Le procureur général près la Cour de cassation, Ghassan Oueidate, a adressé mardi une note à la procureure générale près la cour d’appel du Mont-Liban, Ghada Aoun, dans laquelle il lui enjoint de suspendre ses enquêtes liées aux banques qu’elle poursuit, jusqu’à ce que les recours judiciaires portés contre elle par ces mêmes banques soient tranchés. La démarche de M. Oueidate intervient une semaine après que le ministre de l’intérieur Bassam Maoulaoui, agissant à la demande du chef du gouvernement Nagib Mikati, a interdit aux forces de sécurité dont il a la tutelle d’exécuter les décisions de la juge Aoun. Cette dernière fait l’objet de recours en dessaisissement dont elle refuse d’être notifiée ainsi que d’actions en responsabilité de l’État pour « fautes lourdes » : le simple dépôt au greffe de l’assemblée générale près la Cour de cassation de ces actions aurait dû avoir pour effet de lui ôter sa mainmise sur les dossiers bancaires qu’elle traite, or elle a continué d’engager des poursuites contre plusieurs établissements bancaires dernièrement. Même si les agissements de Mme Aoun suscitent la controverse quant à leur légalité, les décisions de MM. Mikati et Maoulaoui ne sont pas non plus à l’abri des critiques dans les milieux de la justice, qui les décrivent comme une ingérence flagrante dans la justice.
Interrogé par L’Orient-Le Jour, un magistrat proche du parquet de cassation affirme qu’à travers son injonction à Ghada Aoun, Ghassan Oueidate « a usé de son rôle de supérieur hiérarchique, qu’il aurait dû utiliser avant même que le chef du gouvernement n’entreprenne sa démarche ». Selon un autre magistrat, « la colère qui enfle » contre la juge Aoun a vraisemblablement accéléré cette demande, en allusion notamment au milieu des banques.
Pour Karim Daher, avocat fiscaliste, « Ghassan Oueidate a demandé à la juge Aoun d’arrêter les procédures visant les établissements bancaires, ce qui est de nature à satisfaire les exigences des politiques et des banques ». « Ce nouveau développement judiciaire renvoie aux calendes grecques les procédures contre les banques, puisque les recours contre la procureure ne pourront être examinés que lorsque l’assemblée plénière de la Cour de cassation sera complétée par le remplacement de membres partis à la retraite », note-t-il. En effet, les nominations au sein de l’instance sont bloquées par une volonté politique, sous prétexte de la nécessité d’une parité confessionnelle.
Une circulaire faisant office de guide
Dans le même temps, Ghassan Oueidate a publié mardi une autre circulaire dans laquelle il rappelle que « la nouvelle loi édictant la levée du secret bancaire (2/11/2022) ne s’applique pas aux PDG et autres responsables de banque, et leur impose de présenter toutes les informations requises par les juridictions compétentes aussitôt que celles-ci le leur demandent ». Karim Daher fait observer à ce propos que le procureur rappelle aux banquiers qu’ils ne peuvent arguer du secret bancaire pour s’abstenir de livrer les données. L’avocat note que « M. Oueidate évoque l’alinéa b de l’article 2 de la loi, qui édicte que la levée du secret bancaire ne bénéficie pas aux responsables bancaires actuellement en poste ou qui ont accédé à leur poste à partir de 1988 ». Pour lui, « la loi est donc rétroactive, et sa rétroactivité a été consacrée en janvier dernier par le Conseil constitutionnel, alors que les banques continuent à la contester ». Plusieurs banques dans le viseur de Ghada Aoun refusent en effet de lui livrer des données antérieures à la promulgation de la loi sur le secret bancaire, alors qu’elle leur réclame des documents remontant à 2016.
Dans la même circulaire, le procureur près la Cour de cassation indique aux parquets d’appel, au parquet financier et au commissaire du gouvernement auprès du tribunal militaire le processus à suivre lorsqu’ils veulent demander des informations aux banques dans le cadre de leurs investigations. Il leur impose notamment de définir précisément les informations qu’ils requièrent (relevés bancaires, documents, etc.) ainsi que l’identité des personnes ciblées par leurs demandes, de manière à ne pas créer la confusion avec d’autres personnes. M. Oueidate leur impose également la nécessité de présenter aux banques un résumé des actes sur la base desquels elles sont suspectées. Un vrai guide de conduite en somme, à l’intention de l’ensemble de la justice, afin de ramener une certaine rationalité dans ce dossier.
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Que les déposants crèvent de faim ou de maladie, qu’ils soient humiliés en permanence, les dirigeants politiques, les hauts fonctionnaires et leurs complices actionnaires des banques s’en foutent totalement. Les premiers ont pillé et volé toute la richesse matinale plus toutes les dettes accumulées et le duo Aoun/Diab a envoyé tous les créanciers paître. Malheureusement presque toute la Justice est soit corrompue, soit politisée, soit sclérosée et un pays sans justice n’est plus un pays, c’est une jungle. Voilà la vraie image de ce qui s’est appelé un jour la république libanaise. A ne pas confondre avec notre Liban qui existait déjà dans la Bible
Lecteur excédé par la censure
16 h 27, le 01 mars 2023