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Société - Droits de l’homme

Panique au sein de la communauté LGBTQ+, au Liban, après de récentes craintes d’extorsion

Selon Tarek Zeidan, du groupe de défense Helem, il semble qu’il n’y ait pas de ciblage spécifique.

Panique au sein de la communauté LGBTQ+, au Liban, après de récentes craintes d’extorsion

Des partisans de la communauté LGBTQ+ au Liban portant un drapeau arc-en-ciel lors d’une marche à l’occasion de la Journée internationale des droita des femmes en 2020. Photo d’archives Anwar Amro/AFP

Fin 2022, Samir* se promenait dans un lieu de drague populaire fréquenté par les homosexuels à Beyrouth, lorsqu’un homme au volant d’une voiture s’est approché de lui. « Il me lançait des regards » que l’on pourrait qualifier de flirt, explique Samir, qui est monté dans le véhicule. Ils ont commencé à flirter : « C’était comme n’importe quelle autre rencontre », dit-il. Après avoir échangé des questions sur les préférences sexuelles, l’homme lui a demandé s’il consommait des drogues, ce à quoi Samir a répondu par la négative. « Soudain, l’homme m’a montré sa carte d’identité en disant qu’il était de “l’armée” et m’a demandé si mes parents avaient un avocat », poursuit Samir, qui a commencé à paniquer.

L’homosexualité n’est pas explicitement illégale au Liban. Mais l’article 534 du code pénal qui réprime les « relations sexuelles contre nature » est utilisé pour criminaliser l’homosexualité. Pour le jeune homme, cela aurait pu signifier une détention provisoire, au minimum.

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« Nous pouvons résoudre le problème d’une autre manière », lance alors le « militaire » à Samir. Celui-ci soupçonne qu’il s’agissait d’un signal lui enjoignant de payer un pot-de-vin pour se tirer d’affaire. Alors que l’homme se garait, Samir a sauté du véhicule, s’en sortant de justesse. Le chauffeur aurait suivi le jeune homme jusqu’à sa voiture et aurait tenté, sans succès, de le bloquer.

Ces derniers jours, de nombreuses personnes sur les réseaux sociaux ont tiré la sonnette d’alarme sur ce qu’elles appellent des tentatives d’extorsion de la part de membres malhonnêtes des forces de sécurité qui, en ligne ou en personne, essaieraient de soutirer de l’argent aux personnes LGBTQ+.

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Une source sécuritaire, qui s’est exprimée sous le couvert de l’anonymat car elle n’est pas autorisée à parler à la presse, a déclaré à L’Orient Today que les Forces de sécurité intérieure (FSI) suivaient les questions soulevées sur les réseaux sociaux. Elle a ajouté que l’institution n’avait aucune information à ce sujet jusqu’à présent.

Ghassan* raconte qu’un incident similaire lui est arrivé récemment à Beyrouth. Lui et son ami étaient assis dans sa voiture quand tout à coup un SUV blanc s’est approché d’eux. « Je savais que c’était une voiture de police, il y avait le numéro et la plaque d’immatriculation », explique-t-il. Ghassan précise que les hommes se sont approchés d’eux et ont commencé à crier « Vous êtes des lesbiennes, qu’est-ce que vous faites ici ? ». Ils ont commencé à fouiller sa voiture et son coffre, ostensiblement à la recherche de drogue. Stressé par la situation, Ghassan crie qu’il n’y a rien là.

« Ils hurlaient “Où est la drogue ?”, précise-t-il. Lorsque les hommes ont essayé de me menotter, je me suis défendu en disant : “Ne me touchez pas, je n’ai rien fait de mal”. »

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Dans le but de se débarrasser des policiers, son ami leur a lancé qu’ils ne soutenaient pas l’homosexualité. Mais selon son histoire, les policiers les ont menacés de les jeter en prison : « Il est clair qu’ils essayaient juste de nous stresser, et ça a marché », observe Ghassan. Les policiers leur ont alors demandé leurs papiers d’identité. Alors que Ghassan sortait son portefeuille, le policier l’a arraché, a pris l’argent qui s’y trouvait et a rendu le portefeuille à Ghassan. Ils ont fait la même chose à son ami.

« Le problème ne réside pas dans l’argent, mais dans l’idée que si vous êtes une personne au pouvoir, n’abusez pas de votre pouvoir », dénonce Ghassan.

De faux comptes sur Grindr ?

Ces incidents surviennent dans un contexte de multiplication des mises en garde circulant sur les réseaux sociaux concernant la sécurité des personnes LGBTQ+. Un message véhiculé sur les médias sociaux, lundi soir, avertissait les utilisateurs de Grindr que des policiers créaient de faux comptes Grindr dans le but de piéger les personnes LGBTQ+, de les arrêter ou même de leur extorquer de l’argent.

Grindr est une application de rencontre populaire basée sur la géolocalisation, couramment utilisée par les personnes homosexuelles pour faire des rencontres, que les autorités libanaises ont bloquée en 2019. Toujours accessible via un VPN, l’application comprend un avertissement de sécurité pour les utilisateurs au Liban afin de vérifier que les personnes qu’ils rencontrent via la plateforme sont réelles.

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Le post, provenant apparemment d’un compte privé, a fait le tour d’Instagram et de Twitter en portant cet avertissement : « La police se fait passer pour des homosexuels et piège les gens tout le long de la route depuis Ramlet el-Baïda jusqu’à la Marina de Dbayé », dans l’objectif d’arrêter les personnes LGBTQ+ ou de leur extorquer « des milliers de dollars », ajoute le post.

