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Idées - Grand entretien

Farouk Mardam-Bey : L’important est d’en finir un jour avec l’impunité

Parler de la Syrie à l’heure de l’Ukraine. Quand le monde lui a tourné le dos, quand la lumière s’est éteinte, quand l’homme de Damas est redevenu fréquentable. L’ouvrage collectif : « Syrie, le pays brûlé – le livre noir des Assad (1970-2021) » (Seuil, 2022) retrace « la mise à mort d’un peuple et de son élan de liberté ». L’inventaire d’un demi-siècle de dictature qui, au détour de centaines de pages de témoignages et d’analyses, dresse en filigrane le portrait d’une époque qui a laissé faire. Farouk Mardam-Bey, ancien conseiller culturel à l’Institut du monde arabe, directeur de collection chez Actes Sud et coauteur de l’ouvrage, revient pour « L’OLJ » sur les conséquences politiques, sociales et mondiales de cette tragédie.

Farouk Mardam-Bey : L’important est d’en finir un jour avec l’impunité

Crédit : D.R

Le conflit syrien semble être tombé dans l’oubli. La guerre en Ukraine accapare l’attention des médias et de l’opinion, certaines capitales arabes normalisent avec Damas, et même la diaspora syrienne semble avoir baissé les bras... Continuer d’écrire, témoigner, est-ce une manière de résister – la seule possible lorsque l’action politique a été mise en échec ? Pourquoi ce Livre noir, maintenant ?

Après la chute d’Alep, en décembre 2016, lorsque les forces russes et iraniennes ont ouvert la voie à une reconquête de la ville par le régime, un groupe a été fondé sous le nom « Syrie-Europe après Alep ». Il était composé d’universitaires, de juristes, de journalistes qui se proposaient d’alerter l’opinion publique sur la situation tragique en Syrie. Ils ont pensé un moment à un « tribunal des peuples » à la manière du tribunal Russell (fondé en 1966 pour juger les activités américaines dans le cadre de la guerre au Vietnam, NDLR), mais ils ont finalement préféré réunir des matériaux pour un livre noir documentant les crimes du régime depuis le coup d’État de Hafez el-Assad en 1970. Le projet, lancé au printemps 2017, avait pour principaux animateurs Catherine Coquio, professeure de littérature, Joël Hubrecht, juriste, et Naïla Mansour, journaliste syrienne. Je les ai rejoints en 2018.

En composant ce livre, nous étions scandalisés par le négationnisme ambiant, allant de l’extrême droite à l’extrême gauche, et notre principal souci était de dénoncer l’impunité du régime, avec l’assurance qu’il ne faut jamais se lasser de réclamer justice, ne jamais désespérer de l’obtenir. Toute démarche dans ce sens est utile. En cours de route, des procédures judiciaires ont été ouvertes en Europe contre des crimes du régime au titre de la compétence universelle – plusieurs développements leur sont consacrés dont un chapitre sur le procès de Coblence (procès de la branche 251 ayant mené à la condamnation, le 24 février 2021, d’Eyad al-Gharib pour complicité de crimes contre l’humanité, NDLR). Dans les cercles militants syriens, certains avaient mis en cause ce genre de démarches, considérant qu’il s’agissait d’une affaire secondaire qui ne concerne pas des personnages de haut rang mais un sous-fifre. L’important, il me semble, est de ranimer l’espoir d’en finir un jour avec l’impunité. Il y aura bientôt, je l’espère, d’autres procès dans plusieurs pays européens.

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Pourquoi le plus important pour vous était-t-il de donner la parole aux victimes, aux « survivants des bombes » et aux « rescapés de l’horreur » ?

