
Nassib Ziadé, nouveau juge à la Cour d'appel des Nations unies. Photo DR
A l’heure où le secteur judiciaire s’effondre dans un contexte de grave crise protéiforme, un Libanais de la diaspora, Nassib Ziadé, contribue aux plus hauts niveaux de la justice internationale. Il est, depuis le 15 novembre, juge de la Cour d’appel des Nations unies (ONU). Basée à New York, cette juridiction statue en deuxième et dernier recours sur des jugements rendus par le Tribunal administratif des Nations unies dans des procès intentés à l’institution par ses employés, pour des questions liées à des contrats de travail (licenciements, absence de promotion, harcèlement, etc.).
Heureux d’accéder à une fonction aussi élevée grâce à ses efforts professionnels, Nassib Ziadé dédie sa réussite à son pays natal. « Le Liban reste vivant grâce à ses enfants dispersés dans le monde, qui ont l’obligation morale de faire partie de l’élite dans les pays d’adoption » déclare-t-il à L’Orient-Le Jour, estimant que « ce faisant, ils insufflent au Liban un esprit d’espérance ».
Premier ressortissant arabe (il a la double nationalité libanaise et chilienne) à accéder à un tel poste, l’expert en droit arbitral et administratif a été choisi après avoir franchi plusieurs étapes constituées d’examens écrits et entretiens oraux, qui ont mis en concurrence 380 postulants durant neuf mois. Au final, huit candidats ont été retenus, parmi lesquels les 192 membres de l’Assemblée générale de l'ONU en ont élu quatre afin de compléter la cour, composée légalement de sept membres. Le mandat des juges, qui commence le 1er juillet prochain, est de sept ans non renouvelables. Soutenu par la Mission libanaise permanente auprès des Nations unies (New York), et par le Royaume de Bahreïn où il préside, depuis 2013, la Chambre d’arbitrage pour le règlement des différends, Nassib Ziadé est arrivé en tête des quatre juges, avec un score de 108 voix.
Quatre diplômes en cinq ans
« Nous avons profondément cru dans la candidature de Nassib Ziadé, affirme l’ambassadrice Jeanne Mrad, chef de la Mission permanente du Liban à l'ONU, qui succède à Amal Moudallali, désormais à la retraite. « Il a une grande expérience et de larges compétences professionnelles, alliées à un abord facile et un sens de l'humour », relève Mme Mrad.
Nassib Ziadé posant avec Jeanne Mrad, chef de la Mission permanente du Liban auprès de l'ONU. Photo DR
« Au vu de ses grandes qualifications, je me suis mis en tête de tout faire pour que Nassib Ziadé gagne, quand j’ai pris en charge la délégation permanente en octobre dernier », confie Jeanne Mrad. « Ma collègue Rawa Zoghbi et moi lui avons préparé en amont un dense agenda de réunions avec les délégations de tous les Etats, au cours desquelles il a eu la latitude de se faire connaître », poursuit-elle. La diplomate relève qu’ « il a une passion et une dévotion incommensurables pour sa vie professionnelle ». « Si Nassib Ziadé vise un jour un siège à la Cour internationale de justice, il pourra compter sur la délégation libanaise », ajoute-t-elle.
Depuis sa prime jeunesse, Nassib Ziadé met les bouchées doubles. Après un bac littéraire, entrepris au grand dam de sa famille qui voulait le voir embrasser une carrière scientifique conformément à la tradition familiale, l’élève du collège Notre-Dame-de-Jamhour intègre deux universités, l’Université Saint-Joseph (USJ) et l’Université américaine de Beyrouth (AUB). En cinq ans (1979-1984), il obtient quatre diplômes, soit deux maîtrises en droit privé et public et une licence en sciences politiques de l'USJ, ainsi qu'une licence en gestion des entreprises de l'AUB. Rester dans un Liban en guerre et en crise n’était pas une option pour lui. « J’étais persuadé que je ne pourrais pas vivre mes rêves si je choisissais de ne pas partir », confie-t-il.
« Je vis dans les avions »
Direction Cambridge au Royaume-Uni, d’où il sort, en 1985, lauréat d’un master en droit international. Une telle distinction lui vaut d’être recommandé pour un travail à la Banque mondiale (BM), à Washington, par l'un de ses professeurs, qui coopérait à l’époque au sein de cette institution. C’est le début d’un parcours de 25 ans au sein de cet organisme, où il gravira les échelons jusqu’à accéder au poste de secrétaire général du Tribunal administratif de la BM, et de secrétaire général adjoint du Centre international pour le règlement des différends relatifs aux investissements (CIRDI), un organisme qui statue sur des litiges entre des États et des investisseurs étrangers.
En 2011, cap sur les Emirats arabes unis où Nassib Ziadé devient directeur du Centre d’arbitrage de Dubaï. Depuis janvier dernier, il cumule, avec ses fonctions de président-directeur de la Chambre d’arbitrage de Bahreïn, le poste de président du Tribunal administratif du Fonds monétaire international (FMI), dont il est juge depuis 2019. Il est également membre du Comité des sanctions du Fonds mondial (Global Fund), basé à Genève. Un CV qui donne le tournis !
L’expert a siégé en tant que président ou arbitre dans plus de trente arbitrages internationaux consacrés aux conflits en matière d’investissement, de commerce, de construction et de droit international public. Il a enseigné dans diverses universités à Santiago (Chili), Paris (France), et Dubaï, ainsi qu’à l’Académie de droit international de La Haye. Depuis 2010, il est professeur à l’Université de Miami, et se rend chaque année à Beyrouth pour des séminaires à l’USJ. Rédacteur en chef d’une revue de droit de l’arbitrage, il est l’auteur de nombreux articles et ouvrages juridiques. En tant qu’intervenant, il a participé à plus d’une centaine de colloques de droit dans divers pays. « J’utilise mon temps de manière intensive et je vis dans les avions », répond Nassib Ziadé, lorsqu’on lui demande comment il arrive concrètement à remplir tant de missions aux quatre coins du monde.
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No.1 Produit à l'Export: le Citoyen Libanais No.2 Produit à l'Export: Drogues illégales No.3 Produit à l'Export: Bulls..t
Wlek Sanferlou
13 h 31, le 23 novembre 2022