Pour l’heure, il n’a pas été prouvé et il n’est pas clair que des FSI se trouvent activement derrière ces cas d’extorsion.

Selon Tarek Zeidan, du groupe de défense Helem des LGBTQ+, « il semble qu’il n’y ait pas de décision ou de déclaration de la part des FSI ciblant spécifiquement les personnes LGBTQ+». Helem a réussi à retrouver le post viral. Après enquête, il a découvert « qu’il provenait d’un incident isolé ». « Sur Grindr, quelqu’un a soupçonné une personne et l’a bloquée. » Il n’apparaît donc pas qu’il s’agisse d’une décision de l’armée libanaise ou des FSI.

« Apparemment, il y a certains membres des forces de police qui ciblent illégalement les gens, que ce soit par le biais de la drogue ou autre, pour leur extorquer de l’argent, poursuit Tarek Zeidan. Et ce n’est pas la même chose que de dire qu’il y a un mouvement sécuritaire pour aborder, attaquer et isoler les personnes LGBTQ+. Mais nous allons nous assurer que c’est le cas pendant ces deux jours. »

Selon la source de sécurité, les FSI n’émettent pas de directives pour se faire passer pour des homosexuels sur Grindr. Elle affirme même que, la semaine dernière, l’institution a pris des mesures pour arrêter un homme qui soutirait de l’argent à des homosexuels : « Nous avons arrêté une personne qui leur tendait une embuscade sur les réseaux sociaux et qui les volait ensuite », assure-t-elle.

« Il se peut toutefois que quelqu’un se fasse passer pour un policier, observe cette source. J’exhorte les gens à appeler le 112 et à signaler ce qui leur est arrivé. Ils devraient être plus conscients de leurs droits dans ce pays. »

Une répression continue à l’encontre de la communauté LGBTQ+

Au cours de l’année écoulée, la répression à l’encontre de la communauté LGBTQ+ du Liban a resurgi, le gouvernement et les autorités religieuses ayant appelé à la répression. En juin 2022, pendant le Mois des fiertés, le ministre sortant de l’Intérieur, Bassam Maoulaoui, a publié un décret ordonnant aux services de sécurité d’annuler tous les événements LGBTQ+ organisés durant ce mois, une mesure condamnée par une coalition de groupes de défense des droits. Le Conseil d’État a aussitôt annulé la décision du ministre, ce qui ne l’a pas empêché de récidiver en novembre 2022 avec un décret similaire.Et en août 2022, le secrétaire général du Hezbollah, Hassan Nasrallah, a déclaré dans un discours que l’homosexualité était « contre nature » et que « l’appel à l’homosexualité » était dirigé par les États-Unis : « Nous devons les empêcher de devenir homosexuels, car il est difficile de les guérir ensuite », a-t-il ajouté.

En attendant, Helem dit enquêter sur la question des tentatives d’extorsion. « Dans les prochains jours, si d’autres histoires émergent sur la police ciblant des personnes homosexuelles, cela pourrait devenir une question beaucoup plus importante, un signe de l’effondrement complet du système de sécurité au Liban (...) », a souligné Tarek Zeidan.

*Les noms ont été modifiés pour protéger la sécurité des personnes mentionnées.

La version en anglais de cet article est parue sur le site de «  L’Orient Today » le 11 janvier 2023.

Fin 2022, Samir* se promenait dans un lieu de drague populaire fréquenté par les homosexuels à Beyrouth, lorsqu’un homme au volant d’une voiture s’est approché de lui. « Il me lançait des regards » que l’on pourrait qualifier de flirt, explique Samir, qui est monté dans le véhicule. Ils ont commencé à flirter : « C’était comme n’importe quelle autre...

commentaires (5)

Quelle honte!

Murad Mazen

19 h 03, le 13 janvier 2023

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Commentaires (5)

  • Quelle honte!

    Murad Mazen

    19 h 03, le 13 janvier 2023

  • Les FSI ont un exemple de rectitude et d’honneur en la personne de leurs chefs et ministres dont ils dépendent non? Comment leur reprocher de singer leurs supérieurs qui donnent le bon exemple en matière de rackets et d’injustice? Un pays assassiné, ne peut pas ressusciter seul sans l’aide de son peuple.

    Sissi zayyat

    11 h 00, le 13 janvier 2023

  • Hier les FSI s’offusquaient car on attaquait le Prestige de l’Etat …. Pffffft un État de pourris, incompétents, malhonnêtes jusqu’au fond de leur âme et de plus orgueilleux alors que leur moralité est au dessous de zéro.

    Lecteur excédé par la censure

    10 h 31, le 13 janvier 2023

  • C’est honteux, ce genre de comportement. Ceci dit, le cas cité : le gars dans la voiture lui a fait les doux yeux et « samir » est monté dans sa voiture… il vit dangereusement homo ou hétéro , on ne suit pas le/ la première personne aveuglément !! . La première dame qui me fait ce genre de drague, je ne m’engouffre pas dans sa voiture. La prudence est toujours de mise quelque soit les tendances sexuelles. Sans doute suis-je vieux jeu? Et les jeunes d’aujourd’hui raisonnent différemment ?? En tout cas, c’est une honte pour notre pays ce genre d’abus de pouvoir et cette mentalité répressive concernant « la vie privée et la vie intime » des libanais.

    LE FRANCOPHONE

    10 h 00, le 13 janvier 2023

  • Quelle honte pays du 5 eme monde!!!!!!

    Robert Moumdjian

    00 h 58, le 13 janvier 2023

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