Voilà quelques semaines qu’une (nouvelle) rumeur circule et gonfle à propos de Feyrouz. Un tapage médiatique et sur les réseaux sociaux racontant un supposé boycott de la diva libanaise envers l’Arabie saoudite qui l’aurait invitée à se produire à Riyad en janvier.Contactés par L’Orient-Le Jour, ses proches démentent la rumeur alors que, du côté saoudien, les propos sont plus nuancés et font référence à des négociations qui n’ont pas encore abouti autour d’une vidéo de 3 minutes où Feyrouz avait été invitée à apparaître depuis le Liban.
De toute manière, les deux parties concernées s’accordent à dire qu’aucun concert de l’icône arabe n’est prévu pour l’instant. Ziad Hamzah, directeur audio et musique chez MBC Group, relate ainsi à notre journal la version suivante des faits : « J’ai pris contact, par le biais d’un intermédiaire, avec l’équipe de l’artiste pour leur proposer le projet d’un film de 3 minutes où Feyrouz chanterait un message d’espoir qui serait retransmis en Arabie. Nous avons été en pourparlers pendant un moment, mais cette collaboration ne s’est toujours pas concrétisée. Cela dit, il ne s’agissait en aucun cas d’un concert en Arabie. » L’avocat de Feyrouz n’a pas donné suite aux sollicitations du journal. Mais, contactés par la rédaction, des proches de la diva ont de leur côté formellement démenti la rumeur concernant l’offre du concert que l’artiste aurait déclinée, affirmant que « toute cette histoire n’a aucun fondement. Tout cela est mensonger, et en fait aucun concert n’a même été proposé à Feyrouz ».
À l’origine de tout ce charivari, un simple tweet…
Comment cette rumeur a-t-elle donc éclaté ? Le 3 janvier, Turki al-Cheikh, président de l’Autorité générale du divertissement en Arabie saoudite, postait sur son compte Twitter une vidéo de Feyrouz qui chante Ana Sar Lazem Wade’kon (écrite et composée par Ziad Rahbani) lors d’un concert à Bercy en 1988.
Il n’aura suffi que de ce simple tweet de la part du haut responsable des concerts de Riyad pour qu’aussitôt la Toile s’enflamme.
Il faut savoir que la 3e édition du festival Riyad Season – lancé en 2019 dans le cadre du plan stratégique Vision 2030 du prince héritier Mohammad ben Salmane visant à réduire la dépendance du royaume wahhabite au pétrole, en développant et diversifiant des services publics dont ceux du tourisme et de la culture –, qui s’est donc tenue en décembre 2022, comprenait plus de 8 500 activités dont le concert Trio Night auquel ont participé un éventail d’artistes de la région, tels Angham, Assala Nasri, Najwa Karam, Nawal al-Zoghbi, Latifa al-Tunisia, Nancy Ajram, Élissa, Walid Tawfiq, Assi al-Hillani, Saber al-Rubaï, Waël Kfoury, Bahaa Sultan et Georges Wassouf.
Ainsi, à coups de commentaires, de tweets et de retweets, certains internautes ont de facto affirmé que cette vidéo postée par Turki al-Cheikh annonçait un concert-surprise de la diva en Arabie, tandis que d’autres y ont vu une allusion au refus de Feyrouz de se produire à Riyad. Peu de temps après, le professeur libano-américain (de sciences politiques à l’Université d’État de Californie à Stanislaus et professeur associé à l’Université de Californie à Berkeley) Assaad Abou Khalil confirmait sur son compte Twitter qu’en effet, Feyrouz aurait refusé de chanter à Riyad, provoquant un tollé d’autant plus important sur les réseaux sociaux ainsi que dans la presse régionale. Selon Abou Khalil, l’Arabie saoudite aurait proposé à l’icône libanaise plusieurs millions de dollars en échange de se produire à « n’importe quel événement à Riyad, y compris le concert se tenant en janvier », mais que cette dernière n’avait pas accepté cette offre.
