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Lifestyle - Exposition

Après une éclipse, la femme fatale réapparaît... au musée Kunsthalle

En ces temps de révolution féministe, d’égalité pour tous, de LGBT, transgenre et autres mouvements #MeToo, couronnés par la Journée internationale des droits de la femme, où faut-il aller trouver la femme fatale disparue avec le vocable « sexe faible » ? Au Hamburger Kunsthalle, l’un des plus grands musées d’Allemagne.

Après une éclipse, la femme fatale réapparaît... au musée Kunsthalle

« Samson et Dalila » (Max Liebermann, 1902). Photo Creative Commons

Regard perçant et aux aguets, long fume-cigarette, allure ondulante et déterminée. Dans l’imaginaire collectif, cette image est liée à cette femme à la fois mystérieuse et envoûtante, héritière des égéries historiques ou mythiques de la trempe de Circé, Salomé et même Dalila. Mais il reste beaucoup plus à découvrir derrière l’appellation de Femme fatale, comme en témoigne une exposition éponyme organisée par le Hamburger Kunsthalle avec ce sous-titre : Regard, pouvoir et genre. Ce musée de la ville de Hambourg est l’un des plus importants du pays avec une collection couvrant sept siècles d’art européen allant du Moyen Âge jusqu’à aujourd’hui. Jusqu’au 10 avril prochain, il s’attarde sur la manière dont les peintres de tout temps ont succombé à l’attrait de ces femmes irrésistibles. « Le stéréotype de la femme érotique et séduisante qui tient les hommes sous son joug, les conduisant finalement à leur perte, a longtemps été façonné par le regard masculin et par une compréhension binaire du genre. L’exposition s’intéresse aux diverses manifestations artistiques sur ce thème, du début du XIXe siècle à nos jours, tout en examinant de manière critique ses origines et ses transformations. Et notamment, quels changements historiques et quelle appropriation l’image de la femme fatale a-t-elle subie ? » indique le curateur de l’exposition, le Dr Markus Bertsch, pour expliciter les grandes lignes illustrant ce choix.

« Circé offrant la coupe à Ulysse » (John W. Winterhouse, 1891). Photo Creative Commons

200 œuvres majeures

Comme cette femme fatale est plus ou moins indéfinissable, le musée a eu recours à environ 200 pièces, tous médias confondus, pour l’évoquer : peintures, dessins, estampes, photographies, sculptures, installations et vidéos, provenant aussi bien de prêts internationaux de grande valeur que d’œuvres majeures de la collection du Hamburger Kunsthalle. Remontant à la nuit des temps, sa référence antique et biblique a trouvé sa place dans cet accrochage avec des toiles de grands maîtres sur lesquels la femme fatale a exercé son attrait beaucoup plus tard. Figurent au cœur de l’exposition Circé offrant la coupe à Ulysse (John William Waterhouse, datée de 1891), Samson et Dalila (Max Liebermann, 1902), Salomé (Lovis Corinth, 1900) ainsi qu’un impressionnant portrait d’Hélène de Troie (1863) du peintre préraphaélite Dante Gabriel Rossetti.

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Les concepteurs de l’exposition ont également mis en avant la transformation des normes de la femme fatale. « Au fil du temps, ces images mêlant l’idéal féminin à des messages troublants ont souvent mis en scène des protagonistes stylisés, véhiculant une diabolisation de la sexualité féminine. Vers 1900, cette image féminine est de plus en plus projetée sur des personnes réelles, en particulier des actrices, des danseuses et des artistes (telles Sarah Bernhardt, Alma Mahler et Anita Berber). Par ailleurs, dans ce contexte survient la surprenante avancée simultanée de l’émancipation des femmes et la recrudescence des images de la femme fatale », souligne le Dr Markus Bertsch. Plus loin, l’exposition se penche sur la vision de l’idéal de la Femme nouvelle qui va apparaître dans les années 1920, comme une contre-image des caractéristiques de la femme fatale.

« Hélène de Troie » (Dante Gabriel Rossetti, 1863). Photo Creative Commons

Déconstruire le mythe

Tout aussi révélatrice est la coupure que les artistes féministes ont opérée à partir des années 1960 en déconstruisant radicalement ce mythe et, avec lui, les points de vue et les traditions picturales, profondément enracinés.

Aujourd’hui, nous en sommes encore plus éloignés, l’approche artistique contemporaine étant à présent axée sur les questions de l’identité de genre, la sexualité féminine, le mouvement #MeToo et le regard masculin. À la question de savoir si l’idée de la femme fatale a encore un impact sur la société contemporaine, Selvi Göktepe, assistante de recherche pour l’exposition, répond par l’affirmative : « Bien que l’idée de la femme fatale est une image sexiste qui a dévalorisé les femmes pendant des siècles par la diabolisation, la sexualisation et l’objectivation. Après tout, le sexisme est profondément ancré dans notre société qui est encore patriarcale. » En témoignent deux grands musées qui, à l’instar du Hamburger Kunsthalle, sont tombés, si l’on peut dire, dans les filets de la femme fatale devenue objet de deux grandes expositions. D’abord au Henry Moore Institute de Leeds (Angleterre), qui a exposé jusqu’à la fin février une série de sculptures intitulée The Colour of Anxiety : Race, Sexuality and Disorder. Ici, l’accent est mis sur la femme fatale devenue le sujet de prédilection pour beaucoup de sculpteurs du XIX siècle. À cette même époque aussi, les peintres préraphaélites avaient, à leur manière, remodelé la vision de la femme fatale.

« Raquel » (Mickalene Thomas, 1971). Photo tirée de la page officielle du musée Hamburger Kunsthalle

Le plus célèbre dans cette veine a été Dante Gabriel Rossetti auquel la Tate Britain consacre une exposition (du 6 avril au 24 septembre 2023) intitulée The Rossettis. Elle est annoncée comme un regard neuf sur les mythes fascinants entourant les relations non conventionnelles que ce peintre a entretenu avec trois femmes : Elizabeth Siddal, Fanny Cornforth et Jane Morris.

Regard perçant et aux aguets, long fume-cigarette, allure ondulante et déterminée. Dans l’imaginaire collectif, cette image est liée à cette femme à la fois mystérieuse et envoûtante, héritière des égéries historiques ou mythiques de la trempe de Circé, Salomé et même Dalila. Mais il reste beaucoup plus à découvrir derrière l’appellation de Femme fatale, comme en témoigne...

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