
Une branche de la BLOM Bank à Beyrouth. Photo d'archives AFP
En l’absence totale de réformes pouvant mettre fin à la crise financière inédite que traverse le pays depuis trois ans et demi, les banques et les déposants continuent de s’affronter. Ainsi, l’ordre des ingénieurs de Beyrouth, dont une partie des dépôts se trouve à la Banque du Liban et d’outre-mer (BLOM Bank), a présenté lundi un recours auprès du juge des référés de Beyrouth pour contester la décision de cet établissement de clôturer ses comptes et lui faire récupérer ses fonds sous forme de chèques bancaires déposés auprès d’un notaire. Or, un tel moyen de paiement lèse le client, d’autant que les chèques ne peuvent être encaissés qu’à un maximum de 10 ou 20 % de leur valeur.
« Les mesures ont été prises par la banque vendredi dernier en réponse à notre demande de retirer une partie de nos avoirs qui constituent les pensions de retraite et la caisse d’hospitalisation », explique le président de l’ordre des ingénieurs Aref Yassine, contacté par L’Orient-Le Jour. « Dans le délai légal de 48h qui nous était imparti, nous avons rejeté les chèques et demandé aussitôt par la voie judiciaire la réouverture de nos comptes », affirme-t-il. Il précise que l’ordre entend présenter une autre plainte pour restituer les fonds sur les comptes dont il réclame la réouverture.
« Fruits d’épargnes amassées pendant de nombreuses années, nos avoirs à la BLOM Bank et dans d’autres banques sont confisqués, au lieu de permettre aux membres de l’ordre de mener une vie digne », dénonce M. Yassine. « Notre confrontation avec les banques se poursuivra par tous les moyens légaux, mais aussi par la mobilisation des ingénieurs et les pressions qu’ils pourront exercer », se promet-il. Il rappelle que l’année dernière, le même problème était survenu avec Fransabank. En juin dernier, l’ordre avait eu en effet gain de cause, suite au procès qu’il avait intenté contre cette banque sommée de rouvrir le compte qu’elle avait fermé.
Unifier les critères
Interrogé par L’OLJ, un cadre de la BLOM Bank justifie les mesures adoptées par « la nécessité d’unifier le remboursement des crédits et le paiement des dépôts ». « Il est injuste pour les banques de rendre les dépôts en dollars frais (cash), alors que nombre de leurs emprunteurs ont été remboursés sur base de l’ancienne parité de 1 500 LL », juge-t-il. « En satisfaisant les demandes de tel ou tel déposant, les banques n’auront plus assez de liquidités pour rendre les avoirs de tous les déposants », argue-t-il par ailleurs, estimant qu’« au même titre que les déposants, les établissements bancaires sont victimes de l’incurie de l’État ».
Un avocat au courant du dossier estime que la banque pourrait mieux se défendre si elle se contentait de déposer les chèques émis chez des notaires sans aller jusqu’à clôturer les comptes concernés. « Mieux vaut rouvrir les comptes de l’ordre, car la clôture d’un compte constitue une atteinte aux droits, un acte relevant de la compétence du juge des référés », dit-il, estimant que la banque pourrait finalement opter pour cette option. Il affirme que « le juge des référés pourrait prendre des décisions qui nuisent à la banque, comme par exemple la contraindre à rembourser son client en dollars frais ». Or, tout en maintenant un compte ouvert, un chèque peut être déposé chez un notaire, fait observer l’avocat. Un tel cas relève de la compétence des tribunaux civils, auprès desquels la procédure, plus longue, est à l’avantage des banques, note-t-il.
Faillite frauduleuse
Si les banques s’ingénient à recourir à des moyens légaux pour satisfaire leurs intérêts, des représentants des déposants le font également pour préserver les leurs. Au nom d’un client de la Banque libanaise pour le commerce (BLC), Pascal Racy, le collectif d’avocats Mouttahidoun a intenté mardi, devant le premier juge d’instruction de Beyrouth Charbel Abou Samra, une action pour « faillite frauduleuse et faillite pour négligence » contre la BLC, représentée par son PDG Nadim Kassar, en sa qualité personnelle, et par d’autres cadres de l’établissement, également en leur qualité personnelle.
Interrogé sur la différence entre une action en faillite devant un tribunal civil et une action pour faillite frauduleuse présentée au pénal, un avocat pénaliste affirme que dans les deux cas, les cadres bancaires qui auraient commis des fautes de gestion seraient poursuivis sur leurs actifs et leurs fonds personnels. Sauf que si la faillite est frauduleuse, ces derniers peuvent être passibles de sanctions pénales, précise-t-il.
En l’absence totale de réformes pouvant mettre fin à la crise financière inédite que traverse le pays depuis trois ans et demi, les banques et les déposants continuent de s’affronter. Ainsi, l’ordre des ingénieurs de Beyrouth, dont une partie des dépôts se trouve à la Banque du Liban et d’outre-mer (BLOM Bank), a présenté lundi un recours auprès du juge des référés de...
commentaires (5)
Vous mettre un chèque chez le notaire n’est-ce pas dévoiler le secret bancaire !?
Bersuder Jean-Louis
01 h 36, le 17 mars 2023