Les « médiateurs » avaient cru avoir trouvé un compromis acceptable entre la décision du président du Conseil démissionnaire Nagib Mikati de convoquer une réunion du gouvernement et le refus catégorique du Courant patriotique libre et de son chef, Gebran Bassil, de cette décision, considérée comme une atteinte aux prérogatives du chef de l’État. L’idée (des médiateurs) était donc d’assurer le quorum nécessaire de 16 ministres pour la tenue de la séance, mais sans remettre en cause le bloc du Liban fort. C’est ainsi que le seizième ministre a été Georges Bouchikian qui a choisi de ne pas respecter la décision du parti Tachnag (allié du CPL et relevant du bloc du Liban fort) et de participer à la réunion du gouvernement, en assumant toutefois seul la responsabilité de son choix, épargnant ainsi son parti.
En effet, les forces qui voulaient éviter un clash politique (notamment le Hezbollah) étaient tiraillées entre la volonté d’assurer la tenue de cette séance à la demande pressante de Mikati pour pouvoir traiter certains dossiers délicats et le désir de ménager le CPL très soucieux des prérogatives présidentielles. Il faut préciser que la réunion du Conseil était devenue indispensable après le refus du ministre des Finances d’assurer le financement de certains soins médicaux. En effet, en dépit des pressions des hôpitaux, le ministre Youssef Khalil n’a pas accepté d’assumer seul la responsabilité d’assurer les fonds nécessaires, réclamant une réunion du Conseil des ministres pour que la décision soit collective.
C’est donc principalement à cause de cette situation pressante que le président du Conseil démissionnaire a décidé de convoquer une réunion de son gouvernement, revenant ainsi sur la promesse faite devant le Parlement lors de la séance plénière chargée d’étudier la lettre de l’ancien président de la République, Michel Aoun, sur la définition de la gestion des affaires courantes dans le sens strict. Toutefois cette argumentation n’a pas convaincu Gebran Bassil d’autant que Nagib Mikati avait commencé par proposer un ordre du jour de la réunion comportant près de 200 points. Pour le chef du CPL, si Mikati voulait réellement respecter le principe de la gestion minimale des affaires courantes, il aurait dû soumettre l’idée du financement des hôpitaux aux ministres dans le cadre d’une réunion informelle avant de décider de la tenue d’un Conseil des ministres consacré à ce point et à quelques autres tout aussi pressants. Certes, en fin de compte, l’ordre du jour de la réunion a été allégé, mais cela n’a été fait que la veille de sa tenue. Pour le CPL, le message était donc clair et il a été capté : ce qu’il appelle « le système » en place depuis Taëf veut prendre sa revanche sur le mandat de Michel Aoun et reprendre les rênes du pouvoir au Liban comme il l’a fait depuis les années 90. Pour le CPL, au-delà des tiraillements sur les prérogatives du chef de l’État et sur celles du gouvernement chargé d’expédier les affaires courantes, il s’agit donc d’une bataille existentielle qui ressemble à celle qu’il avait menée en 2005, lorsque toutes les forces politiques en place s’étaient liguées contre lui pour les élections législatives à travers la conclusion de ce qu’on a appelé à l’époque « l’accord quadripartite » (Amal, le Hezbollah, le Parti socialiste progressiste de Walid Joumblatt et le courant du Futur de Saad Hariri, auxquels s’étaient jointes les Forces libanaises de Samir Geagea dont le député Edmond Naïm avait été élu sur la liste commune avec le tandem chiite).
Selon des sources proches de cette formation, le CPL serait donc convaincu que les forces politiques précitées veulent l’éliminer du paysage politique, ou en tout cas réduire au minimum son influence. Ces mêmes sources reviennent sur les négociations pour la formation du gouvernement au cours des derniers mois, jusqu’à l’expiration du mandat de Michel Aoun. Pour elles, le véritable obstacle c’était la volonté du président du Conseil, et avec lui celle du président de la Chambre, Nabih Berry, de ne pas accorder au CPL et au camp présidentiel le poids qu’ils avaient au sein du gouvernement démissionnaire. Tous les prétextes ont été donc utilisés pour qu’un nouveau gouvernement ne soit pas formé. On a tantôt parlé du tiers de blocage, puis du choix des ministres chrétiens, Mikati voulant y avoir son mot à dire alors qu’il n’est pas intervenu dans le choix des ministres chiites. Chaque fois qu’un pas était franchi, un nouvel obstacle surgissait pour entraver la naissance d’un nouveau gouvernement. Pour les sources proches du CPL, Mikati était visiblement convaincu qu’une fois le président Aoun parti, il aura plus d’autorité sur les ministres même ceux qui ont été choisis par le CPL. D’ailleurs, toujours pour les mêmes sources, c’est la raison pour laquelle, même après la publication du communiqué des 9 ministres qui devaient boycotter la réunion du gouvernement, le président du Conseil n’a jamais douté de la tenue de cette réunion avec le quorum requis.
Selon ces milieux, le CPL est convaincu qu’il est la cible d’une véritable campagne visant à ramener la présidence à ce qu’elle était sous les mandats précédents, sans grande influence sur le cours des événements et surtout sur la prise des décisions. Pour les sources précitées, au cours des six ans de son mandat, Michel Aoun a été un obstacle pour les autres formations, réussissant même à avoir sa marque dans l’accord avec Israël pour l’exploitation des ressources pétrolières et gazières qui, de l’avis du Hezbollah, est une réalisation historique. Il fallait donc empêcher le parti fondé par Michel Aoun de profiter de cette dynamique et accélérer son isolement sur la scène politique, pour neutraliser sa force et son influence. Pour les sources proches du CPL, la réunion du gouvernement aurait donc pu être gérée différemment, sans volonté de défier son parti malgré le poids qu’il représente, si les intentions étaient bonnes. Mais face à la volonté de l’exclure, le CPL n’a d’autre choix que de faire front... avec ou sans son allié, le Hezbollah.
Les « médiateurs » avaient cru avoir trouvé un compromis acceptable entre la décision du président du Conseil démissionnaire Nagib Mikati de convoquer une réunion du gouvernement et le refus catégorique du Courant patriotique libre et de son chef, Gebran Bassil, de cette décision, considérée comme une atteinte aux prérogatives du chef de l’État. L’idée (des...
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Bah!
Christine KHALIL
22 h 53, le 08 décembre 2022