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Le football, symptôme d’une mutation du monde?

Depuis le temps que nous recevons en anglais les communiqués de presse des grandes maisons françaises, il nous semble, vu de notre partie du monde, que le français se perd. Mais le récent sommet de la francophonie à Djerba confirmait une réalité différente. La langue se perd peut-être en Europe au profit de la lingua franca contemporaine qu’est l’anglais, mais elle s’épanouit ailleurs, surtout dans le continent africain où sa graine, semée sous l’ère coloniale, est devenue endémique et joliment florissante.

Le français ne faiblit pas, il se déplace.

Par ailleurs, la Coupe du monde du Qatar a suscité beaucoup de méfiances et de légendes urbaines. Sans entrer dans les détails d’accusations justifiées ou pas, il est clair que le Qatar a bataillé pour remporter le droit d’accueillir le prestigieux mondial, mais, selon la perception culturelle occidentale, l’émirat n’y avait pas « droit ». « Les Anglais ont inventé le foot, les Français l’ont organisé, les Italiens le mettent en scène », a dit le champion français Éric Cantona. Les Anglais n’ont peut-être pas inventé le foot, mais ils l’ont certainement structuré et codifié. Quand on parle de sport national, cela dit ce que ça veut dire : il faut un climat, un mode de vie, des joueurs qui pratiquent dès l’enfance, des clubs, un public passionné. Si le football s’est développé en Grande-Bretagne avant de s’exporter en Amérique latine avec les ouvriers britanniques envoyés sur les chantiers de l’empire, c’est qu’il y a trouvé des pelouses constamment arrosées par une météo propice à la pluie et des équipes qui se formaient tant dans les pensionnats élitistes du sud de l’Angleterre que dans les usines du Nord. Des communautés d’hommes, en somme, de toutes origines, couleurs de peau et classes sociales confondues qui reproduisaient autour du ballon l’esprit des joutes médiévales, se mesuraient les unes aux autres et développaient l’indispensable esprit d’équipe et de corps sans lequel aucune entreprise ne serait possible. Le Qatar, pays désertique, sans vraie tradition dans ce domaine, n’avait pas droit au Mondial de foot.

Cette Coupe du monde commencée sous le signe du scandale n’a pas fini de scandaliser, pour des raisons qui n’ont rien à voir avec la morale et les droits humains. Le Qatar scandalise parce qu’il est malgré lui le théâtre où se joue et se met en lumière un certain basculement du monde. Scandale de voir l’Arabie saoudite vaincre l’équipe argentine, l’une des plus invincibles de la discipline. Scandale, hier, de voir le Japon vaincre l’Allemagne ! Ces couronnes qui tombent sous les coups de boutoir de quasi-outsiders pour qui le foot ne peut pas être un sport national, l’un désertique et l’autre exigu, ont-elles failli par excès de confiance ? Ont-elles mal mesuré la préparation et la pugnacité de l’adversaire? Tout à coup, on a l’impression que le football sort – avec quelle jubilation ! – de ses prés carrés habituels, l’Angleterre, l’Argentine, le Brésil, l’Allemagne, la France, l’Espagne ou l’Italie.

Le foot n’a plus besoin d’être national. Il est global, viral, et sa force fédératrice émerge autant des terrains vagues de Gaza et du Caire que des stades climatisés des riches pays du Golfe.

Longtemps, la division entre pays « développés » et pays « émergents » (le nom politiquement correct donné aux États autrefois qualifiés de « sous-développés ») a quadrillé le globe. Aujourd’hui, les atouts se redistribuent. Les cartes se rebattent. Les cultures migrent et fusionnent. De nouvelles puissances se révèlent, et le football en est un signe. Nous assistons à une rapide montée en force de nations hier encore marginales, aujourd’hui vibrantes d’une jeunesse majoritaire, impatiente de dominer le vieux monde. Puisse-t-elle faire siennes ses valeurs de liberté, de justice, d’égalité et de solidarité.

Depuis le temps que nous recevons en anglais les communiqués de presse des grandes maisons françaises, il nous semble, vu de notre partie du monde, que le français se perd. Mais le récent sommet de la francophonie à Djerba confirmait une réalité différente. La langue se perd peut-être en Europe au profit de la lingua franca contemporaine qu’est l’anglais, mais elle...

commentaires (7)

Les cartes sont en train de se redistribuer dans le monde et il est temps que les nantis perdent leur arrogance!

