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Société - Explosions au port de Beyrouth

Première décision de justice, à Londres, en faveur des victimes du 4 août

La Haute Cour de justice de Londres a reconnu la responsabilité de Savaro Ltd. envers les victimes de la double explosion et doit désormais déterminer le montant des dédommagements. 

Première décision de justice, à Londres, en faveur des victimes du 4 août

Les silos du port de Beyrouth, dont une partie s'est effondrée, Photo Mohammad Yassine

Le bureau d’accusation du barreau de Beyrouth a révélé jeudi qu'un jugement en faveur des victimes de la double explosion survenue au port de Beyrouth le 4 août 2020 a été prononcé par la cour de justice de Londres, au Royaume-Uni. Ce verdict intervient dans le cadre d’une plainte civile déposée contre Savaro Ltd, une société de négoce de produits chimiques qui aurait acheté en Géorgie la cargaison de nitrate d'ammonium à l'origine de la déflagration au port de Beyrouth. 

L’action en justice était menée au Royaume-Uni devant la Haute cour de justice de Londres, qui, en juin 2022, avait sommé la compagnie mise en cause de révéler l’identité de ses bénéficiaires économiques finaux (ses véritables propriétaires). 

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"La cour a rendu un verdict reconnaissant la responsabilité de la société Savaro Ltd envers les victimes. Elle a également lancé la deuxième étape du processus, qui implique de déterminer le montant des dédommagements" à verser, a annoncé le barreau de Beyrouth dans un communiqué jeudi, rappelant que la plainte avait été déposée le 2 août 2021. La procédure avait été lancée par l’ancien bâtonnier de Beyrouth et actuel député, Melhem Khalaf, en coopération avec d'autres avocats, dont l’ancien ministre Camille Abousleimane, un des membres principaux du cabinet juridique "Dechert LLP" qui a intenté l'action contre Savaro Ltd.

Contacté par L'Orient-Le Jour, M. Abousleimane précise que la Cour a retenu la responsabilité de la société anglaise, Savaro Ltd, importatrice du nitrate d'ammonium , dans la double explosion. Il rappelle que la décision a été prise dans le cadre d'un procès civil, pas d'une enquête pénale, et que la cour londonienne a appliqué le droit libanais pour imputer la responsabilité à l'entreprise. Concernant les dommages et intérêts, Me Abousleimane a précisé que la seconde phase du procès se basera également sur le droit libanais. 

Ouvrir la voie vers d'autres procédures
Selon le communiqué publié par le barreau, il s’agit "de la première décision de justice qui nomme un des responsables du drame, ce qui ouvre la voie vers la poursuite d’autres responsables et à l'ouverture d’autres procédures au Liban ou à l’étranger".

Le 4 août 2020, des centaines de tonnes de nitrate d'amonium ont explosé au port de Beyrouth, faisant plus de 230 victimes, des milliers de blessés et détruisant une partie de la capitale libanaise. Dans sa défense, l'entreprise avait insisté sur le fait que l'importation des produits chimiques datait de 2014, six ans avant l'explosion meurtrière, précise l'avocat. La cour n'a toutefois pas retenu cet argument. 

Au niveau libanais, l'enquête est ralentie par une série d'ingérences politiques et judiciaires. Le juge en charge de l'instruction, Tarek Bitar, a fait l'objet de nombreux recours en invalidation déposés par des responsables contre lesquels il a engagé des poursuites, ce qui a entravé à maintes reprises la poursuite de son travail. 

Elements utiles à l'instruction libanaise
Selon Camille Abousleimane, des éléments révélés lors de l'enquête à Londres pourraient s'avérer utiles à l'instruction libanaise et ces informations seront transmises aux autorités compétentes.

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Le bâtonnier de Beyrouth, Nader Gaspard, a pour sa part "salué un exploit qui renforce la volonté des victimes et des avocats de continuer à chercher la vérité".

Le bureau d’accusation du barreau de Beyrouth, qui défend pro bono les droits de proches de nombreuses victimes dans l’affaire, avait réussi à obtenir la suspension de la radiation volontaire de la société Savaro Ltd du registre de commerce britannique. La société était donc restée dans le collimateur de la justice anglaise.

Savaro Ltd avait tenté d’obtenir sa suppression de la Companies house pour échapper à sa responsabilité liée aux préjudices causés par le nitrate d’ammonium à l’origine de la double explosion, et dont elle serait propriétaire.

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Le journaliste d’investigation Firas Hatoum avait révélé en janvier 2021 que Savaro Ltd aurait fait la commande du nitrate d’ammonium et en aurait payé le prix. Il avait affirmé que Savaro Ltd était une société fictive dont le siège social était à Chypre. M. Hatoum avait fini par savoir que la société Hesco Engineering and Construction, appartenant à Georges Haswani, un homme d’affaires syrien proche du régime de Bachar el-Assad, se trouvait à la même adresse que celle qui devait être celle de Savaro Ltd. Le journaliste avait ensuite appris que la société Savaro Ltd était domiciliée en Grande-Bretagne et avait cherché à s’enquérir de l’identité de la société qui partageait cette même adresse pour identifier les parties impliquées. Il était finalement apparu que toutes sont fictives, à l’exception d’une seule, IK Petroleum Industrial Company Limited, appartenant à Imad Khouri (un autre homme d’affaire syrien proche d’Assad), fondée moins d’un mois avant l’émission du bordereau d’exportation de la cargaison d’ammonium vers le Liban, selon lui.

