
Une scène de « Rayhin, jeyine ». Photo Ghassan Aflak
Ala’ Minaoui et cette « Identité en dissolution »
L’invitation à table de Ala’ Minaoui. Photo Chiara Ferrili
Il a fait une petite coupure de deux semaines, le temps d’aller présenter à Amsterdam où il réside depuis quelques années, « 2048 – Identité en dissolution », sa dernière création – déjà présentée début janvier au Liban et dans ces mêmes colonnes. Une performance théâtralisée immersive qui vient clôturer le cycle « 2048 » d’installations et de pièces performatives qu’il a entamé il y a 5 ans et à travers lequel cet artiste visuel libano-palestinien questionnait, sous toutes leurs formes, la notion d’identité et d’appartenance. Voilà donc Ala’ Minaoui qui revient à Beyrouth pour inviter à nouveau, les 17 et 18 février, « dans une maison qui n’est pas la (sienne), à Mar Mikhaël », tous ceux qui ont envie de s’immerger dans son univers d’apatride sur le papier, mais libanais de cœur et de sang du côté maternel et palestinien de racines et de sang du côté paternel. Par groupes de 12 personnes, le public « Invité » vit au plus près les moments charnières d’un parcours personnel placé sous le sceau d’une certaine clandestinité identitaire qui colle à la peau. Expérimental et émouvant.
Pour Sam el-Khoury, « al-Wade3 dakik »
Rire de nos déboires avec Sam el-Khoury. Photo DR
Al-Wade3 dakik, ou La situation est délicate. D’emblée, rien que le titre de cette pièce, à l’affiche du théâtre Béryte depuis le 17 et jusqu’au 25 février, pose le topo : ou comment rire de nos déboires sans fin de Libanais. Voici une comédie un peu noire, assez sarcastique, aux accents parfaitement locaux, inspirée de la double explosion du 4 août 2020 et de son impact sur nos vies. Une pièce écrite et mise en scène par Sam el-Khoury, un jeune auteur, comédien et professeur de théâtre et de musique qui, « par esprit patriotique », dit-il, s’attache à dénoncer sur les planches les situations ubuesques qui prévalent au pays du Cèdre. Il y a plus de 7 ans, alors jeune diplômé, il avait créé au théâtre Babel Beyn eliom w boukra (Entre aujourd’hui et demain); une pièce inspirée du long vide présidentiel par lequel passait le Liban à l’époque. Cette fois, c’est avec 18 comédiens, dont un petit groupe d’enfants, deux musiciens et même une petite séquence de dabké, qu’il délivre « un message patriotique et plein d’espoir, malgré tout, sur une issue positive de cette situation délicate que nous traversons ».
Ward et Yasmine, sœurs ou ennemies ?
Yara Zakhour et Salma Chalabi dans « Ward et Yasmine ». Photo Étienne Seukunian
« J’écris sur des gens nés dans la brique et l’asphalte qui n’ont pas de mauvais jours, mais de mauvaises années », disait Edward Allan Baker, grand scénariste de théâtre, de cinéma et de télé. Ward et Yasmine, dans la salle Act du théâtre Monnot jusqu’au 26 février, est une adaptation de son œuvre Rosemary and Ginger. Une pièce qui s’arrête sur un instantané de la vie de deux sœurs aux prises avec des difficultés générationnelles, des relations abusives et du problème de l’alcoolisme. Yara Zakhour et Salma Chalabi, dirigées par Hagop Derghougassian, se retrouvent pour partager leurs souvenirs d’enfance, mais aussi les difficultés auxquelles elles sont confrontées dans le présent : Ward est sur le point de perdre la garde de ses enfants, la douleur la pousse à boire davantage et à tolérer une relation abusive avec son petit ami ; Yasmine se retrouve dans un mariage sans amour, mais, plus important encore, elle doit expliquer à sa sœur la raison pour laquelle elle l’a trahie et a divulgué son problème d’alcoolisme à son ex-mari.
« Rayhin, jeyine » avant le décollage
Une scène de « Rayhin, jeyine ». Photo Ghassan Aflak
Au théâtre Monnot, Bruno Geara adapte la pièce Boeing, Boeing de Marc Camoletti, vaudeville ayant connu un énorme succès et inscrit comme la pièce française la plus jouée dans le monde. Rebaptisée Rayhin, jeyine, c’est une comédie en trois actes construits autour des aventures d’un architecte (Rodrigue Sleiman) entretenant des liaisons parallèles avec trois hôtesses de l’air qui ignorent chacune l’existence des deux autres. Bernard jongle entre ses trois femmes avec l’aide de son employée de maison Wadad (Josyane Boulos) pour éviter qu’elles ne se rencontrent, jusqu’au jour où des intempéries bousculent son rythme minuté. Les horaires des hôtesses sont modifiés et elles se retrouvent toutes les trois dans l’appartement à l’insu l’une de l’autre. Il tentera avec son ami (Sany Abdulbaki) et sa fidèle Wadad de se sortir de ce dangereux imbroglio. L’heure des révélations a sonné et les portes n’arrêtent pas de claquer. Jusqu’au 24 février, au théâtre Monnot. Avec Sara Atallah, Nay Abou Farhat et Kathy Younès incarnant les 3 hôtesses.
