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Nos Lecteurs ont la Parole

Une comparaison entre Samir Geagea et Hassan Nasrallah

Deux poids lourds de la vie politique libanaise qui se situent du côté opposé sur l’échiquier politique.

Et pourtant, on peut noter deux points communs. Premièrement, la défense d’une cause jusqu’à son achèvement, sur un chemin bien tracé qui ne laisse pas de place aux petites combines politiciennes ; deuxièmement, tous les deux sont des organisateurs hors pair : politico-militaire dans le cas de Nasrallah, politique dans le cas de Geagea depuis la fin de la guerre, mais également un organisateur exceptionnel des Forces libanaises pendant la guerre.

Malgré ces points communs, force est de constater que beaucoup de points essentiels les séparent. Un petit aperçu.

L’expérience de l’injustice…

Il s’agit de l’injustice personnelle. Être emprisonné dans une minuscule cellule, pendant 11 ans et 3 mois, après un simulacre de procès accompli sous une occupation militaire étrangère, ne peut que laisser une blessure profonde dans chaque être humain, et une souffrance personnelle et familiale en la personne de son épouse Sethrida Taouk Geagea, âgée à l’époque de 27 ans. Nasrallah n’a pas connu cette injustice personnelle, et d’ailleurs, il ne semble pas être affecté par cette injustice, puisqu’il considère Geagea comme un « criminel de guerre » ; ce jugement appelle un autre, puisque certains affirment que Nasrallah est un « assassin en temps de paix ».

Quoi qu’il en soit, Samir Geagea ne semble pas s’attarder sur cette injustice, ni prendre en considération la réflexion de Henri Lacordaire « L’injustice appelle l’injustice… » puisqu’il s’est attelé à engager son parti dans la voie de la construction d’un vrai État, un État de droit. Max Scheler, philosophe et sociologue allemand, pense que « l’injustice agrandit une âme libre et fière ». Samir Geagea fait partie de ces âmes, son comportement le prouve.

La politique intérieure…

Geagea défend un État de droit avec une justice indépendante sans laquelle rien ne peut évoluer au Liban, un État où seule l’armée est garante de sa sécurité et son indépendance. Nasrallah ne semble pas défendre cette idée de l’État ; en effet, plusieurs actions de sa part tendent à le démontrer : son interférence régulière dans le déroulement de l’enquête sur la double explosion du port, les incidents sanglants de 2008 suite à des décisions prises par les Conseil des ministres, les accrochages sanglants de Tayouné en marge d’une manifestation devant le Palais de justice contre le juge Bitar… Nasrallah donne l’impression que ce n’est pas l’État de droit qui prime chez lui, mais les intérêts au service de son idéologie qui dépasse le cadre du Liban. D’où son attachement à sa milice armée qui lui permet de peser fortement sur le déroulement des évènements.

La politique extérieure…

Samir Geagea défend un Liban libre, indépendant et souverain. Il est le représentant actuel de la longue ligne historique de la société chrétienne qui, au XXe siècle, passe par Bachir Gemayel, Camille Chamoun, Pierre Gemayel et Charles Malek, et, au XIXe siècle, par Youssef bey Karam et, plus loin encore, par le combat et le martyre des premiers patriarches maronites pour la défense de leur liberté. On peut ajouter à cette liste l’émir Fakhreddine II le Grand, même s’il est druze, puisqu’il défendait les mêmes valeurs. Un positionnement historique qui n’admet pas d’équivoque.

Hassan Nasrallah a une « ambition » plus large pour le Liban : son combat est celui de l’extension du chiisme dans la région du Moyen-Orient, en totale fusion stratégique avec l’Iran. Cette ambition ne peut que faire instaurer au Liban, à terme, une République islamique et est hautement explosive dans une région à majorité sunnite. Une république à l’antipode de celle que défendent Samir Geagea et les Forces libanaises. Si ce « rêve » aboutit, il est évident que Geagea et ses alliés n’accepteront pas de vivre dans ce Liban.