Selon les procédures menées à Londres, il semble que le bénéficiaire de la société est un ressortissant ukrainien et qu'aucun lien avec d’autres personnes n'est apparu, a précisé Camille Abousleimane, qui a souligné que ce n’était toutefois pas le but du procès civil.

Cette cargaison de nitrate d'ammonium était transportée par le navire Rhosus qui a mouillé à Beyrouth le 20 novembre 2013 avant d'être retenu par les autorités portuaires, sous prétexte de dommages techniques du cargo. Déchargé, le nitrate d'ammonium avait ensuite été entreposé dans un hangar à l'intérieur du port de la capitale, sans réelles mesures de sécurité, jusqu'aux explosions meurtrières du 4 août 2020.

Le bureau d’accusation du barreau de Beyrouth a révélé jeudi qu'un jugement en faveur des victimes de la double explosion survenue au port de Beyrouth le 4 août 2020 a été prononcé par la cour de justice de Londres, au Royaume-Uni. Ce verdict intervient dans le cadre d’une plainte civile déposée contre Savaro Ltd, une société de négoce de produits chimiques qui aurait acheté en...

commentaires (7)

Du progrès, mais en Angleterre. Au Liban, on attend toujours ... et pour longtemps encore!

Yves Prevost

07 h 05, le 24 février 2023

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Commentaires (7)

  • Du progrès, mais en Angleterre. Au Liban, on attend toujours ... et pour longtemps encore!

    Yves Prevost

    07 h 05, le 24 février 2023

  • Pffft… La "justice" libanaise va exiger, fierté "nationale" oblige, que le cas soit jugé au Liran, où les accusés pourront invoquer la… comment déjà?… ah oui, suspicion légitime… ha ha ha! Bon, ceci dit, passons aux choses sérieuses: quel temps fera-t-il demain?

    Gros Gnon

    15 h 25, le 23 février 2023

  • ET QUI EST SAVARO LTD. PROBABLEMENT UNE OFF-SHORE AU CAPITAL DE 100 STERLINGS OU 100 DOLLARS. QUE PERSONNE NE REVE.

    LA LIBRE EXPRESSION

    13 h 06, le 23 février 2023

  • Ce n'est pas la faute de l'acheteur Syrien. Ce n'est pas la faute du perit employé des douanes. C'est la faute de celui qui a commandé ces explosifs et les a protegé au Liban. Le duo Shiite.

    Tina Zaidan

    12 h 15, le 23 février 2023

  • Petit pas timide de la Justice . A suivre .

    Antoine Sabbagha

    12 h 03, le 23 février 2023

  • Cette information est loin d’être anodine. Le salut du Liban ne passe que par la justice et la vérité en droit, objective et reposant sur des faits – et non sur des arrangements de politiciens. Cette vérité est unique et transparente mais, ici plus qu’ailleurs, elle trouve sur son chemin des barrages de toute sorte, notamment politiques. Le chemin de la vérité sur le drame du port de Beyrouth se trouve dans le système de justice et non auprès des politiciens. Si notre système judiciaire semble incapable de trouver cette vérité, espérons que celui du premier pays démocratique de l’époque moderne pourra révéler cette vérité. Seuls des hommes humbles et honnêtes, qui possèdent la volonté et la détermination de chercher la vérité et que le pouvoir n’intéresse guère, peuvent mener ce combat. Le Liban ne manque pas d’hommes de cette étoffe. M. Khalaf en est le parfait exemple puisqu’il est celui qui a introduit cette action en justice auprès de la Haute Cour de justice de Londres. Cher Melhem Khalaf, nous saluons votre courage et votre détermination à vouloir trouver la vérité coûte que coûte sur un drame qui a marqué notre pays et nos concitoyens au fer rouge mais qui, curieusement, au lieu de nous unir nous a encore plus divisé à un moment où notre pays meurtri est plus que jamais assoiffé de justice, de paix et de liberté. Merci aussi aux hommes de loi Nasri Diab, Camille Abousleiman et Nader Gaspard qui travaillent pour dévoiler la vérité cachée dans les méandres politiques.

    Hippolyte

    11 h 54, le 23 février 2023

  • Cette cargaison de nitrate d'ammonium était transportée par le navire Rhosus qui a mouillé à Beyrouth le 20 novembre 2013 avant d'être retenu par les autorités portuaires, sous prétexte de dommages techniques du cargo. Déchargé, le nitrate d'ammonium avait ensuite été entreposé dans un hangar à l'intérieur du port de la capitale, sans réelles mesures de sécurité, jusqu'aux explosions meurtrières du 4 août 2020. Oui, mais qui a ordonné le déchargement? La société Savaro limited aurait beau être la propriétaire de la cargaison, celui qui a ordonné le déchargement , en l'occurence le juge Jad Maalouf, est mille fois plus coupable! Et coupables également, les responsables du Port qui ont accepté de décharger la cargaison, en contravention à toutes les lois libanaises relatives à l'importation et au stockage des explosifs.

    Georges MELKI

    11 h 33, le 23 février 2023

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