Au soir du Nouvel an 2021, Joanna, femme transgenre de 27 ans, a été arrêtée par les officiers de police de Beyrouth. « Dès qu’ils m’ont fait monter dans la voiture, ils m’ont arraché mon téléphone des mains et m’ont forcée à le déverrouiller. Ils sont allés directement dans ma galerie photos, ont pris des captures d’écran des photos sur lesquelles j’étais habillée en femme, et se les sont envoyées. »
L’expérience de Joanna est l’une de nombreuses documentées par Human Rights Watch (HRW) dans leur dernier rapport : « Toute cette terreur à cause d’une photo : le ciblage en ligne et ses conséquences hors ligne pour les personnes LGBTQ+ au Moyen-Orient et en Afrique du Nord. »
Présenté mardi à Dar el-Nimer, galerie et centre culturel à Beyrouth, le rapport cinglant détaille comment les gouvernements arabes de la région utilisent les réseaux sociaux pour piéger et extorquer les personnes LGBTQ+. Le rapport se concentre sur cinq pays arabes – l’Égypte, l’Irak, la Jordanie, le Liban et la Tunisie – et les appelle à renoncer à ces pratiques, tout comme il enjoint les plateformes digitales à investir dans davantage de techniques de surveillance des contenus.
Un système légal injuste
« Le ciblage numérique des personnes LGBTQ+ est rendu possible par leur précarité juridique hors ligne », indique le rapport. Allant des lois criminalisant l’activité sexuelle des individus de même sexe à celles plus vagues condamnant « la débauche ». Bien qu’elles ne soient pas explicitement illégales au Liban, les relations non hétéronormatives sont souvent criminalisées par l’article 534 du code pénal. Cet article « interdit toute interaction sexuelle qui contredit les lois de la nature », la rendant passible d’une peine de prison pouvant aller jusqu’à un an.
Les membres de la communauté LGBTQ+ au Liban sont souvent pris pour cible par les autorités et les cas d’extorsions et d’agressions ne sont pas rares.
Le rapport de HRW note que d’autres articles du code pénal libanais peuvent être utilisés pour viser les membres de la communauté LGBTQ+. L’article 521, qui criminalise « tout homme qui se fait passer pour une femme pour pénétrer dans des lieux réservés aux femmes », vise souvent les femmes transgenres « en vertu de l’inadéquation de leurs documents officiels avec leur identité et expression de genre », selon le texte. Par le passé, les articles 531, 532 et 533, qui se réfèrent à la « moralité publique » ont été également évoqués pour empêcher des événements de défense des droits LGBTQ+. En juin 2022, le ministre sortant de l’Intérieur Bassam Maoulaoui a ainsi publié un décret ordonnant aux forces de la sécurité de mettre fin à tout événement relatif au mois des Fiertés. Le Conseil d’État a ensuite annulé sa décision, sans que cela n’empêche Bassam Maoulaoui de publier à nouveau un décret semblable en novembre.
Cas d’extorsions par les forces de sécurité
D’après le rapport, les forces de sécurité dans tous les pays concernés fouillent illégalement, sans mandat, les appareils numériques des personnes LGBTQ+ pour collecter des informations privées, utilisées ensuite pour les poursuivre en justice. Dans les cinq pays cités, les individus LGBTQ+ racontent avoir été forcés de déverrouiller leur téléphone, sur lequel dans de nombreux cas, des photos, messages et applications de rencontre ont été utilisés par les autorités comme « preuves ».
Au Liban, le rapport documente le cas de Chaker, un Syrien homosexuel d’abord détenu au commissariat Hobeiche de la rue Bliss, puis dans la prison de Roumieh pendant quatre mois en 2017. Les informations extraites de son téléphone ont été utilisées pour porter plainte contre lui.
Lorsque la police ne peut pas prouver leur culpabilité, les autorités ont mis en place des « opérations d’infiltration » au cours desquelles des policiers ont téléchargé des applications de rencontre pour les personnes de même sexe et initié des conversations « sur leurs téléphones, téléchargé des photos et inventé des conversations pour justifier la détention (des personnes LGBTQ+) », souligne le rapport.
Extorsions par des particuliers
Le rapport indique en outre que les officiers de sécurité ne sont pas les seuls à viser la communauté LGBTQ+. Les citoyens ordinaires participent également à l’extorsion. Shirine, une femme libanaise transgenre, a ainsi été détenue en 2021 après qu’un homme rencontré en ligne a déposé une plainte contre elle à la police.