Abbas Jaafar, un Baalbakiote dans la ville
Abbas Jaafar dans « Haykalo » de Yehia Jaber. Photo DR
Haykalo, le dernier-né du dramaturge et metteur en scène Yehia Jaber, fait salle comble depuis fin octobre au Tournesol. Sous les projecteurs, une silhouette fine et gracile, en sarouel et capuchon noirs, fort accent baalbakiote, incarne une multitude de rôles, allant de celui des aïeux à celui d’un petit orphelin, en passant par le cheikh qui n’en est pas un, le cousin rageur, le président Berry, les membres des clans Chams, Zeaïter et Jaffar, mais aussi et surtout le rôle principal, celui de Abbas Jaafar. Jadis cabotin de stand-up populaire, devenu comédien par les bon soins de l’orfèvre Jaber, Abbas Jaafar raconte sa propre vie sur les planches et cartographie à travers ses récits l’évolution démographique, sociale, sécuritaire et politique d’une région qui a subi de grandes transformations au fil des décennies. À ne pas rater le 23 février, avec possibilité d’ajout d’autres dates. À signaler par ailleurs la reprise de la pièce Moujaddara hamra du même Yahia Jaber avec Anjo Rihane, le 28 février, au Tournesol.
Raëda Taha, Jerusalem et le goût des figues
Raëda Taha.
Le monologue tendre et féroce, nostalgique et combatif, est devenu sa marque de fabrique. Raëda Taha, attachée de presse de Yasser Arafat dans une autre vie, est devenue actrice et auteure reconnue et applaudie. Le public libanais l’a connue d’abord en 2015 dans la pièce Comment trouver quelqu’un comme toi, Ali ? où elle adressait un tonitruant message à son fedayin/martyr de père. Puis elle est revenue en 2017 dans 36 Abbas Street, Haïfa qu’elle a écrite, interprétée et défendue bec et ongles dans une mise en scène de Junaïd Sarieddine. Aujourd’hui, le Théâtre al-Madina reprend son plus récent monodrame The Fig Tree (ou Le figuier), qui personnifie la douleur de l’exil, l’agonie de la perte, la complexité du retour et les joies de l’amour et de la rédemption.. « Intensément personnelle, Raëda encapsule l’essence de l’expérience collective palestinienne », avait réagi l’activiste palestinienne Hanane Achraoui à l’issue d’une des représentations de la pièce. À voir le 22 février.
« L’étreinte », une danse de l’émotion
« L’étreinte » de Nada Kano. Photo DR
Spinoza situe la dimension essentielle de l’amour dans la joie qu’éprouve celui qui aime. Si, dans son ouvrage L’éthique (1966), ce philosophe néerlandais du XVIIe siècle décrit les émotions en quelques phrases, voilà que Nada Kano, chorégraphe, ballerine et fondatrice de Beirut Dance Company, construit son spectacle autour de l’émotion de l’étreinte à partir de quelques gestes. Ou quand les mouvements illustrent les émotions sur scène et sont soutenus par des projections tout au long du spectacle. Une table et deux chaises pour le décor, Schubert, Philip Glass et Sibelius pour la musique, et un duo formé de Maria Zougheib et Daniel Moussa complètent le topo. Les danseurs sont issus du projet Beirut Dance Project, lancé pour la première fois au Liban en 2009 et qui visait à accorder à une jeunesse défavorisée des bourses afin de s’entraîner pour une formation préprofessionnelle et les préparer à aller sur scène. L’étreinte, présentée à Dubaï il y a quelques mois, est un pas de deux simple et esthétiquement beau qui représente l’évolution d’une histoire d’amour. À voir au théâtre Monnot le 25 et 26 février.
Les cancres et les papillons
La bande des cancres au Théâtre al-Madina. Photo DR
Sur les planches du Théâtre al-Madina le 25 février puis les 14 et 15 mars, une comédie écrite et mise en scène par Oussama Nassib Kabalan. Une bande de cinq cancres pourrissent la vie d’une maîtresse, d’un maître et d’un surveillant. Deyman Toch (Toujours les derniers), une comédie bon enfant qui suit les tribulations de ces élèves loin d’être sages comme des images, mais qui propose également une leçon sur l’importance du patrimoine et de la culture. Sur un texte de Dimitri Melki et une mise en scène de Shady Haber, L’Émigration des papillons – du 2 au 12 mars au théâtre Monnot – raconte l’histoire de deux sœurs (Zeina Melki et Olfat Khattar) qui se trouvent dans le grenier de leur maison. Les souvenirs, la nostalgie et les sentiments affluent. La discussion s’enflamme, les rôles s’inversent, les masques tombent et les secrets se dévoilent.
Ala’ Minaoui et cette « Identité en dissolution » L’invitation à table de Ala’ Minaoui. Photo Chiara FerriliIl a fait une petite coupure de deux semaines, le temps d’aller présenter à Amsterdam où il réside depuis quelques années, « 2048 – Identité en dissolution », sa dernière création – déjà présentée début janvier au Liban et dans ces mêmes...
commentaires (6)
L’agenda culturel…
Tabet
10 h 09, le 19 février 2023