Peuvent-ils négocier une voie de sortie ?

Toute négociation nécessite de prendre en considération les arguments de l’autre et tenter de trouver un accord. Toute négociation n’aboutit pas, mais si c’est le cas, elle traduit un équilibre qui satisfait les deux groupes en question.

Certains parlent d’un accord partiel, laissant de côté les armes du Hezbollah, qui se focalisera sur les problèmes socio-économiques. C’est oublier que le FMI demande, entre autres, une justice indépendante et un contrôle sur le blanchiment d’argent. Nasrallah acceptera-t-il ces conditions ? Acceptera-t-il le contrôle du trafic de drogue et autres sur la frontière syro-libanaise ?

Il est illusoire de croire à un tel accord. Il ne me semble pas que Geagea acceptera de s’engouffrer dans un accord qui est une sorte de fuite en avant et dans lequel les Forces libanaises risquent de perdre leur âme. Certaines situations ne supportent pas les solutions partielles qui risquent d’embourber encore plus le pays. La seule solution viable pour le Liban, c’est que Nasrallah accepte de sortir de la stratégie iranienne pour se focaliser sur la stratégie libanaise et donner ses armes à l’armée libanaise. Mais en le faisant, ne donne-t-il pas un coup mortel à son idéologie et à sa raison d’être ? Par contre, en ne le faisant pas, il donne un coup mortel au Liban comme on l’a connu, car il est certain que Geagea et ses alliés n’accepteront pas ce fait accompli plus longtemps.

Comment donc trouver un accord sur des points aussi stratégiques pour le Hezbollah ? En réalité, la négociation est enterrée avant qu’elle ne démarre.

Avoir des alliés est une nécessité, tout pays souverain le fait pour consolider ses relations internationales et renforcer son économie. C’est une autre paire de manches que de vouloir faire partie d’une stratégie régionale militaro-religieuse froissant les alliés traditionnels du Liban et mettant contre elle au moins la moitié du peuple libanais. Il n’existe aucun avantage pour le Liban. Hassan Nasrallah le sait, mais son attention est ailleurs, bien au-delà du Liban. Samir Geagea le sait pertinemment aussi.

Quel Liban aura droit à la vie ? C’est celui pour lequel on ne baisse pas les bras.

Chirurgien et diplômé en histoire

Les textes publiés dans le cadre de la rubrique « Courrier » n’engagent que leurs auteurs. Dans cet espace, « L’Orient-Le Jour » offre à ses lecteurs l’opportunité d’exprimer leurs idées, leurs commentaires et leurs réflexions sur divers sujets, à condition que les propos ne soient ni diffamatoires, ni injurieux, ni racistes.

Deux poids lourds de la vie politique libanaise qui se situent du côté opposé sur l’échiquier politique.Et pourtant, on peut noter deux points communs. Premièrement, la défense d’une cause jusqu’à son achèvement, sur un chemin bien tracé qui ne laisse pas de place aux petites combines politiciennes ; deuxièmement, tous les deux sont des organisateurs hors pair :...

commentaires (1)

On compare de deux personnalités qui sont incomparables. Nasrallah peut se venter d'avoir réalisé plusieurs initiatives du Hizb,même sur le plan existentielle. De quoi le "hakim" peut il être fier? Son passé est sombre, et son " "niet" actuel est destructeur. Et ben alors ?

Raed Habib

13 h 04, le 16 mars 2023

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Commentaires (1)

  • On compare de deux personnalités qui sont incomparables. Nasrallah peut se venter d'avoir réalisé plusieurs initiatives du Hizb,même sur le plan existentielle. De quoi le "hakim" peut il être fier? Son passé est sombre, et son " "niet" actuel est destructeur. Et ben alors ?

    Raed Habib

    13 h 04, le 16 mars 2023

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