L’idée était d’alterner entre des articles de fond, écrits par des spécialistes, et des témoignages. Ces derniers sont essentiels : il fallait donner le plus de poids à l’expérience vécue par les Syriens, hommes et femmes. Non seulement leur expérience en tant que victimes de la répression, mais aussi les formes de leur engagement dans le soulèvement, leur courageuse implication dans des comités locaux de coordination, leur pratique de la démocratie directe. Nous n’imaginions pas au début que l’entreprise prendrait cette dimension – près de 900 pages. À mesure que nous avancions, de nouveaux témoignages affleuraient, complétant ceux déjà présents. On en a ajouté certains et on en a forcément écarté d’autres, par manque de place.

L’entreprise est en réalité sans fin : il y a toujours des éléments qui méritent d’être développés. De toute façon, ceux qui ont décidé de ne pas voir ne verront pas, quelle que soit la force des témoignages qu’ils ont sous les yeux. J’entends autour de moi des personnes qui s’étonnent : comment ces gens-là peuvent-ils encore nier ces crimes monstrueux ? Ils peuvent, ils le font et ils le feront !

D’un côté, vous notez qu’« aucun événement historique n’a produit une telle somme de documents en si peu de temps et avec une telle intensité ». De l’autre, à la lecture de certains chapitres du livre, on a parfois l’impression que ce savoir conséquent peine de plus en plus à « sortir de l’oubli ». Comment expliquer ce grand écart ?

C’est vrai que la révolution et la contre-révolution en Syrie sont très abondamment documentées. Il y a par exemple des dizaines, peut-être des centaines de milliers de vidéos qui ont été filmées avec des téléphones portables. Des manifestants ont capté des images des forces armées du régime, régulières et irrégulières, en train de commettre leurs exactions. D’autres, les massacres de la population civile par l’aviation syrienne ou russe. D’autres encore ont pris des instantanés de la ferveur populaire pendant les premières années du soulèvement… Des tortionnaires ont eux-mêmes diffusé des clips – dans le but d’instiller la terreur ou de se glorifier. On y voit des scènes de torture ou bien des enfants en train de se faire violer. Cela sans parler du terrible dossier « César » sur les milliers de morts sous la torture. Cette masse impressionnante d’informations en provenance de Syrie a permis de maintenir un certain intérêt dans l’opinion publique mondiale.

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Cet intérêt a faibli avec l’irruption de l’État islamique (EI) en 2013, sauf en ce qui concerne ses crimes délibérément spectaculaires. Même ceux qui reconnaissaient l’écrasante responsabilité du régime dans la destruction du pays et le massacre des innocents ont commencé à prétendre qu’il n’y avait sur le terrain que deux camps : ce régime et Daech, et finalement qu’un assassin en cravate vaut mieux qu’un assassin barbu. Toutes les autres forces en présence, notamment ces millions de personnes qui se sont soulevées pour la liberté et la dignité, ont été oubliées. L’autre événement marquant a été le bombardement à l’arme chimique contre la Ghouta, le 21 août 2013. En ne réagissant pas à cette attaque au gaz sarin, malgré les fameuses « lignes rouges » d’Obama, les Occidentaux ont laissé la Russie manœuvrer à sa guise pour sauver Assad. Avec, il faut le dire, un lâche soulagement dans l’opinion publique occidentale, opposée à l’engagement dans des guerres lointaines, surtout depuis l’invasion américaine de l’Irak en 2003 et ses mensonges. Bachar el-Assad a ainsi, en feignant livrer son armement chimique, obtenu un permis international de tuer par toutes les armes dont il disposait, dont les barils d’explosifs, particulièrement meurtriers. Et il n’a pas renoncé pour autant à l’usage de l’armement chimique, comme cela a été prouvé sans susciter grand émoi. Le pire est qu’Assad et ses protecteurs russes et iraniens ont réussi à faire largement croire qu’ils combattaient l’EI alors qu’ils s’acharnaient principalement contre les zones qui avaient échappé à leur contrôle – et qui n’étaient pas sous son contrôle non plus.