Une histoire sans fondement
Le 1er février, le média israélien Haaretz poussait cette hypothèse encore plus loin, publiant dans ses pages un article incendiaire intitulé « Pourquoi Feyrouz, la chanteuse la plus emblématique du monde arabe, a dit non à MBS ». Dans cet article, la journaliste Sheren Falah Saab s’appuie sur une chronique parue dans le média en ligne Raseef 22 révélant que « le critique musical et présentateur de télévision syrien Charles Abdel Aziz y a expliqué que Feyrouz a refusé de coopérer avec le royaume pour des raisons politiques, et surtout à cause des politiques saoudiennes portant atteinte aux droits de l’homme. La chanteuse aurait également critiqué la politique étrangère du pays, qui a exacerbé la crise politique du Liban, citant notamment la fameuse affaire de 2017, lorsque le Premier ministre de l’époque Saad Hariri a été contraint de démissionner depuis Riyad sous la pression, puis a été assigné à résidence pendant deux jours ».
Le magazine culturel français Télérama publiait en même temps un article allant dans le même sens que celui du Haaretz, sous le titre : « Et Feyrouz a dit non à l’Arabie saoudite », parlant d’une « claque magistrale assénée par la plus grande chanteuse du monde arabe » au royaume wahhabite.
Face à ces rumeurs répandues par une presse pourtant sérieuse, les proches de Feyrouz sont catégoriques : « S’il y a quelque chose à annoncer par rapport aux actualités de l’artiste, c’est son porte-parole officiel qui se charge de le faire, comme cela a été le cas depuis toujours. »
D’ailleurs, on sait que même au plus fort des guerres, la diva arabe n’a jamais divulgué ses opinions politiques. En ce sens, on la sait opaque, impénétrable, imperturbable. On sait aussi qu’elle parle peu, qu’elle refuse catégoriquement les entretiens avec la presse, qu’elle n’a plus foulé la scène depuis sa série de concerts à Beyrouth en décembre 2011, qu’elle ne se montre jamais et que sa dernière apparition publique remonte au 31 août 2020, date à laquelle le président français Emmanuel Macron faisait le déplacement jusqu’à son domicile de Rabié pour lui décerner la Légion d’honneur. Feyrouz est donc cette créature à part, à la fois fermée à double tour et à la portée de tous ; en même temps « portée disparue » et occupant tout l’espace, comme peuvent l’être les trésors nationaux.
Une légende vivante qui a réussi à consolider cette trempe mythique, mystique peut-être, tout en vivant comme une ascète qui laisse aux autres le soin de broder des bobards et des mystères à sa place. Par-delà sa voix inaccessible aux mots, par-delà sa carrière impossible à égaler, Feyrouz a d’ailleurs fait de ses éternelles absences, de ses silences indomptables, de son statut d’étoile filante l’une des composantes essentielles de son halo d’artiste hors temps dont la vénération n’a pourtant cessé de se répandre au cours des treize dernières années. Alors même qu’elle n’aura durant cette période sorti aucun album, à part le quelque peu navrant Bebalee (2017) où elle reprenait en arabe des standards galvaudés, tels que My Way, Imagine, Don’t Cry For Me et Besame Mucho… Depuis, chacune des courtes vidéos partagées (au compte-gouttes) par sa fille Reema Rahbani sur ses comptes Facebook et Twitter, chacune de ses images récentes, chacun de ses propres battements de cils suffit à créer des véritables chocs sismiques chez le public, laissant à chaque fois supposer une réapparition, un retour tant et tant rêvé. Rien de cela. Plus Feyrouz demeure recluse dans son secret, plus elle s’enveloppe de ce voile de mystère dont elle seule a le secret, et plus son influence et le buzz autour d’elle se répandent, paradoxalement.
Preuve, encore une fois, que les silences de la seule et unique icône arabe vivante continueront de faire parler plus que n’importe laquelle de ses déclarations. Et, surtout, qu’on peut encore rêver à un retour de Feyrouz, mais cette fois sur une scène libanaise…
commentaires (7)
C est Feyrouz qui décide de chanter,ou pas. Elle décide ou aller..ou pas. pas le cons médiatiques. c est quoi tout ce blablabla ??
Marie Claude
09 h 20, le 05 février 2023