
Les silos dévastés du port de Beyrouth, vus depuis le front de mer de la capitale libanaise, le 6 septembre 2022, deux ans après la double explosion meurtrière. Photo d'archives Matthieu Karam
Grâce au bureau d’accusation du barreau de Beyrouth, qui a obtenu une nouvelle fois la suspension de la radiation volontaire de la société Savaro Ltd du registre de commerce britannique, celle-ci reste dans le collimateur de la justice anglaise. A la demande du bureau d’accusation du barreau de Beyrouth, qui défend les droits de proches de nombreuses victimes dans l’affaire de la double explosion au port de Beyrouth le 4 août 2020, le registre de commerce de Londres (Companies house), a prolongé, il y a une dizaine de jours, une quatrième fois, et pour six mois, (juin 2023) la suspension de la radiation volontaire réclamée par Savaro Ltd, immatriculée sur ce registre.
Savaro Ltd avait tenté d’obtenir sa suppression de la Companies house pour échapper à sa responsabilité liée aux préjudices causés par le nitrate d’ammonium à l’origine de la double explosion, et dont elle serait propriétaire. Mais le bureau d’accusation s’était opposé une première fois à cette tentative en janvier 2021. La prolongation de la suspension de la radiation permet ainsi de poursuivre l’action en responsabilité civile à l’encontre de la société, intentée en 2021 par le bureau d’accusation du barreau de Beyrouth, à travers le cabinet juridique "Dechert LLP", dont l’ancien ministre Camille Abousleiman est un membre principal.
L’action se trouve devant la Haute cour de justice de Londres, qui, le 16 juin 2022, a sommé la compagnie mise en cause de révéler l’identité de ses bénéficiaires économiques finaux (ses véritables propriétaires). A cet égard, Camille Abou Sleiman et Nasri Diab, autre avocat représentant les proches des victimes, ont souhaité, à travers le communiqué, que "des responsables dans cette affaire soient bientôt identifiés". Le procès à Londres se déroule à "un rythme accéléré", ont-ils indiqué, révélant que la dernière audience a eu lieu en novembre dernier. La cour a pris plusieurs décisions en faveur des victimes, ont-ils ajouté, mais sans préciser lesquelles. L’Orient-Le jour a tenté sans succès de les joindre.
Le journaliste d’investigation Firas Hatoum avait révélé en janvier 2021 que c’est Savaro Ltd qui aurait fait la commande du nitrate d’ammonium et en aurait payé le prix. Il avait affirmé que Savaro Ltd était fictive, expliquant avoir tenté de trouver à quelle adresse elle se trouve. Le contrat de vente conclu avec une usine de fabrication de matières chimiques située en Géorgie indiquait que son siège social était à Chypre.
M. Hatoum a fini par savoir que la société Hesco Engineering and Construction, appartenant à Georges Haswani, un homme d’affaires syrien proche du régime Assad, est à la même adresse que celle qui devait être celle de Savaro Ltd. Le journaliste a ensuite appris que la société Savaro Ltd était domiciliée en Grande-Bretagne et a cherché à s’enquérir de l’identité de la société qui partageait cette même adresse pour identifier les parties impliquées. Il est finalement apparu que toutes sont fictives, à l’exception d’une seule, IK Petroleum Industrial Company Limited, appartenant à Imad Khouri (un autre homme d’affaire syrien proche d’Assad), fondée moins d’un mois avant l’émission du bordereau d’exportation de la cargaison d’ammonium vers le Liban, selon lui.
Grâce au bureau d’accusation du barreau de Beyrouth, qui a obtenu une nouvelle fois la suspension de la radiation volontaire de la société Savaro Ltd du registre de commerce britannique, celle-ci reste dans le collimateur de la justice anglaise. A la demande du bureau d’accusation du barreau de Beyrouth, qui défend les droits de proches de nombreuses victimes dans l’affaire de la...
commentaires (3)
Ils continuent de tourner en rond! A supposer que Savaro soit la société qui a commandé le NA, qui lui a donné un permis d'importation? Pour la nième fois, je répète ce qui ni les juges, ni les avocats ne veulent écouter: l'importation du NA est soumise à une stricte réglementation, qui commence au ministère de l'Intérieur, et qui se termine au Conseil des Ministres qui est supposé donner le permis d'importation pour la quantité demandée, ou pour sa moitié, comme il est advenu avec le permis demandé par la Société Libanaise d'Explosifs(Majid Chammas). Alors, où est ce permis??? Il n'existe pas! Donc, celui qui assume la responsabilité de l'introduction des 2750 tonnes de NA au port est le juge Jad Maalouf, qui a ordonné la saisie de la cargaison. Bien entendu, si les personnes responsables du Port et des Douanes avaient un tant soit peu de sens de leur responsabilité, elles auraient dû refuser le déchargement sans permis, quelque soit le cas de figure: point à la ligne....
Georges MELKI
12 h 00, le 08 janvier 2023