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Lifestyle - Résidences présidentielles

Quand Amine Gemayel rénovait le palais de Baabda sur son budget personnel

Cible de bombardements sous le mandat d’Élias Sarkis, le palais présidentiel qui avait accueilli Amine Gemayel de 1982 à 1988 connaissait des dégâts majeurs.

Quand Amine Gemayel rénovait le palais de Baabda sur son budget personnel

1989, le palais de Baabda : un spectacle lunaire. Photo d’archives L’OLJ

Né en 1942 à Bickfaya, dans le Metn-Nord, Amine Pierre Gemayel est marié à Joyce Joseph Tyan. Le couple a trois enfants : Nicole, Pierre assassiné en 2006 et Samy actuellement député. Avocat diplômé de l’USJ, membre du Parlement en 1970 après le décès de Maurice Gemayel, puis lors des élections législatives en 1972, Amine Gemayel est élu président de la République le 21 septembre 1982 à l’École militaire de Fayadieh dès le premier tour du scrutin. Il succède à son frère Bachir Gemayel, assassiné trois semaines après son élection le 14 septembre 1982. Cheikh Amine prête serment le 23 du même mois et s’installe directement au palais de Baabda, dont le bâtiment, cible de bombardements sous le mandat d’Élias Sarkis, connaît des dégâts majeurs.

De graves dégâts suite au bombardement du palais de Baabda en 1982. Photo d’archives L’OLJ

Dans son livre L’Offense et le pardon (paru en 1988 chez Gallimard), le président Amine Gemayel le décrit comme « une sorte de maison hantée, aux portes et fenêtres battantes, aux vestibules encombrés de gravats, la poussière recouvrant les murs, les meubles et le plancher. Le bureau de l’aide de camp, seule pièce libre de décombres, fut transformé en bureau présidentiel provisoire, et il a fallu aménager à la hâte le seul salon ayant échappé à la destruction ».

Le général Michel Aoun et ses ministres inspectant les dégâts au palais de Baabda en 1989. Photo d’archives L’OLJ

Un palais abandonné

Pour sa part, l’ex-Première dame Joyce Gemayel est amenée à vivre des scènes des plus surréalistes. Elle se confie ainsi à L’Orient-Le Jour : « Tout était lugubre. Dans le salon qui avait résisté aux bombardements, je découvre de vieilles chaises, des canapés au tissu usé et aux accoudoirs branlants ; sur une table même pas un cendrier brisé indiquant que cette pièce a été un jour habitée. L’officier m’a ensuite escortée à l’étage des appartements privés. Traversant un long corridor où les fenêtres étaient habillées de rideaux aux tailles inégales, j’aperçois des chambres, les unes vides, d’autres avec des lits ; la nôtre, tout juste propre, avait été préparée. Une seule pièce, dite Le salon à piano, offrait un aspect un peu plus acceptable. »

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« Vraiment, poursuit-elle, tout était vétuste, bringuebalant et décrépit. Une atmosphère sinistre, déprimante à souhait. » À la question de savoir qui s’occupe du ménage, « il n’y a plus personne Madame », me répond l’officier. Où est le responsable du palais ? « Il n’y a pas de responsable, ajoute l’officier. Tout le monde s’est évanoui dans la nature. »

Le président Gemayel prononçant son allocution le 31 décembre 1986, avec à ses côtés son épouse Joyce. Photo d’archives L’OLJ

Et ce n’est pas tout. Joyce Gemayel relate que le lendemain, elle était remontée à Bickfaya et qu’à son retour elle avait ramené avec elle des plats cuisinés à chauffer. « Mais la cuisine n’était pas équipée de four à gaz ! Notre dîner, ce soir-là, a été un plateau de fromage. Pour moi c’était trop ; c’était décourageant. Je me suis dit : « Mon Dieu qu’est-ce que je fais ici ? » Mme Gemayel apprendra en plus qu’aucun budget destiné à remettre en état les lieux n’était prévu. Il ne fallait pas se faire d’illusions.

La chasse aux objets

« Le siège de la présidence est à juste titre un des symboles de la République, et de ce fait j’avais à cœur que les intérieurs soient dignes de la fonction. Je ne demandais pas qu’ils soient luxueux, mais propres et décents. »

Le sérail de Bickfaya en 2015. Photo DR

Voilà donc Joyce Gemayel mandatée à entreprendre un gros chantier, avec ses propres deniers. Créer un parfait cocon dans les chambres des enfants (à cette époque Pierre avait six ans, Samy deux ans et demi et Nicole 14 ans). Relooker de fond en comble le salon qui avait échappé à la destruction et la salle à manger, tous deux destinés aux réceptions officielles. « Pour ce faire, j’ai mis ma mère à contribution. À titre d’exemple, elle nous a ramené de Paris une belle tapisserie pour décorer la salle à manger. Elle existe jusqu’à aujourd’hui au palais. Au fur et à mesure, j’ai fait ce que j’ai pu avec notre budget personnel, souvent en rafraîchissant ou réparant ce qui existait. Ainsi, nous avons découvert dans le garde-meuble plusieurs douzaines de verres en baccarat gravés d’un cèdre doré, dont certains avec les bords ébréchés. Ils devaient coûter une fortune. On m’a alors indiqué l’adresse d’un artisan qui pouvait les polir. Nous les avons utilisés jusqu’à la fin du mandat », ajoute-t-elle.

