La Corée plus céleste que l’Uruguay

Plus ça va, plus l’on se dit que ce Mondial 2022 prend des allures de calendrier de l’Avent. Chaque journée réserve son lot de surprises, d’imprévus, de retournements de situation dignes des scénaristes les plus déjantés de Hollywood.

Au lendemain de la qualification héroïque des Japonais, vainqueurs 2-1 de l’Espagne jeudi, les Sud-Coréens ont visiblement été inspirés par la performance de leurs voisins au moment de renverser le Portugal, déjà qualifié, dans les ultimes instants de la rencontre.

Après un corner portugais, la star coréenne Son Heung-min s’est ruée vers les cages portugaises avant de servir subtilement Hwang Hee-chan au milieu de trois défenseurs lusitaniens, n’ayant plus eu qu’à croiser sa frappe devant Diogo Costa pour donner l’avantage aux siens et faire chavirer les milliers de supporters coréens présents dans les tribunes du stade de l’Education City de Doha.

Dans la foulée de ce but de l’attaquant de Wolverhampton et du coup de sifflet final scellant leur succès, les « Guerriers Taeguk » se sont alors réunis dans le rond central pour regarder la fin de la rencontre entre l’Uruguay et le Ghana, avant de laisser exploser leur joie : la Corée du Sud passe aux dépens de la Celeste grâce à un plus grand nombre de buts inscrits lors de la phase de groupes (quatre contre deux).

À force de jouer avec retenue, le Portugal a logiquement été puni vendredi par la Corée du Sud (2-1), mais les hommes de Fernando Santos conservent toutefois leur première place dans le groupe H, puisque le Ghana s’est dans le même temps incliné contre l’Uruguay (2-0) dans le match des sélections éliminées.

La patience récompensée

Les Coréens ont été récompensés de leur match solide de bout en bout contre les Lusitaniens, un éloge à la patience, tant ils ont su garder un équilibre entre l’attaque et la défense lors d’une rencontre qu’ils étaient dans l’obligation de remporter.

Ils n’ont pas perdu pied après l’ouverture du score rapide de Ricardo Horta (1-0, 5e) suite à une longue ouverture de Pepe sur le côté droit pour Diogo Dalot et un centre idéal de ce dernier.

Ils ont d’abord cru égaliser par Kim Jin-su après un corner, mais son but a été refusé pour une légère position de hors-jeu (17e). Dix minutes plus tard, toujours sur corner, les Guerriers Taeguk ont cette fois bien marqué par Kim Young-gwon grâce à une passe décisive bien involontaire de Cristiano Ronaldo du... dos.

Titularisé en pointe, le capitaine a été conspué pendant toute la rencontre par les supporters coréens, peut-être encore amers de ne pas avoir pu voir la star fouler la pelouse lors d’un match amical de son club d’alors, la Juventus de Turin, en 2019.

Malgré les appels répétés des 65 000 spectateurs du stade de Séoul, Ronaldo était resté sur le banc contre un club du championnat sud-coréen, s’attirant leur ire. À Doha, la vedette a longtemps tenté, en vain, de marquer au milieu des remplaçants habituels de la Seleção, João Mario, Matheus Nunes, Vitinha et Ricardo Horta, tous titularisés par Fernando Santos.

C’est finalement son homologue sur le banc coréen, Paulo Bento, un autre Portugais, qui a joué un mauvais tour à son pays.

Victoire à la Pyrrhus pour l’Uruguay

Certain d’avoir fait le nécessaire pour empocher son ticket pour le tour suivant, grâce au doublé de Giorgian De Arrascaeta, l’Uruguay a déchanté en apprenant la nouvelle. Cette réalisation imprévue de Hwang Hee-chan le condamnait à inscrire un but supplémentaire.

Dans les dernières minutes, Luis Suarez, héros controversé du quart de finale du Mondial 2010 (où il avait arrêté sur sa ligne un tir ghanéen à l’aide de sa main à la 120e minute de jeu en prolongations... avant que le l’Uruguay ne l’emporte finalement à l’issue de la séance de tirs au but), s’est pris la tête entre les deux mains sur le banc avant d’éclater en sanglots après le coup de sifflet final.

Tout avait pourtant bien commencé pour la Celeste. Titularisé au milieu de terrain, Giorgian De Arrascaeta (Flamengo) avait utilisé sa tête (26e) et son pied (32e) pour briser les espoirs des Ghanéens.

L’histoire s’était décidément répétée ce vendredi avec un nouveau penalty maudit pour les Black Stars. Après celui raté en fin de prolongation en 2010 par Asamoah Gyan (à la suite de la main de Suarez), André Ayew a lui aussi manqué sa tentative, stoppée par Sergio Rochet.

À la 21e minute, le joueur de 32 ans, seul rescapé côté ghanéen de 2010, a eu l’occasion de donner l’avantage à son équipe après une faute du gardien Sergio Rochet sur Mohammad Kudus. Mais le capitaine ghanéen n’a pas assez appuyé sa frappe.

Équipe la plus mal placée au classement FIFA (61e) de tous les engagés dans ce Mondial, le Ghana avait pourtant réalisé un début de tournoi emballant en perdant de peu contre le Portugal (3-2) puis en battant la Corée du Sud (3-2) à l’issue d’une autre rencontre à rebondissements.

Suarez passeur puis en pleurs

Mais après le penalty raté en début de rencontre par l’ainé des frères Ayew, la Celeste a enfin ouvert son compteur. On attendait Luis Suarez ou Darwin Nunez, titularisés en attaque, mais c’est finalement Giorgian De Arrascaeta qui a fait la différence. À l’affût après une frappe de Suarez repoussée par le gardien ghanéen (1-0, 26e), il a ensuite été à la conclusion d’un magnifique mouvement collectif, reprenant en demi-volée une passe lobée du même Suarez (2-0, 32e).

Déjà un peu sonnés par leur penalty manqué, les Ghanéens ont été assommés par ce doublé en six minutes et n’ont jamais vraiment pu réagir.

Remplaçant de l’ancien Barcelonais à la 66e, Edinson Cavani a eu à plusieurs reprises la balle de la qualification, mais Ati-Zigi s’est maintes fois interposé, notamment grâce à une superbe claquette sur une tête de l’ancien avant-centre parisien (90+1).

À tous les deux 35 ans, Suarez et Cavani ont disputé leur quatrième et très probable dernière Coupe du monde, qui se sera terminée pour le second par un carton jaune reçu après le coup de sifflet final pour gestes d’humeur envers l’arbitre.

Les Ghanéens ont finalement joué un bien mauvais tour à leurs anciens bourreaux, qu’ils entraînent dans leur chute pour le plus grand bonheur des Sud-Coréens, de retour pour la première fois en phases finales depuis l’édition 2002 qu’ils avaient coorganisée avec le Japon.

G.B. avec AFP