Dès l’avant-propos, le comité éditorial suggère que la défaite de l’insurrection syrienne ne saurait être que « temporaire ». La flamme révolutionnaire peut-elle reprendre ?

On oublie parfois l’ampleur de ce qui s’est passé dans le monde arabe en deux vagues successives, la première en 2011, et la seconde en 2019. Le soulèvement de 2011 ne s’est pas limité à certains pays (après la Tunisie, l’Égypte, la Libye, le Yémen, le Bahreïn et la Syrie). Au Maroc, en Jordanie et même dans le sultanat d’Oman, des manifestations massives ont eu lieu pour réclamer des réformes démocratiques, économiques et sociales. Et en 2019, c’était le tour de l’Algérie, du Soudan, de l’Irak et du Liban. Cette deuxième vague a confirmé que la tendance générale était au rejet radical des pouvoirs établis.

Y aura-t-il une troisième ? On peut raisonnablement le penser, d’abord parce que les facteurs ayant mené aux deux premières sont toujours là. Partout des pouvoirs prédateurs, des classes populaires écrasées, une jeunesse sacrifiée, et un ras-le-bol général que ces pouvoirs traitent avec mépris. Les populations se sentent humiliées à chaque instant de leur vie quotidienne. Or n’oublions pas qu’au cours des deux précédents soulèvements, le mot « liberté » s’accompagnait toujours du mot « dignité ». Celle-ci est de nos jours encore plus bafouée qu’auparavant, non seulement parce que les régimes en place persistent dans le déni des droits politiques les plus élémentaires, ou les contournent par des simulacres pseudo-démocratiques, mais aussi parce que les conditions économiques et sociales de la grande majorité ne cessent de se détériorer, sans nul espoir de s’en sortir.

La deuxième raison pour laquelle on peut croire à la possibilité d’une troisième vague est que l’époque des « pères de la nation », des chefs indéboulonnables, dotés d’une aura quasi sacrale, est révolue. Les choses ont changé depuis le jour où les manifestants ont osé crier : « Le peuple veut… ».

Quels seraient les freins potentiels à une possible troisième vague ? Quel pourrait être l’élément déclencheur ?

Il est par définition imprévisible : qui pouvait prévoir le geste de Mohammad Bouazizi, à Sidi Bouzid, le 17 décembre 2010 ?

En revanche, les obstacles ne manquent pas : la peur de sombrer dans une guerre civile, l’exemple de la Syrie et de la Libye servant de repoussoir ; les méfiances confessionnelles ou ethniques que les cliques au pouvoir n’hésitent pas à aviver ; et surtout le fait que les régimes ont généralement réussi à enfermer leurs peuples dans une alternative mortifère : « C’est nous ou les islamistes. » Le rejet de ces derniers, qu’ils soient radicaux ou prétendument « modérés » est très vif, et pas seulement dans les couches sécularisées.

arouk Mardam-Bey, ancien conseiller culturel à l’Institut du monde arabe, directeur de collection chez Actes Sud et coauteur de « Syrie, le pays brûlé – le livre noir des Assad (1970-2021) ». Photo DR

Dans le grand chamboulement du printemps arabe, au-delà des échecs politiques, le pouvoir a été désacralisé, le sujet a fait son entrée au cœur du discours politique, des tabous sont tombés… Dans quelle mesure ce constat s’applique-t-il aux Syriens ?

Personne n’est en mesure de savoir où en est la société syrienne dans son ensemble, le pays étant morcelé, occupé par cinq puissances étrangères, avec près du tiers de sa population expatriée. En plus, il est partout, sauf dans la diaspora, extrêmement difficile, voire impossible d’enquêter – contrairement à l’Égypte où, malgré tout, des recherches ont pu être menées sur les changements provoqués par la révolution. Il est probable cependant que dans le « pays brûlé » qu’est la Syrie, toute enquête aboutirait à des conclusions contrastées, les régressions inévitables pendant les guerres civiles n’excluant pas des prises de conscience des raisons sociales et historiques de ces régressions. Y a-t-il eu des changements dans les relations entre les générations, ou entre les hommes et les femmes, dans la société et au sein des couples ? Sont-ils dus à la révolution ou prolongent-ils une tendance relativement ancienne ? Une anthropologue française, Charlotte al-Khalili, qui a mené une enquête à Gaziantep, en Turquie, auprès de familles de réfugiés a constaté que les mariages endogamiques, entre cousins, ou de proximité, entre voisins, ont reculé et que l’affinité politique primait.