Politiquement incorrect(e)

15 h 06, le 28 novembre 2022

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Commentaires (7)

  • Les cartes sont en train de se redistribuer dans le monde et il est temps que les nantis perdent leur arrogance!

    Politiquement incorrect(e)

    15 h 06, le 28 novembre 2022

  • Bien que peu intéressée par le foot, je me pose la question des éventuels dessous de table versés aux invincibles perdants! Simple doute, bien évidemment.

    Lilou BOISSÉ

    19 h 32, le 24 novembre 2022

  • Madame Abou Dib, vous êtes censée parler de football, or la première partie de votre article est comme un cheveu sur la soupe.... A mon sens, vous méritez un carton rouge !

    citoyen lambda

    17 h 55, le 24 novembre 2022

  • Il y a toujours un événement qui se produit pour chasser l’autre. Je trouve pathétique et incompréhensible l’indignation d’une partie du monde soit disant civilisé qui se déchaîne sur cet événement qui a vite remplacé un autre qui est le massacre et le génocide de tout un peuple et qui se passe sous les yeux du monde entier. Certes il y a de quoi s’indigner, mais cet événement sportif reste inoffensif malgré les 6500 morts des ouvriers qui ont décidé par eux mêmes de participer à cet exploit avec tous les risques que cela comportait pour subvenir aux besoins de leur famille alors que du côté des ukrainiens, des nourrissons, des femmes des hommes meurent à cause de la folie des grandeurs d’un homme qui s’est autoproclamé dictateur du monde, qui menace d’exterminer l’humanité entière avec son doigt le bouton rouge si, par malheur un pays démocratique oserait lui tenir tête, sans que cela n’ébranle l’humanité entière qui aurait dû utiliser sa haine et toute son énergie pour le dénoncer tel un seul homme et faire ne sorte que sa folie cesse. On a vite fait de zapper un événement qui détruit le monde contre un non événement qui aux yeux des aveugle mérite ce tapage hystérique qui a fini par étouffer le scandale humanitaire du siècle. Nous ne sommes que des moutons bêlant d’auto suffisance sur le chemin de l’abattoir.

    Sissi zayyat

    11 h 27, le 24 novembre 2022

  • 100% d’accord avec Mme Abou Dib. Oui et ce changement ne peut faire que du bien.

    LE FRANCOPHONE

    10 h 12, le 24 novembre 2022

  • Je ne suis pas exactement sur ou vous etiez durnat la derniere decennie mais laissez moi vous rafraichir la memoire sur les evenement qui ont transparut depuis l attribution de la coupe du monde au Qatar: TOUS les membres du conseil d administration qui ont vote pour on ete incuple pour corruption, le president de la FIFA aussi, plus de 6500 travailleurs etrangers sont morts dans les chantiers aux conditions inhumaines. Personne n a dit que le Qatar n avait pas le droit a la coupe du monde mais que Ceux qui corrompent les autres, et baffouent les droits humains Non. L argent ne donne pas tous les droits et il est vrai que le Qatar a "achete" la coupe du monde, et corrompu bien des gens et

    Rachoin, Jean-Sebastien

    03 h 07, le 24 novembre 2022

  • I don't know why a Lebanese should be concerned about the language of their former colonizers, or about a country (France), which has become a cultural, economic, and technological dwarf on the world scene, where most of their movies play English and American songs, where most of their technology, music and movies are imported from the United States, while seemingly begging their former colonized populations, through their endless francophone programming, to keep learning and speaking French. Is it a misguided echo of many fracophonie-obsessed intellectual eggheads who seem to be pathologically jealous of American and English culture, who seem to have deep-seated inferiority complexes and are nostalgic for the former grandeur of France, and seem so happily excited to see that a few Africans and Middle Eastern people are still learning French? It shouldn't be the concern of the former colonized populations to see that the culture and language of their former colonizers have become a sorry shadow of their old selves. Time for the francophone Lebanese to grow up and stop looking up to France as a success story.

    Jacques Saleh, PhD

    01 h 33, le 24 novembre 2022

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