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Moyen-Orient - ÉCLAIRAGE

L’attentat de Taksim ouvre la voie à une frappe turque contre les Kurdes

L’offensive menée par la Turquie intervient après une série de menaces contre les combattants kurdes, considérés comme « terroristes » par Ankara. L’explosion la semaine dernière à Istanbul, imputée au PKK et ses alliés, aurait servi de prétexte pour ce regain de violence.

L’attentat de Taksim ouvre la voie à une frappe turque contre les Kurdes

Le président turc Recep Tayyip Erdogan avec son ministre de la Défense Hulusi Akar, une carte devant eux, à bord de l’avion présidentiel le 20 novembre 2022. Photo AFP

C’est l’ultime mise à exécution d’une menace turque qui plane depuis mai dernier. Une semaine après l’attentat de la rue d’Istiklal, à Istanbul, qui a fait 6 morts et 81 blessés, la Turquie a lancé dans la nuit de samedi à dimanche un raid aérien contre des régions kurdes de Syrie et du nord de l’Irak, dans une opération baptisée « Griffe-épée ». « L’heure des comptes a sonné ! Les traîtres devront rendre des comptes pour leurs attaques perfides », a écrit dimanche le ministre turc de la Défense sur son compte Twitter pour annoncer l’offensive, montrant la photo d’un avion militaire qui décolle, sans donner plus de précisions sur le lieu. Cette attaque a été menée « conformément aux droits de légitime défense découlant de l’article 51 de la Charte des Nations unies, afin d’éliminer les attaques terroristes dans le nord de l’Irak et de la Syrie, d’assurer la sécurité des frontières et d’éliminer le terrorisme à sa source », a précisé un communiqué du ministère. Une opération militaire ordonnée par le président Recep Tayyip Erdogan, juste avant qu’il ne s’envole pour Doha, où s’est déroulée hier la cérémonie d’ouverture de la Coupe du monde qatarie.

Diviser les zones kurdes

Plusieurs régions, sous contrôle des Forces kurdes syriennes (FDS) et du Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK), considérées comme des entités terroristes par Ankara, ont été bombardées par plus d’une trentaine de frappes aériennes, notamment dans les provinces syriennes de Raqqa et Hassaké (Nord-Est) et d’Alep (Nord), ainsi que dans la ville de Kobané et ses environs, près de la frontière turque, où les frappes ont visé notamment des silos à grains et une centrale électrique au sud de cette province. Côté irakien, les Turcs ont visé « au moins huit zones », a déclaré un responsable régional du Kurdistan irakien à l’AFP, notamment les régions montagneuses situées entre Erbil et la frontière iranienne. « L’opération aérienne “Griffe-épée” a été effectuée avec réussite, dans les régions (...) que les terroristes utilisent comme bases lors d’attaques visant notre pays », peut-on lire dans le communiqué du ministère turc de la Défense, se targuant d’avoir neutralisé « 89 repaires, dont des grottes, des abris, des camps d’entraînement et de nombreux terroristes ». Le bilan humain s’élève à plus de 31 morts dans les rangs des forces kurdes et syriennes selon l’Observatoire syrien des droits de l’homme (OSDH), une ONG basée à Londres.

Pour mémoire

Ce que l’on sait de l’explosion à Istanbul

Selon Soner Cagaptay, spécialiste de la Turquie au Washington Institute, la stratégie d’Ankara est « l’équivalent politique du fromage suisse » : « Elle consiste à mener des opérations transfrontalières en Syrie pour briser les zones contrôlées par les YPG (Unités de protection du peuple) de sorte qu’elles deviennent une entité non contiguë divisée en morceaux. La seconde couche de la stratégie consiste à s’en prendre au PKK dans ses branches en utilisant la force aérienne », explique le chercheur.