Quelle leçon tirer de ces micro-changements pour la société syrienne de manière plus générale ?

Je ne peux rien affirmer. Mais au-delà de ces évolutions, l’expérience de la guerre, de l’exil, a provoqué un éveil au monde qui se traduit à la fois par une production littéraire et artistique foisonnante et un activisme débordant, à vrai dire beaucoup moins politique que social. Sur les questions de genre, les organisations féministes syriennes, basées à l’extérieur, ont des partisanes à l’intérieur. De jeunes Syriens se mobilisent sur les thématiques environnementales : ils se sentent concernés, ont conscience de leur appartenance à une humanité plus large. Mais le regard qu’ils portent sur le monde est forcément noir. La littérature et les arts plastiques reflètent une vision tragique de l’existence, avec une veine dystopique, d’ailleurs répandue dans le monde arabe où l’amertume a succédé à l’euphorie des soulèvements populaires.

La désaffection des jeunes pour l’action politique organisée n’est pas spécifique à la Syrie, mais la défaite de la révolution l’a accentuée, et les instances prétendument représentatives des « forces de la révolution et de l’opposition » avaient déjà perdu à leurs yeux toute crédibilité. J’ajoute qu’au fil des décennies, les Assad, père et fils, avaient aboli la politique, le premier pour instituer son « État de barbarie », selon la définition de Michel Seurat, et le second pour le reproduire sous une autre forme, mais finalement avec les mêmes moyens, ceux de la terreur. Celle-ci a dépassé en atrocité, au cours de la dernière décennie, les plus féroces despotes de la planète.

L’ouvrage évoque, au sujet du régime Assad, « une criminalité politique de grand format, (…) qui, en certains de ses aspects, pose la question du génocide ». Pourriez- vous expliquer le choix de ce dernier terme ?

Comment qualifier le régime en place à Damas ? Certains se contentent de dire qu’il est autoritaire. Mais ce terme s’applique également à celui de Abdel Fattah al-Sissi et à bien d’autres dans le monde arabe. Il y a en lui quelque chose de plus, et ce plus réside dans sa disposition déclarée à anéantir une partie de la population afin de garder le pouvoir éternellement, pour lui et son clan. Je sais bien que le mot « génocide » signifie juridiquement la destruction totale ou partielle d’un groupe national, ethnique, racial ou religieux – et qu’il ne s’applique donc pas de manière rigoureuse au cas syrien. Mais il y a bien eu une volonté de destruction totale des Syriens qui ont osé se révolter, et dont la grande majorité appartient à la catégorie sociale la plus démunie, la plus humiliée, la plus marginalisée par les politiques économiques néolibérales. L’ayant d’ailleurs effectivement détruite, Bachar el-Assad n’a pas hésité à se vanter d’avoir désormais sous sa botte une Syrie plus « homogène ». Ses partisans sont plus directs que lui dans l’expression de cette volonté génocidaire, lui ajoutant une touche confessionnelle.

La gauche a-t-elle une responsabilité dans le blanchiment des crimes du régime ?

Une certaine gauche, malheureusement majoritaire, s’est définitivement déshonorée au cours des dernières années. Par « campisme » primaire, elle s’est rangée du côté du régime, prenant pour argent comptant ses professions de foi anti-impérialistes. Les États-Unis étant considérés comme le mal absolu, elle s’aligne aveuglément sur la Russie et la Chine, peu importe ce qu’elles sont et font. C’est une gauche du ressentiment, qui a hérité ses réactions pavloviennes de la guerre froide, comme si l’internationalisme dont elle se réclame ne consiste pas à se ranger du côté des opprimés, quel que soit l’oppresseur.

