L’ONG Amnesty International a dénoncé, dans un rapport publié jeudi, les pénuries de médicaments au Liban, notamment ceux contre le cancer, et le prix "inabordable" des produits non-subventionnés, insistant sur les "souffrances inimaginables" des patients face à cette situation. L'organisation internationale a, dans ce cadre, appelé les autorités à assurer "la disponibilité et à l'accessibilité des médicaments, même dans la situation actuelle de défis financiers", notamment en augmentant le budget des centres de santé primaires.
Le pays souffre de graves pénuries de produits pharmaceutiques depuis le début d'une vaste crise économique il y a trois ans, et de nombreux patients sont contraints de se procurer leurs traitements à l’étranger et en dollars. De plus, après la suppression des subventions sur une grande partie des médicaments, entamée en novembre 2021, de nombreux produits sont devenus hors de prix pour une grande frange de la population.
Etablissant un état des lieux de la situation, la directrice adjointe du programme Moyen-Orient et Afrique du Nord d'Amnesty International, Aya Majzoub, a dénoncé dans le rapport le fait que "les Libanais sont confrontés à des souffrances inimaginables lorsqu'ils tentent de se procurer des médicaments vitaux. Les autorités libanaises, quant à elles, continuent de se soustraire à leur responsabilité de protéger le droit à la santé".
Médicaments contre le cancer
Amnesty a par ailleurs pointé du doigt les "graves pénuries" de médicaments utilisés par les patients cancéreux malgré le fait qu’il s’agisse de "l'une des rares catégories qui continuent d’être subventionnées par le gouvernement". "Depuis 2019, le ministère de la Santé impute en partie ces pénuries aux commerçants et aux contrebandiers qui achètent les médicaments à des prix subventionnés avant de les revendre plus cher. Les tentatives du gouvernement pour lutter contre ce problème sont insuffisantes", poursuit le texte.
En outre, des patients atteints de cancer "importent" leurs médicaments anti-cancéreux et chimiothérapies afin de pouvoir poursuivre leur traitement dans les hôpitaux. "D'autres patients rationnent ou substituent des médicaments pour économiser de l'argent, ce qui a de graves répercussions sur la santé", déplore Amnesty.
Il existe "également de graves pénuries de médicaments non subventionnés, car les importateurs ne sont pas en mesure d'acheter les quantités nécessaires, en raison de la crise financière actuelle du pays", indique l'ONG. Selon Amnesty, ces pénuries sont notamment dues aux dettes importantes des importateurs auprès des sociétés pharmaceutiques à l'étranger, qui refusent d'assurer leurs livraisons tant que les montants dus ne sont pas au moins partiellement versés.
Si des médicaments non-subventionnés sont disponibles, leurs "nouveaux prix sont hors de portée pour la plupart des gens. Parfois ils sont tarifés au double du salaire minimum", ajoute l'organisation internationale. Les centres de santé primaires, gérés par le ministère de la Santé, où sont disponibles ces médicaments à un prix sont une des rares options possibles aux patients pour se fournir à prix réduit, voire gratuitement. Toutefois, le nombre de personnes devant faire appel à ces centres a augmenté de 62 % depuis 2020, selon un responsable du ministère de la Santé contacté par Amnesty, sans que leur budget ne soit revu à la hausse par les autorités.
Appel à la communauté internationale
Face à cette situation, "les autorités libanaises doivent donner la priorité à la disponibilité et à l'accessibilité des médicaments, même dans la situation actuelle de défis financiers. Le droit à la santé ne peut et ne doit pas être sacrifié", souligne Amnesty. Pour remédier à cette état des choses pour le moins catastrophique, Amnesty International appelle les autorités à "augmenter le budget des centres de santé primaire, à remédier aux pénuries de médicaments subventionnés et non subventionnés, à renforcer les programmes d'aide sociale et à mettre en œuvre des réformes économiques et financières nécessaires à la protection des droits de l'homme".
"La communauté internationale devrait augmenter le financement des organisations fournissant des services de santé abordables et accessibles", a ajouté Amnesty.