Amine Gemayel et sa famille en décembre 1983. Photo DR

En été, c’est le magnifique vieux sérail de Bickfaya qui servira de résidence d’été au couple présidentiel.

Des dommages majeurs à la résidence

À la fin de son sexennat, Amine Gemayel n’ayant pas réussi à passer le flambeau à son successeur, il nomme le commandant en chef de l’armée Michel Aoun Premier ministre, chargé d’élire un nouveau président. Salim Hoss maintient néanmoins un gouvernement soutenu par la Syrie. À la tête du Liban, deux gouvernements. Du palais de Baabda, Aoun mènera son combat contre les Forces libanaises, après avoir déclenché une « guerre de libération » contre les Syriens. Sous les pluies d’obus, la forêt de pins qui entoure le palais est détruite et le siège présidentiel subira des dommages majeurs. Des parois entières sont soufflées, des vitres brisées et partout des trous béants dans les plafonds.

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Le général Aoun se retranche dans un bunker avec son état-major, ses officiers d’ordonnance, sa femme, Nadia, et ses trois filles, Mireille, Claudine et Chantal, encore adolescentes. Le 13 octobre 1990, les troupes de Damas prennent d’assaut le palais de Baabda, avec le blanc-seing de la communauté internationale. Une journée sanglante au terme de laquelle Michel Aoun se réfugie à l’ambassade de France à Beyrouth avant de prendre le chemin de l’exil, dix mois plus tard. À l’envoyé spécial du quotidien Le Monde, il dira que « le palais a reçu environ 100 tonnes d’obus de gros calibre ». Ceux-ci ont eu raison cette fois-ci de ce qui restait du bâtiment déjà très endommagé. Plus une pièce n’est intacte.

Amine Gemayel en famille en 1983. Photo DR

Le « non » du président à l’accord de Damas

Le sexennat de cheikh Amine (1982 à 1988) est marqué par l’accord du 17 mai 1983 avec Israël qui sera abrogé un an plus tard sous la pression des Syriens et de leurs alliés libanais.

En mai 1985, Élie Hobeika prend la tête des Forces libanaises et prône un rapprochement avec la Syrie. Cela mènera la même année à l’accord tripartite de Damas signé par le mouvement Amal, les FL de Hobeika et le Parti socialiste progressiste. Il ne sera pas entériné par Amine Gemayel en dépit de toutes les pressions politiques.

Le président Amine Gemayel donnant un discours au cours de la présentation des vœux du corps diplomatique le 6 janvier 1984. Archives L’OLJ

Mise en place en septembre 1982 par l’ONU afin de maintenir la paix, la Force multinationale est victime le 23 octobre 1983 de deux attentats-suicide, l’un visant l’immeuble Drakkar à Beyrouth et tuant 57 parachutistes français, l’autre frappant le contingent américain (241 morts).

Sur le plan diplomatique, deux conférences réunissant les responsables politiques libanais sont organisées. L’une à Genève (31 novembre-3 décembre 1983) se solde par un échec, mais à l’issue de la seconde tenue à Lausanne du 12 au 21 mars 1984, un gouvernement d’union nationale est formé.

En janvier 1986, une intifada menée par Samir Geagea contraint Élie Hobeika à quitter le pays. Le 1er juin 1987, le président du Conseil Rachid Karamé est assassiné. Il est remplacé par Salim Hoss.

Né en 1942 à Bickfaya, dans le Metn-Nord, Amine Pierre Gemayel est marié à Joyce Joseph Tyan. Le couple a trois enfants : Nicole, Pierre assassiné en 2006 et Samy actuellement député. Avocat diplômé de l’USJ, membre du Parlement en 1970 après le décès de Maurice Gemayel, puis lors des élections législatives en 1972, Amine Gemayel est élu président de la République le 21...

commentaires (2)

« Notre dîner, ce soir-là, a été un plateau de fromage. Pour moi c’était trop. » Pour la majorité des Libanais, de l’époque et encore plus aujourd’hui, avoir un plateau de fromage comme dîner est de trop.

Hippolyte

11 h 32, le 13 décembre 2022

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Commentaires (2)

  • « Notre dîner, ce soir-là, a été un plateau de fromage. Pour moi c’était trop. » Pour la majorité des Libanais, de l’époque et encore plus aujourd’hui, avoir un plateau de fromage comme dîner est de trop.

    Hippolyte

    11 h 32, le 13 décembre 2022

  • c'est quand meme incroyable ces images. Le Liban n'a lance de guerre contre aucun voisin et son palais presidentiel est bombarde par les syriens....qu'est-ce qu'ils nous veulent??? et les iraniens maintenant??

    Elementaire

    07 h 17, le 13 décembre 2022

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