La question syrienne a bien montré qu’il existait deux gauches irréconciliables, comme le souligne un article du Livre noir. Ce que confirme l’agression russe de l’Ukraine, avec le parti pris de l’une pour l’agresseur, et la solidarité de l’autre avec l’agressé. Cela étant dit, n’oublions pas que l’extrême droite a toujours fait partie des partisans les plus fidèles du régime syrien, et que la droite dite libérale n’a pas fait généralement preuve de libéralisme sur la Syrie, et se montre à présent plutôt favorable à la réhabilitation d’Assad au nom de la realpolitik.

La guerre en Ukraine a-t-elle permis de poser un nouveau regard sur la Syrie ?

Pour la première fois depuis des années, à la faveur de la guerre en Ukraine, le mot « Syrie » a été prononcé à la télévision française. Il était temps ! Et certains journalistes se sont soudain souvenus de la sanglante intervention russe en Syrie et ils ont jugé qu’elle était comme une répétition générale de ce qui allait se passer. Est-ce à dire pour autant que ces mêmes journalistes seront désormais plus curieux de savoir comment vont les choses en Syrie ? Certainement pas. Nous sommes à une époque où chaque nouvelle crise internationale réduit l’importance de celle qui l’a précédée, quand elle ne la fait pas totalement oublier.

Le processus de « syrianisation » du monde que nous redoutions s’est de toute façon accéléré. En abandonnant les Syriens à leur sort, il était devenu lui-même semblable à la Syrie, un vaste territoire de non-droit où tout est permis. Et ce sont maintenant les Ukrainiens qui en sont les victimes, les agresseurs russes se permettant de liquider massivement les prisonniers, de violer femmes et enfants, de bombarder les populations civiles, de les utiliser comme des cobayes pour expérimenter les armes de nouvelle génération… Comme cela se passait en Syrie, et comme cela risque de se reproduire si les Russes ne perdent pas leur guerre.

Le conflit syrien semble être tombé dans l’oubli. La guerre en Ukraine accapare l’attention des médias et de l’opinion, certaines capitales arabes normalisent avec Damas, et même la diaspora syrienne semble avoir baissé les bras... Continuer d’écrire, témoigner, est-ce une manière de résister – la seule possible lorsque l’action politique a été mise en échec ? Pourquoi ce...
commentaires (2)

Nous ne pouvons pas nier que tant qu’on a : Observatoire syrien des droits de l'homme (OSDH ) basé à LONDRES, une OeDH( Egypte ) , OtDH ( Tunisie ) ,OaDH (Algerie ) , ET, ET , POURQUOI PAS OkDH (Kenya ) ,ObDH ( Bresil ) ET MÊME OfDH ( France ) nous avons les mêmes risques de RAVAGES : TOUJOURS NE PAS OUBLIER : BASÉE A L O N D R E S …..

aliosha

11 h 08, le 21 novembre 2022

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Commentaires (2)

  • Nous ne pouvons pas nier que tant qu’on a : Observatoire syrien des droits de l'homme (OSDH ) basé à LONDRES, une OeDH( Egypte ) , OtDH ( Tunisie ) ,OaDH (Algerie ) , ET, ET , POURQUOI PAS OkDH (Kenya ) ,ObDH ( Bresil ) ET MÊME OfDH ( France ) nous avons les mêmes risques de RAVAGES : TOUJOURS NE PAS OUBLIER : BASÉE A L O N D R E S …..

    aliosha

    11 h 08, le 21 novembre 2022

  • Intéressant

    Eleni Caridopoulou

    18 h 49, le 19 novembre 2022

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