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Moyen-Orient - Éclairage

Turquie : un parti d’extrême droite promet un aller simple aux réfugiés syriens

La formation politique, qui a fondé sa raison d’être sur le rejet des exilés, durcit le ton à l’approche de la présidentielle. Un discours symptomatique de l’hostilité générale des partis politiques à l’encontre des Syriens.

Turquie : un parti d’extrême droite promet un aller simple aux réfugiés syriens

Le parti de la Victoire promet de renvoyer en bus les réfugiés syriens en Turquie vers leur pays d’origine. Photo capturée du clip de campagne de Zafer Partisi/Twitter

« Le Parti de la victoire va arriver, les réfugiés partiront ! » scande la page Twitter officielle d’Umit Ozdag, président et fondateur de Zafer Partisi. Depuis sa création en août 2021, la formation politique d’extrême droite, en lice dans la course à la présidentielle prévue le 14 mai en Turquie, a fait de la haine antiréfugiés son fond de commerce. Mais à l’approche de l’échéance électorale, un cran supplémentaire dans sa rhétorique xénophobe semble avoir été franchi. Et le ton est plus que cynique. Le parti a en effet lancé, ce lundi sur son compte Twitter, un appel aux dons, promettant que l’argent récolté servira à payer des tickets de bus aux réfugiés syriens pour un aller sans retour vers leur pays d’origine et à ceux qui soutiennent les droits des immigrés en Turquie. Pire, Umit Ozdag invite la population turque à donner les noms des Syriens qu’elle souhaite voir renvoyés chez eux.

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Dans le clip de campagne qui accompagne l’annonce, un bus rouge, floqué d’un terrible « Zafer Tourisme », attend qu’une aimable hôtesse finisse d’enregistrer la file de sympathisants, venus dénoncer les indésirables. Tout sourire, la dame rappelle aux hésitants que la population syrienne, immigrée en Turquie, représente 13 millions de personnes.

Un chiffre matraqué à l’envi par Umit Ozdag, bien loin des réalités statistiques selon lesquelles leur nombre s’élève à 3,4 millions de personnes, mais qui révèle l’instrumentalisation politique aiguë de la question des réfugiés à l’approche des élections.

Car à droite comme à gauche de l’échiquier politique turc, le sort des Syriens ayant fui les combats sanglants depuis le début de la guerre civile en 2011 est dans tous les programmes. Et pour cause : selon la dernière enquête Turkiye Trends 2022, menée par Global Akademi, il s’agit de la troisième question la plus décisive sur le plan électoral pour les citoyens turcs, derrière l’économie et le terrorisme. Si le parti d’extrême droite s’était déjà engagé dans un délai d’un an à expulser tous les Syriens s’il accédait au pouvoir, les partis traditionnels tiennent des positions relativement semblables, quoique formulées avec plus de subtilité. Kemal Kilicdaroglu, chef de la principale formation d’opposition, le parti Républicain du peuple (CHP – centre gauche), a par exemple promis le retour organisé de « nos frères et sœurs syriens dans deux ans au plus tard », notant que ces derniers « devraient vivre paisiblement en Syrie », où ils encourent cependant de nombreux risques. Même le Parti du mouvement nationaliste (MHP), allié au parti présidentiel (AKP), aux positions habituellement hostiles envers les réfugiés, se montre, du moins dans le discours, plutôt prudent. « II est nécessaire d’assurer le retour en toute sécurité des migrants et réfugiés afghans et syriens dès qu’une atmosphère sûre sera établie dans leur pays. », a affirmé son président Devlet Bahçeli

Propagande fasciste

Quant au président Recep Tayyip Erdogan, candidat à sa propre réélection, s’il s’était jadis posé en défenseur des réfugiés ayant fui le régime de Bachar el-Assad, sa récente reprise de contact avec le pouvoir à Damas témoigne là aussi d’une urgence à rassurer les attentes des électeurs. Les signes d’une normalisation entre les régimes syrien et turc se multiplient en effet, les ministres de la Défense des deux pays s’étant entretenus à Moscou le 28 décembre, avec à la clé une rencontre entre les chefs de la diplomatie en préparation. Face à ce rejet croissant de la population mais aussi à la grave crise inflationniste que traverse le pays, environ 60 000 réfugiés syriens auraient fait le choix du retour vers leur pays en 2022, selon la Direction de la gestion des migrations du ministère turc de l’Intérieur.

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Il n’empêche que la campagne xénophobe lancée par le parti de la Victoire, actuellement crédité de 2 % d’intention de vote, a suscité de vives réactions. Certains préfèrent ironiser, comme cet internaute turc, commentant sur Twitter : « J’ai appris que mon ex-petite copine m’a pris un ticket. S’il vous plaît, ne m’envoyez pas en Syrie », quand d’autres dénoncent une « propagande fasciste et raciste ». D’autant que le retour forcé voulu par le parti d’extrême droite ne vise pas que les réfugiés.

Umit Ozdag entend renvoyer également deux figures de la lutte pour les droits des immigrés, qu’il a nommément citées, à savoir le journaliste turco-syrien Ahmet Hamo et la journaliste turque Nagehan Alci, qui s’est dit « honorée d’être la cible d’une telle attaque politique ». Dans le média en ligne HaberTurk, elle écrit : « Diaboliser les immigrés qui se sont réfugiés ici pour sauver leur vie et promettre de les renvoyer de force (...) est clairement inhumain et contraire aux principes humains fondamentaux », ajoutant qu’une « partie importante des Syriens font maintenant partie de ce pays (...), parlent le turc comme langue principale, sont nés ici et ont une vision de l’avenir qui s’inscrit uniquement en Turquie ».

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Le parti de la Victoire n’en est pas à son premier fait d’armes concernant le traitement obsessionnel et xénophobe qu’il réserve aux Syriens. En mai dernier, son président finançait ainsi L’Invasion silencieuse, un court-métrage diffusé sur YouTube aux plus de cinq millions de vues. Dans un décor dystopique, il montre une Turquie en 2043 où les Syriens, qui ont pris le pouvoir, ont remplacé la population turque.

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