Kassatly étend à Chypre la production de sa boisson Freez

Malgré un environnement des affaires rendu de plus en plus difficile par la crise, le Liban peut encore compter sur un vivier d’industriels locaux qui parviennent à trouver des débouchés à l’étranger. C’est notamment le cas du groupe Kassatly Chtaura, l’un des plus grands producteurs de boissons alcoolisées et non alcoolisées au Liban, qui s’apprête à produire et commercialiser certains de ses produits depuis Chypre, et plus précisément sa marque de boissons gazeuses et fruitées Freez.

Une décision stratégique qui « n’a rien à voir avec la situation au Liban », insiste d’emblée Nayef Kassatly, directeur général du groupe, précisant que le groupe ne délocalise pas sa production sur l’île, mais qu’il y déploie des lignes de production supplémentaires. « Nous ne déménageons pas à Chypre, nous y étendons notre activité, ce que dans tous les cas nous devrions faire », indique-t-il à L’Orient-Le Jour.

En effet, face au succès à l’international de ses boissons gazeuses de la gamme Freez, le groupe affirme avoir dû réduire la production d’autres boissons figurant dans son catalogue et limiter le développement d’autres produits pour pouvoir répondre à la demande. L’installation d’une usine à Chypre est donc l’occasion pour le groupe de faire d’une pierre deux coups, à savoir augmenter les capacités de production et s’implanter sur le Vieux Continent.

Un pied en Europe

« Être présent en Europe devenait prioritaire pour nous », souligne Nayef Kassatly, car cela permet au groupe de commercialiser sous le label « fabriqué en Europe », un sésame qui renforcera la réputation de la marque à l’étranger et lui permettra de s’exporter plus facilement partout dans le monde. Si Kassatly Chtaura vise principalement à travers cette démarche à s’ouvrir sur les pays européens et les États-Unis, le groupe garde tout de même un œil sur les marchés du Golfe. « Produire et commercialiser depuis l’Europe nous permettra aussi de relancer une partie de nos exportations à destination de l’Arabie saoudite », précise le directeur général, solutionnant ainsi un problème qui remonte à plus d’un an.

Début novembre 2021, l’Arabie saoudite décidait d’imposer un embargo sur les exportations libanaises; une décision motivée par la volonté des saoudiens de faire face à l’influence croissante du Hezbollah au Liban et pour lutter contre la contrebande de captagon (qui provenait, ou qui transitait par le Liban). Depuis, les entreprises libanaises ont perdu ce qui représentait pour eux la troisième plus importante destination de leurs exportations en 2020, année pendant laquelle ils ont écoulé près de de 230 millions de dollars, soit 5,6 % de l’ensemble des exportations libanaises, derrière la Suisse et les Émirats arabes unis.

Le voisin chypriote

Située en Europe et présentant tous les avantages susmentionnés et en à peine à 30 minutes de vol, l’île de Chypre convainc le groupe libanais. « Bien que les incitations fiscales à Chypre sont attrayantes, ce sont surtout les avantages géographiques » que présente l’île qui ont poussé Kassatly Chtaura à s’y implanter, précise, dans un communiqué, Akram Kassatly, fondateur et président du groupe. Outre sa proximité des marchés européens, africains et des pays du Golfe, l’île est avant tout proche du Liban, ajoute son fils Nayef. La concrétisation de ce projet s’est faite avec l’aide d’Invest Cyprus, l’agence gouvernementale de promotion des investissements à Chypre, dont la mission est d’attirer et de faciliter les investissements directs étrangers dans le pays.

L’usine, dont le chantier a été lancé il y a « près de quatre mois » à Ypsonas – dans le district de Limassol –, devrait être opérationnelle « à partir de la fin du troisième trimeste 2023 ». Enregistrée sous le nom Boutique Beverage Bottling International (BBBI), elle permettra d’employer une centaine de personnes, dont la moitié seront des Libanais, précise le directeur général. Installée à Chtaura, dans la Békaa, la seule usine du groupe au Liban compte près de 400 employés aujourd’hui, dont une partie, principalement des cadres, pourrait être transférée ou amenée à faire le court voyage.

Préférant ne pas s’avancer sur les volumes de production ni sur le montant et les modalités de l’investissement, Nayef Kassatly précise toutefois que « cette nouvelle usine aura la même capacité que celle du Liban, ce qui nous permettra donc de doubler notre niveau de production ». Lancée en 1974, Kassatly Chtaura produit aujourd’hui au Liban des boissons gazeuses, des liqueurs, des sirops, du vin, des bières alcoolisées et non alcoolisées, des jus et des confitures. Mais, en ce qui concerne l’usine à Chypre, la société envisage de mettre l’accent au début sur sa gamme de boissons gazeuses. Elle compte ensuite y lancer le développement, la production et la commercialisation de nouveaux produits, fabriqués en fonction des marchés ciblés.

« Nous misons sur cette expansion pour renforcer notre situation au Liban et y rester ancrés, conclut Nayef Kassatly. Nous n’avons aucune intention de quitter le pays. D’ailleurs nous venons d’investir dans notre usine à Chtaura, notamment en y installant un système de panneaux photovoltaïques d’une capacité de 1,2 mégawatts. » Le fait d’avoir un pied au Liban et un autre à Chypre permettrait ainsi au groupe de réduire son exposition au risque que représente le pays du Cèdre, tout en donnant la possibilité à certains de ses employés, voulant quitter le pays à cause de la dégradation des conditions de vie depuis l’éclatement de la crise économique, de demander un transfert vers Chypre.

Kassatly expands production of its Freez beverage to Cyprus