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Sport - Football

Le Racing, club historique d’Achrafieh, retrouve ses lettres de noblesse

Après trois saisons passées à l’échelon inférieur, le club historique d’Achrafieh a retrouvé sa place dans l’élite du football libanais après avoir glané le titre de champion de deuxième division. Rencontrée par « L’Orient-Le Jour », sa présidente Paola Rizk est revenue sur les étapes fondatrices de cette remontée avant de faire part de ses multiples ambitions pour les années à venir.

Le Racing, club historique d’Achrafieh, retrouve ses lettres de noblesse

L’effectif du Racing, aux côtés de la présidente Paola Rizk et du président d’honneur Michel Pharaon, célébrant le titre de deuxième division remporté par le club beyrouthin à l’issue de sa victoire 3-1 face à al-Islah, lors de la dernière journée de la saison 2022-2023, le 3 mars courant sur la pelouse du stade Fouad Chéhab de Jounieh. Photo fournie par le club

La cérémonie n’a beau débuter que dans une heure, l’effervescence est déjà tangible aux abords du siège. Parsemés en plusieurs petits groupes sous le long porche qui précède l’entrée du bâtiment, estampillé « Racing Club – Beyrouth » en lettres bleues sur fond blanc, les joueurs papotent le sourire aux lèvres, tous vêtus du même survêtement aux couleurs du club.Qu’ils soient membres de l’équipe première ou des catégories de jeunes, tous ont bien évidemment été conviés aux festivités. Une remontée dans l’élite, ça se partage, qui plus est au terme d’une saison où tout le monde a mis sa pierre à l’édifice.

« La coupe arrive ? » demande l’un d’eux. « Elle est en chemin », assure Gaby Kattini, le secrétaire général du club, téléphone en main. Quoi de plus normal que de vouloir récupérer son dû ? Surtout lorsqu’il s’agit du premier trophée du club beyrouthin depuis plus d’un demi-siècle.

Quelques jours plus tôt, sur la pelouse du stade Fouad Chéhab, les joueurs d’Ismaïl Kortam entérinaient leur promotion dans l’élite en s’offrant un ultime succès (3-1) aux dépens d’al-Islah, l’équipe de Bourj el-Chemali, en périphérie de Tyr.

« Retour à sa place naturelle »

Grâce à des buts inscrits coup sur coup par Ali el-Moussawi (73e), Hussein Ezzedine (75e) et le capitaine Ali Ayoub (78e), les « Racingmen » s’offraient une communion bien méritée avec leurs supporters, venus en nombre célébrer la remontée de leurs protégés. De quoi finir en beauté une saison qu’ils auront survolée de la première à la dernière journée « sans jamais abandonner la première place », insiste Georges Abou Mrad.

Fils de Joseph Abou Mrad, ancien buteur et capitaine de la sélection nationale libanaise et du Racing entre les années 1950 et 60, dont il est ensuite devenu président après sa carrière de joueur, Georges a suivi les traces de son paternel, gravissant les échelons au sein d’une institution qu’il considère comme la « maison dans laquelle il a grandi » et dont il est aujourd’hui le vice-président.

« C’est une grande fierté d’avoir ramené le Racing à sa “place naturelle”, c’est important de le répéter, clame l’ancien milieu de terrain. Un club comme le Racing, qui a gagné trois fois le championnat et qui a porté fièrement les couleurs du Liban à l’international, n’a rien à faire en deuxième division. (...) Ça a été très dur de remonter, car les matches sont loin d’être faciles, surtout lors des longs déplacements dans le Sud ou dans le Nord. Mais, Dieu merci, cette année, nous avons réussi. Et il faut vraiment remercier la présidente Paola Rizk pour cela, parce qu’elle a vraiment remis le club en ordre de marche. Et bien sûr son père, le ministre Michel Pharaon, pour son soutien très important. »

Les sept voyages du Racing

Dans les couloirs du siège, Michel Pharaon attend posément l’arrivée de la délégation de la fédération invitée à se joindre aux festivités. Autour de lui se succède une série de cadres qui retracent les épisodes glorieux de l’histoire du club dont il est aujourd’hui le président d’honneur : « Ça, c’est un cliché de l’équipe qui a remporté le premier titre de champion du Liban en 1955 », relate l’ancien député et ministre en pointant du doigt une photo colorisée faisant à la fois ressortir le bleu des maillots et le noir des moustaches.