La plupart des cas d’extorsions documentés par HRW ont été orchestrés par des personnes se faisant passer pour des membres de la communauté LGBTQ+, qui menaçaient ces derniers de les dénoncer en « publiant des informations permettant de les identifier personnellement (...) sur les réseaux sociaux ». D’autres cas figurant dans le rapport incluent des menaces de mort émises par des groupes armés en ligne. Et parfois, les personnes LGBTQ+ ont été ciblées pour leur activisme.
Le rapport a fait état du sentiment d’isolement subi par les individus ciblés « des mois, voire des années après avoir été visés, ainsi que de leur peur constante, du stress post-traumatique, de la dépression et de l’anxiété » qu’ils ressentent. Shirine a confié à HRW avoir essayé de se suicider six fois après son arrestation traumatisante. « Je souffre aussi mentalement et je prends des médicaments prescrits avec ordonnance pour cela », dit-elle.
Chaker a raconté à HRW qu’après avoir appelé ses parents durant sa détention et leur avoir expliqué ce qu’il se passait, il a commencé à recevoir des menaces de leur part. « J’ai souffert mentalement et psychologiquement de cet incident. Je suis désespéré et angoissé. »
Plateformes numériques et gouvernements silencieux
Lorsque les individus concernés ont essayé de dénoncer les abus auprès des plateformes numériques sur lesquelles le harcèlement s’est produit, celles-ci ont déclaré que les messages, certes blessants, ne violaient pourtant pas leur règlement. Elles n’ont donc rien fait pour les supprimer.
Outre leur participation active au harcèlement, les gouvernements pointés du doigt dans le rapport n’ont rien fait pour poursuivre les cyber harceleurs en justice.
La plupart des personnes LGBTQ+ interrogées ont déclaré qu’elles ne signaleraient pas le cyber harcèlement à leurs autorités nationales, de peur d’être blâmées ou de ne pas être prises au sérieux. Le rapport fait même état de six individus ayant dénoncé le harcèlement dont ils ont été victimes aux autorités, pour finalement se faire eux-mêmes arrêter.
Le rapport appelle les gouvernements à passer des lois pour garantir la sécurité des personnes LGBTQ+. En ce qui concerne le Liban, il recommande d’abroger l’article 534 du code pénal et d’adopter une loi qui interdit « la discrimination, y compris en ligne, fondée sur le sexe, le genre, l’identité de genre, et l’orientation sexuelle et prévoit des mesures efficaces pour identifier et combattre ces discriminations ». HRW demande également aux autorités libanaises de respecter l’article 47 du code de procédure pénale, « souvent violé en pratique », qui plafonne les détentions sans inculpation à 48 heures.
S’adressant aussi aux plateformes numériques telles que Grindr, Instagram et Twitter, HRW les exhorte à empêcher les abus en ligne et à éviter de « devenir des outils de la répression d’État ». Sévère, le rapport affirme que les plateformes « échouent à protéger les utilisateurs victimes de ciblage numérique » et recommande une plus grande modération des contenus (surtout en langue arabe), ainsi que la suppression des contenus menaçant les personnes LGBTQ+.
Sur les 120 entretiens présentés dans le rapport, les trois quarts ont été réalisés auprès des personnes impactées. Le reste des entretiens a été effectué auprès d’experts, « y compris des avocats et des professionnels du droit numérique », et la Coalition for Digital and LGBT Rights, groupe composé d’organisations LGBTQ+ provenant des cinq pays concernés, a également contribué.
Ce n'est pas l'écroulement des institutions qui est à craindre, bien que les institutions n'ont pas vedoin de s'écrouler, les pillards s'en sont déjà chargés. Ce qui est à craindre c'est l'écroulement des mœurs, de l'éducation et des mentalités, qui sont déjà faillibles dans bien de domaines, et que malheureusement on est obligé de sauter une génération pour espérer un rehaut du niveau. Quant aux politiques, ça me fait rire de lire qu'ils ont d'autres chats à foueter, je dirai plutôt d'autres pigeons à deplumer et à désosser. Si on doit attendre que les politiques donnent l'exemple ou qu'ils agissent, ce n'est pas une génération qu'on doit sauter maus un siècle. Y a t il encore un sage qui espère que nos politiques pensent à changer quelque chose
15 h 24, le 25 février 2023