Nos Lecteurs ont la Parole

Absoudre l’absurde

« L’absurde, c’est la raison lucide qui constate ses limites. » Albert Camus.

Nous résistons, depuis quelques années et cela va en s’intensifiant, dans une absurdité qui brave l’indulgence que peut avoir le moindre bon sens. Tout flambe perpétuellement, souvent au sens propre du terme, à Beyrouth. Si bien que, dans une réalité qui défie le plus résilient, même la partie gauche du cerveau, celle qui gère la logique humaine, semble avoir sombré dans un état de neurasthénie des plus profonds. Cette surprenante existence qui est la nôtre résonne alors comme un compromis. Nous ne pouvons rester debout sans accepter une succession de concessions agréées ou tolérées, qui font aujourd’hui concurrence aux dogmes et aux moralités. Nous avons créé une morale, une notice, un mode d’emploi qui nous prescrit « comment vivre ».

Régulièrement, on me demande : « Mais comment fais-tu pour vivre encore à Beyrouth ? » Je me suis moi-même posé la question, et souvent. Comment fais-je pour tenir le coup dans cette incohérence infinie, dans cette incongruité, dans cette folie ? Comment vivre dans cet illogisme avéré, dans ce désordre éreintant ? Comment obtenir le laissez-passer A38 de cette maison de fous qu’est devenu le Liban ? Et puis, j’ai admis l’idée de vivre dans l’absurde. Je cessais donc de m’interroger sur la mauvaise problématique. Il me fallait dès lors trouver le moyen d’être heureuse, de construire mon bonheur puisque j’étais consciente de l’absurdité qui m’entourait.

Vivre dans l’absurde résonne peut-être aujourd’hui comme un compromis, une issue, comme un mode d’emploi de « comment vivre » dans une situation aussi dramatique que la nôtre. Nous avons choisi d’évoluer en dehors des schémas fatalistes. Nous avons appris, depuis qu’on y est obligé, à vivre, somme toute, sans sens.

Je disais lors d’une rencontre organisée à la librairie Monnot il y a quelques jours que vivre dans l’absence d’espoir ne veut pas forcément dire vivre dans le désespoir, être dépressif. Vivre dans l’absurde permet de contourner le constat qui résulte de l’intelligence et fige les choses, ce même constat qui donne une dimension fataliste et dramatique au futur, et fait souvent réaliser la couleur sombre de notre existence. C’est refuser de l’admettre en se réfugiant dans son « petit monde » plus ou moins confortable pour échapper aux turpitudes du « grand monde », celui-ci régi par des voleurs d’avenir et des marchands de mort, avec pour seule consolation le fait que toutes les larmes récoltées par ces marchands de mort ne sont autres que des preuves de vie(s), aussi absurdes soient-elles.


Les textes publiés dans le cadre de la rubrique « Courrier » n’engagent que leurs auteurs. Dans cet espace, « L’Orient-Le Jour » offre à ses lecteurs l’opportunité d’exprimer leurs idées, leurs commentaires et leurs réflexions sur divers sujets, à condition que les propos ne soient ni diffamatoires, ni injurieux, ni racistes.

« L’absurde, c’est la raison lucide qui constate ses limites. » Albert Camus.Nous résistons, depuis quelques années et cela va en s’intensifiant, dans une absurdité qui brave l’indulgence que peut avoir le moindre bon sens. Tout flambe perpétuellement, souvent au sens propre du terme, à Beyrouth. Si bien que, dans une réalité qui défie le plus résilient, même la...

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