
Les silos du port de Beyrouth, en octobre 2022. Photo d'archives João Sousa
Le juge d'instruction près la Cour de justice Tarek Bitar, chargé de l'enquête sur la double explosion meurtrière au port de Beyrouth le 4 août 2020, a engagé mardi des poursuites contre le Premier ministre au moment du drame, Hassane Diab, ainsi que le procureur général près la Cour de cassation Ghassan Oueidate, lequel a rejeté toutes ses décisions dans une lettre qu'il lui a adressée, ont rapporté les agences Reuters et AFP en citant des sources judiciaires.
La décision de poursuivre un procureur général est une décision inédite dans l'histoire du Liban.
Trois autres magistrats en lien avec le dossier font également l'objet de poursuites, ont indiqué deux sources judiciaires à Reuters. M. Bitar, qui a repris lundi une enquête paralysée par des obstructions politiques de tous bords, a prévu un interrogatoire avec le procureur Oueidate et d'autres responsables en février, selon ces mêmes sources. Selon des documents que Reuters a pu consulter, l'ancien chef du gouvernement et plusieurs autres ministres sont poursuivis pour "homicide". Et un responsable judiciaire interrogé par l'AFP a précisé que les quatre magistrats sont poursuivis pour, entre autres, "homicide".
Selon une correspondance consultée par l'agence Reuters, M. Oueidate a toutefois indiqué mardi à M. Bitar que son enquête sur la double explosion reste suspendue, un jour seulement après que celui-ci a repris cette enquête sur le drame qui a fauché plus de 220 vies et blessé 6.500 personnes.
L'enquête avait été interrompue pendant plus d'un an jusqu'à ce lundi, lorsque M. Bitar a engagé des poursuites contre plusieurs hauts fonctionnaires, et M. Oueidate, sur base d’études juridiques qu’il a menées pendant plus d'un mois.
"Nous avons appris le retour du juge Bitar par la presse. Puisqu'il considère le parquet comme inexistant, nous le considérons aussi comme inexistant", a affirmé le procureur Oueidate à l'AFP.
Interrogatoires en février
Le juge Bitar a également engagé des poursuites contre le directeur de la Sûreté générale Abbas Ibrahim, et le général Tony Saliba, chef de la Sécurité de l’État, en relation avec l'explosion, ainsi que contre l'ancien commandant en chef de l'armée Jean Kahwagi, ont déclaré des responsables judiciaires sans préciser les chefs d'accusation.
Les interrogatoires de 14 personnes (et non 15), dont de hauts responsables sécuritaires, seraient prévus entre le 6 et le 13 février, selon un responsable judiciaire cité par l'AFP.
M. Diab, qui dirigeait le gouvernement lors de l'explosion du 4 août 2020, avait déjà refusé de comparaître.
Contacté par Reuters lundi, le général Ibrahim a refusé de commenter les informations sur des poursuites à son encontre tout comme le général Kahwagi. Le général Saliba n'a pas pu être joint immédiatement pour une réaction.
Toutes les personnes précédemment poursuivies par le juge Bitar ont nié avoir commis tout acte répréhensible. La double explosion du 4 août 2020 avait été provoquée par un incendie dans un entrepôt où étaient stockées dans de mauvaises conditions des centaines de tonnes de nitrate d'ammonium, depuis leur déchargement dans le port de Beyrouth en 2013. Jusqu'à présent, aucun haut responsable n'a été tenu de rendre des comptes.
Washington appelle à une enquête "rapide et transparente"
La veille lundi, jour où M. Bitar a repris son dossier en main, le porte-parole du département américain d’État, Ned Price, s'est également exprimé sur le sujet. Lors d'une conférence de presse, il a déclaré que "dans la communauté internationale, nous avons toujours clairement dit depuis l'explosion que nous soutenons une enquête rapide et transparente", ajoutant qu'il "exhorte les autorités libanaises" à aider à accomplir cette enquête. "Les victimes de l'explosion du 4 août 2020 ont droit à la justice. Les responsables doivent rendre des comptes", a dit M. Price.
De son côté, Stéphane Dujarric, porte-parole du secrétaire général des Nations Unies António Guterres, a déclaré que l'ONU se félicite de la réouverture de l'enquête. Il a affirmé que M. Guterres "a été très clair depuis le début sur le fait que le Liban, les victimes de l'explosion, ainsi que leurs familles qui incluent certains de nos collègues, ont droit à une enquête solide qui conduira à cerner la responsabilité de ceux qui ont contribué à cette catastrophe".
Au Liban, le traumatisme du 4 août reste prégnant dans les mémoires, et les proches des victimes de l'explosion appellent régulièrement à l'avancée de l'enquête du juge Bitar, obstruée par des nombreux recours déposés par des responsables politiques de diverses tendances.
M. Bitar a repris son travail sur la base d'une interprétation juridique contestant les raisons de sa suspension, avaient indiqué des sources judiciaires. Le Hezbollah pro-iranien fait campagne contre M. Bitar car il avait mis en cause certains de ses alliés durant son enquête et accusait Washington de s'ingérer dans l'enquête. Le chef du Hezbollah, Hassan Nasrallah, avait appelé à son remplacement.
Le juge d'instruction près la Cour de justice Tarek Bitar, chargé de l'enquête sur la double explosion meurtrière au port de Beyrouth le 4 août 2020, a engagé mardi des poursuites contre le Premier ministre au moment du drame, Hassane Diab, ainsi que le procureur général près la Cour de cassation Ghassan Oueidate, lequel a rejeté toutes ses décisions dans une lettre qu'il lui a...
commentaires (21)
Dieu le protège ! Pourvu que son destin ne soit pas celui du juge Falcone et d’autres qui ont osé se battre contre la mafia
Citoyen Lambda
12 h 11, le 26 janvier 2023