« Là, ce sont les deux autres titres de 1965 et de 1970, poursuit-il. Mais il y a aussi des souvenirs des nombreuses tournées internationales qu’a effectuées le Racing au début de son histoire. À l’époque, l’équipe participait à des tournois un peu partout à travers le monde, presque sur tous les continents, ce qui lui a même valu d’être surnommé le “Sindbad” du football libanais. »

Un temps dont se souvient parfaitement Georges Abou Mrad, qui a entamé en 1982 sa carrière dans les rangs du « Château Blanc », autre surnom attribué au club. « Même pendant la guerre, le Racing a continué de représenter le Liban à l’étranger. En 1985, on avait même formé une sélection commune avec les joueurs d’al-Nejmeh, avec laquelle on a fait une tournée en Roumanie et en Afrique du Nord. »

Entre deux anecdotes sur l’épopée du Racing lors d’un tournoi en Corée du Sud et sur un match amical disputé sur la pelouse du stade de Bourj Hamoud face à la sélection junior du Brésil, l’ancien milieu de terrain tient à souligner la diversité des joueurs avec lesquels il a évolué : « C’est aussi ce qui fait la particularité de notre club, le communautarisme n’a jamais eu sa place dans notre équipe. Si on regarde les grands joueurs qui ont porté les couleurs du Racing, on retrouve des noms qui viennent de tout le Liban et de toutes les communautés », insiste-t-il.

Tradition familiale

À l’instar du célèbre marin auquel il est associé, le Racing a dû surmonter mille et une tempêtes au gré de ses (presque) 90 ans d’histoire. Le « Château Blanc » est parfois passé tout proche du naufrage, ou plutôt de la ruine, comme ce fut le cas le 4 août 2020, lorsque ses locaux tout juste rénovés furent soufflés avec le reste de Gemmayzé par l’explosion au port.

« Après l’explosion, on a reçu un appel pressant de plusieurs personnes faisant partie de l’entourage du club, explique Michel Pharaon. On nous a demandé de nous réinvestir dans sa gestion, car au-delà des problèmes financiers, il y avait énormément de dissensions au sein de l’ancienne administration. Donc j’ai proposé à Paola de prendre la présidence, chose qu’elle a acceptée. Et depuis son élection, on peut dire qu’elle fait l’unanimité », conclut-il en jetant un regard vers sa fille.

En étant nommée à la tête de l’institution en octobre 2020, Paola Rizk perpétuait ainsi une vieille tradition familiale, puisque son grand-père, Pierre Pharaon, a occupé lui aussi la présidence d’honneur du club. « Cela fait plusieurs générations que notre famille aide le Racing sous différentes formes. Alors, lorsque ce poste m’a été proposé, je n’ai pas hésité très longtemps », assure celle qui a mené plusieurs activités dans le secteur privé et qui fut également conseillère au ministère du Tourisme.

Dans un ensemble qui arbore lui aussi les couleurs du club, la seule et unique « présidente » du football libanais mesure déjà l’ampleur du chemin parcouru : « Vu le contexte dans lequel était le club lors de ma prise de fonctions, la priorité était avant tout de maintenir sa stabilité et de régler tous les problèmes que nous avions en interne. Puis, nous avons essayé d’évaluer du mieux possible les domaines dans lesquels nous devions concentrer nos efforts pour apporter un changement durable sur le long terme et établir une stratégie nouvelle. »

L’un des principaux piliers sur lequel devait s’appuyer cette stratégie a rapidement été identifié : le développement des catégories de jeunes. Considéré comme un « réservoir » devant alimenter le plus possible les rangs de l’équipe première, les équipes U20 et U18 ont été placées au cœur du plan mis en œuvre par la nouvelle administration, dans laquelle siègent deux autres femmes, pour bâtir l’avenir.

Et comme souvent, le pari de la jeunesse finit bien par porter ses fruits : « C’est une grande fierté de voir autant de jeunes joueurs, issus de nos équipes juniors, être régulièrement appelés avec l’équipe première pour participer aux matchs. Rendez-vous compte, nous sommes déjà l’équipe qui intègre le plus de jeunes dans son effectif professionnel sur les deux premières divisions ! Et cela est bien sûr amené à s’améliorer », assure fièrement la présidente.

