« Je suis devenu une vedette internationale à la Pablo Escobar. » C’est ainsi que s’est décrit le gouverneur de la Banque du Liban Riad Salamé, dans un entretien accordé en décembre au magazine mensuel français Entreprendre. Un commentaire répondant à une question portant sur les enquêtes judiciaires dans plusieurs pays européens dont il est l’objet, à savoir la France, l’Allemagne, le Luxembourg, le Liechtenstein et la Suisse, et qui sont liées à des soupçons de blanchiment d’argent et d’enrichissement illicite, entre autres et selon chaque cas. Si le principal intéressé a toujours nié ces accusations, Riad Salamé a également toujours refusé de se présenter devant la justice libanaise qui a elle aussi ouvert une enquête, notamment menée par la procureure générale près la cour d’appel du Mont-Liban Ghada Aoun, que le gouverneur accuse d’être politisée. La semaine dernière, celle-ci a dans ce cadre émis une interdiction de disposer de ses biens à l’encontre de l’actrice libanaise Stéphanie Saliba, réputée proche du gouverneur, et poursuivie dans le cadre d’affaires de vol de fonds publics et de blanchiment d’argent, dont l’achat de biens-fonds à l’étranger par le gouverneur en faveur de ses proches.
De son côté, la justice européenne suit également son cours et des « délégations comprenant des procureurs généraux, des juges d’instruction et des procureurs financiers » de ces trois premiers pays « arriveront à Beyrouth entre le 9 et le 20 janvier » prochain dans le cadre de leurs investigations respectives sur la situation financière du gouverneur, a ainsi révélé mardi à l’AFP un responsable judiciaire libanais, sous le couvert de l’anonymat, précisant que ces délégations n’ont pas requis l’assistance de la justice libanaise. Une information confirmée à l’agence de presse par une source proche du dossier en France. Ce même responsable a ajouté que les autorités compétentes des trois pays en question avaient informé le procureur général près la Cour de cassation, Ghassan Oueidate, de leur intention « d’enquêter sur Riad Salamé » mais aussi sur « des responsables de la BDL et des dirigeants des banques commerciales ».
Cinq suspects
Fin mars, Eurojust, l’Agence de l’Union européenne pour la coopération judiciaire en matière pénale, avait annoncé la saisie de 120 millions d’euros d’actifs dans cinq pays d’Europe par les justices française, allemande et luxembourgeoise dans le cadre de procédures judiciaires concernant des faits de détournement de fonds publics au Liban « pour des montants de plus de 330 millions de dollars et 5 millions d’euros, respectivement, entre 2002 et 2021 », avait ainsi décrit l’agence dans un communiqué. Cette enquête a en ligne de mire « cinq suspects », dont le gouverneur de la BDL étant donné le lancement de l’investigation dans le cadre des enquêtes européennes sur sa fortune. Quant aux quatre autres soupçonnés, Eurojust ne les a en toute logique jamais officiellement identifiés, mais une source au fait du dossier avait alors confié à L’Orient-Le Jour qu’il s’agissait « certainement des membres de la famille du gouverneur ou des prête-noms ayant servi aux différents montages (financiers) ».
L’année 2023 commencera donc sur les chapeaux de roue pour Riad Salamé qui célébrera alors les trente ans et la fin de son mandat à la tête de la BDL en juillet prochain. L’homme âgé de 72 ans a d’ailleurs prévenu dans ce même entretien que « en principe » il s’en ira bien à cette date, « à moins qu’un événement » ne justifie un départ anticipé. Faut-il donc le (lui) rappeler : le gouverneur est considéré comme l’un des piliers de la terrible crise socio-économique et financière qui perdure au Liban depuis plus de trois ans avec son lot de restrictions bancaires, une fonte des réserves de la banque centrale, la dépréciation de la livre libanaise de plus de 96 %, plus de 80 % de la population plombée par la pauvreté, etc.
commentaires (6)
L'OLJ est devenu le porte parole du hezbollah en matière économique, servant ses objectifs les plus chères. Bravo.
Nicolas Sbeih
12 h 55, le 29 décembre 2022