C’est un ardent défenseur du Liban et de la francophonie qu’a perdu le pays vendredi : Lucien George, une figure renommée du journalisme et de l’édition francophones, s’est éteint à l’âge de 85 ans. Lucien George avait été, entre autres, rédacteur en chef de L’Orient puis directeur responsable de L’Orient-Le Jour au moment de la fusion du journal en 1971 (qu’il quittera six mois plus tard) ainsi que correspondant du Monde pendant trente ans. Il avait aussi dirigé les Fiches du monde arabe et fondé Le Monde édition Proche-Orient de 1999 à 2006.
Lucien George, originaire du village de Miziara dans le caza de Zghorta, était né en 1937. Il était d’ailleurs très attaché à Ehden (localité en montagne dans ce même caza), à sa nature et à ses sources d’eau, nous raconte son neveu, l’ancien ministre Rony Araïji. Le journaliste était père de cinq enfants, deux garçons et trois filles.
« Pour moi, Lucien George était un grand intellectuel et un fin connaisseur de la scène politique libanaise, souligne Rony Araïji. Il était un ardent défenseur de son pays, engagé en faveur de sa liberté, et de celle de presse et d’expression. Avec le temps et le recul, ces analyses de la situation au Liban avaient encore plus gagné en pertinence. »
Juste après des études de droit, Lucien George a donc débuté sa carrière au sein de L’Orient de Georges Naccache, dont il était rédacteur en chef au moment de la fusion avec Le Jour, en 1971. Il sera brièvement directeur responsable de la nouvelle publication. Il sera aussi correspondant du Figaro et du Nouvel Observateur, et ses articles seront repris dans d’autres journaux. Après la mort tragique d’Édouard Saab, alors rédacteur en chef de L’Orient-Le Jour, en 1976, il le remplace comme correspondant à Beyrouth du journal Le Monde, où il couvrira la guerre libanaise au jour le jour. L’une de ses interviews mémorables dans Le Monde était celle de l’Ayatollah Khomeyni, qu’il a rencontré en Irak en 1978, à la veille de la révolution iranienne. Au cours de cet entretien de deux heures (précision de l’auteur), le futur guide suprême d’Iran y annonce notamment sa détermination à renverser le régime du chah.
Dès 1999, Lucien Georges publiera avec Le Monde l’hebdomadaire Le Monde édition Proche-Orient, un projet qui lui tenait particulièrement à cœur. Cette publication prendra fin en 2006 : Lucien George expliquera, dans les colonnes du Commerce du Levant, que la crise du marché publicitaire, qui a commencé en 2001, l’a poussé à prendre cette décision en accord avec Le Monde.
Lucien George sera également à l’origine d’autres initiatives qui montrent bien son attachement à la francophonie, notamment les Fiches du monde arabe, une « documentation analytique portant sur nombre de sujets qui intéressent cette partie du monde et qui étaient devenus une référence incontournable pour les médias », se souvient un journaliste chevronné. Lucien George était également entrepreneur, toujours au service de la francophonie.
Durant la crise économique et financière qui secoue le Liban dans les années 80, il a fait éditer, sous le label des FMA, des livres en français à des prix adaptés à la réalité libanaise. C’est ainsi qu’il a permis aux francophones libanais de continuer à lire les dernières parutions en France, malgré les problèmes économiques et la dévaluation de la monnaie nationale.
Au cours de sa vie, Lucien George a obtenu plusieurs distinctions. Il était notamment détenteur de la Légion d’honneur. L’Académie française lui a décerné en 1995 la médaille d’or du Rayonnement de la langue française en hommage à sa contribution à la francophonie et au journalisme francophone.
Rony Araïji, qui se dit très proche de cet oncle hors du commun, raconte son amour sans faille pour le Liban, dont il défendait également le patrimoine. Le journaliste a quitté ce monde alors que le Liban traverse une crise multiple sans précédent. Son neveu confirme son pessimisme des derniers jours. « La situation au Liban le rendait très malheureux », lâche-t-il.
Petite correction : """"Lucien George (sans s au prénom) """", plutôt (sans s au patronyme), et non au prénom, comme je l'ai écrit par erreur. Erreur avouée.... Merci de tenir compte.
12 h 27, le 19 février 2023