Paola Rizk, présidente du Racing, posant avec le trophée de champion de deuxième division, le 3 mars courant sur la pelouse du stade Fouad Chéhab de Jounieh. Photo fournie par le club

Une nouvelle académie… avant un nouveau stade ?

Ce parti pris s’inscrit dans la ligne de celui qui avait motivé la création de l’Académie de football du club, fondée en 2011 et qui comptait en 2016 plus de 200 enfants. Malheureusement contraint de fermer ses portes à cause de la pandémie et de la crise économique, ce centre de formation va bientôt reprendre du service.

Si cela se confirme, cela devrait être le cas sur la pelouse du stade municipal de Sin el-Fil, qui vient de faire peau neuve grâce à une donation du programme « FIFA Forward ». Rénové en priorité par la Fédération libanaise de football, ce terrain accueillera également les entraînements des autres équipes du club, avant peut-être de futures rencontres à domicile une fois qu’il sera entouré de quelques tribunes ?

« Nous sommes très heureux de pouvoir utiliser ce nouveau stade pour y faire évoluer nos différentes équipes. En espérant qu’un jour, on puisse y ajouter des tribunes et en faire pourquoi pas notre nouveau terrain domicile, escompte Paola Rizk. Dans les circonstances actuelles que traverse le Liban, nous tenons vraiment à faire du Racing une organisation porteuse d’un rôle social au sein de la région. Qu’il soit un modèle capable d’offrir un avenir au plus grand nombre de jeunes possible. C’est un objectif qui nous anime à tous les échelons du club, tout comme nos donateurs, membres de La Ligue des amis du Racing, dont le soutien nous permet d’avoir de nombreux projets pour l’avenir », résume-t-elle.

L’effectif du Racing célébrant un but. Photo fournie par le club

Étape par étape

Aussi réfléchies et ambitieuses soient-elles, ces perspectives demeurent toutefois conditionnées aux futurs résultats de l’équipe première. Au sortir de trois saisons passées à l’échelon inférieur, conclues aux 7e, 3e puis 1re place, les retrouvailles avec l’élite du football national s’annoncent forcément des plus exigeantes : « Une fois passées les célébrations de la remontée, nous allons très vite nous remettre au travail pour mettre toutes les chances de notre côté au moment d’aborder cette nouvelle étape. Il y aura forcément quelques changements qui seront apportés au sein de l’équipe, mais nous continuerons bien entendu à nous appuyer sur les bases et les valeurs qui nous ont permis d’arriver jusqu’ici », précise la dirigeante.

Et lorsqu’il s’agit de fixer un objectif pour la saison à venir, elle marque un léger temps d’hésitation… avant de légèrement botter en touche : « Nous sommes très ambitieux pour les années à venir, nous ne le cachons pas. Mais il faut procéder étape par étape. Le plus important est d’abord de se pérenniser en première division et de développer le club à tous les niveaux. On parlera de classement un peu plus tard », sourit-elle.

La cérémonie est sur le point de débuter. Hachem Haïdar, président de la Fédération libanaise de football, et le trophée tant désiré, vient de descendre les dernières marches qui précédent le seuil de la vaste salle où les festivités sont déjà entamées. S’ensuivent les traditionnels discours de félicitations et les séances photo qui vont avec.

Au fond de la pièce, un petit groupe se concerte sur la meilleure façon de redisposer l’étagère à trophée, avant de procéder à quelques ajustements. Une fois l’opération terminée, le résultat semble satisfaire la petite assemblée : la coupe a désormais sa place de choix. Mais, visiblement, la chose a été pensée pour que celles qui lui succéderont trouvent aussi la leur...

La cérémonie n’a beau débuter que dans une heure, l’effervescence est déjà tangible aux abords du siège. Parsemés en plusieurs petits groupes sous le long porche qui précède l’entrée du bâtiment, estampillé « Racing Club – Beyrouth » en lettres bleues sur fond blanc, les joueurs papotent le sourire aux lèvres, tous vêtus du même survêtement aux couleurs du...

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