Silence de l’OTAN

Depuis mai, les soldats turcs sont présents dans les zones kurdes semi-autonomes en Syrie, contrôlées par les combattants des YPG, la milice affiliée au PKK, ainsi que par leurs alliés du régime syrien. Harcelés par les drones turcs, ils vivent sous la menace d’une offensive, Ankara ayant déclaré en mai vouloir créer une « zone de sécurité » de 30 kilomètres à sa frontière sud. En septembre dernier, le président turc avait réaffirmé que son armée était « prête à tout moment » pour une offensive, la dernière en date remontant à la mi-septembre, où les frappes turques avaient fait trois morts dans le nord de la Syrie. Une menace revitalisée par l’explosion à Istanbul le 13 novembre dernier, attribuée par les autorités aux combattants du PKK et à leurs alliés en Syrie, qui ont nié toute implication, alors que plusieurs des auteurs arrêtés ont avoué avoir un lien avec les forces kurdes.

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Un couvre-feu avait été instauré dans la région en 2019 après une intervention des Turcs contre les combattants kurdes, avec l’accord de Washington, qui pourtant avait mené une coalition avec les forces du PKK pour lutter contre l’État islamique en Syrie. La Russie et l’Iran avaient depuis pris le relais pour éviter une escalade, Moscou et Téhéran se posant en médiateurs entre la Turquie et le régime syrien. Lors d’un sommet tenu entre les trois puissances en juillet à Téhéran, la Russie et l’Iran avaient renouvelé leur refus de donner leur feu vert à une intervention turque, avançant le risque de « déstabilisation » de la région. « Il semble y avoir finalement eu un feu vert russe, ce qui est assez significatif. Cela suggère qu’après tout, Vladimir Poutine se rend compte que sa relation avec la Turquie et Erdogan est très précieuse pour lui », affirme Soner Cagaptay. Depuis l’invasion russe en Ukraine, Ankara tient en effet un rôle de médiateur entre les deux belligérants. Pour le chercheur, un autre facteur pourrait expliquer la reprise des violences dans les zones kurdes en Syrie et en Irak : le blocage d’Ankara dans le projet d’adhésion à l’OTAN de la Suède, suspectée par la Turquie de protéger des combattants du PKK et de ses groupes alliés. « Il n’y a eu aucune réaction des membres de l’OTAN, ce qui est assez significatif. Je pense que les alliés de l’OTAN ne vont pas critiquer la Turquie cette fois-ci, parce qu’ils ont réalisé que cela pourrait déclencher une réaction en chaîne menant à ce qu’Ankara continue de bloquer le processus d’adhésion de la Suède », analyse Sonar Cagaptay. Un silence qui pourrait donc conduire les autorités turques à poursuivre leurs exactions.

Première poignée de main entre Erdogan et Sissi au Qatar

Les présidents turc Recep Tayyip Erdogan et égyptien Abdel Fattah el-Sissi ont échangé dimanche leur première poignée de main en marge de l’ouverture de la Coupe du monde de football, au Qatar. Un responsable de la présidence turque a confirmé ce « premier contact bilatéral » entre les deux dirigeants, lors de la cérémonie d’ouverture du championnat. Le Caire et Ankara sont en froid depuis l’arrivée au pouvoir de M. Sissi en 2013, après le renversement du président Mohammad Morsi. M. Erdogan avait ensuite affirmé que M. Morsi, qui s’était effondré soudainement en plein procès au Caire en juin 2019, « avait été tué ». « Jamais je ne m’entretiendrai avec quelqu’un comme lui », avait-il également asséné quelques mois auparavant, après l’exécution de neuf condamnés à mort en Égypte. Cependant, lors d’un échange avec la presse turque la semaine dernière, de retour du sommet du G20 en Indonésie, M. Erdogan avait laissé entendre qu’il était prêt à revoir ses relations avec la Syrie et avec l’Égypte.

C’est l’ultime mise à exécution d’une menace turque qui plane depuis mai dernier. Une semaine après l’attentat de la rue d’Istiklal, à Istanbul, qui a fait 6 morts et 81 blessés, la Turquie a lancé dans la nuit de samedi à dimanche un raid aérien contre des régions kurdes de Syrie et du nord de l’Irak, dans une opération baptisée « Griffe-épée »....

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