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Moyen-Orient - Égypte

Le compte à rebours a commencé pour Alaa Abdel Fattah

Tandis que les yeux sont rivés sur le pays hôte de la COP27, l’icône de la révolution égyptienne de 2011 a durci sa grève de la faim en renonçant à boire de l’eau.

Le compte à rebours a commencé pour Alaa Abdel Fattah

L’activiste, blogueur et figure de proue de la révolution égyptienne de 2011, Alaa Abdel Fattah, a durci dimanche sa grève de la faim en renonçant à boire de l’eau à l’heure où le pays accueille la COP27. Photo d’archives prise le 23 mai 2015. Khaled Desouki/AFP

Deux réalités parallèles, d’une extrémité à l’autre du pays. À la pointe sud du Sinaï, la station balnéaire de Charm el-Cheikh, bordant la mer Rouge, a sorti le grand jeu. Depuis dimanche, tous les yeux sont rivés sur cette ville, qui déroule le tapis rouge à plus de cent chefs d’État et de gouvernement à l’occasion de la 27e Conférence des Nations unies sur le climat. Une vitrine accueillante qui masquerait presque les violations des droits humains par le régime Sissi. Car au même moment, dans le centre pénitentiaire de Wadi Natroun, au nord du Caire, Alaa Abdel Fattah n’a jamais été aussi proche de la mort. Le célèbre prisonnier égyptien, en grève de la faim depuis 221 jours, a désormais renoncé à boire de l’eau. « Ce qui va suivre est inconnu. Je lutte pour ma liberté… et pour les victimes d’un régime incapable de gérer ses crises autrement que par l’oppression », a-t-il écrit à sa mère la semaine dernière. Dès novembre déjà, il avait arrêté de consommer le seul verre de thé ou de lait et la cuillère de miel quotidienne. Déjà enclenché, le compte à rebours s’accélère. Le militant peut mourir à tout instant de déshydratation. À l’heure de mettre sous presse, sa mère, postée depuis hier matin devant sa prison en attente d’une lettre de son fils, restait sans nouvelle. « La nuit est tombée, la prison est verrouillée, les services (pénitentiaires) n’ont rien laissé, s’est alarmée hier soir la sœur de Alaa, Mona Seif, sur son compte Twitter. Nous attendons encore une lettre, c’est tellement inquiétant en plus de tout le reste. »

Symbole de résistance et de liberté

Le 12 juin dernier, à l’issue d’une visite auprès de son frère, elle confiait à L’Orient-Le Jour qu’elle l’avait trouvé très amaigri et affaibli physiquement. « Il est possible de survivre sans eau pendant 7, 10, 14 jours au maximum. Mais étant donné que Alaa est en grève de la faim depuis un certain temps, nous nous inquiétons du choc que subit son corps et de sa capacité à survivre, souligne Hussein Baoumi, chercheur à Amnesty International. Ce n’est pas une question de jours mais d’heures pour le sauver. »

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La figure tragique de Alaa Abdel Fattah est, certes, loin d’être isolée. Comme lui, près de 60 000 prisonniers d’opinion croupissent arbitrairement dans les geôles égyptiennes. Au fil des ans, ce blogueur et figure de proue de la révolution de 2011 s’est néanmoins érigé en symbole de résistance et de liberté à travers le monde. Tandis que son ombre plane aujourd’hui sur le sommet de Charm el-Cheikh, ses proches espèrent que l’attention mondiale portée vers l’Égypte contraindra le pays à reconsidérer son cas.

Le militant de 40 ans avait obtenu en avril dernier la nationalité britannique, dont bénéficiait déjà sa mère, Leila Seif. Si ses proches espéraient que sa double nationalité ouvre la voie à une visite consulaire du Royaume-Uni, rien de tel ne s’est produit jusqu’à présent. Le nouveau Premier ministre britannique, Rishi Sunak, qui s’est rendu en Égypte pour assister à la COP27, a déclaré samedi à Sanaa Seif, benjamine de la famille, que l’affaire restait primordiale aux yeux de son gouvernement. « Je continuerai à souligner au président Sissi l’importance que nous attachons à la résolution rapide du cas de Alaa et à la fin de son traitement inacceptable. »

L’une des pires prisons d’Égypte

Si l’Égypte avait par le passé relâché des binationaux, il ne s’agissait que de prisonniers politiques en détention préventive. En décembre 2021, Alaa Abdel Fattah a été condamné par un tribunal d’exception à cinq ans de prison ferme au motif « d’avoir diffusé de fausses informations susceptibles de nuire à la sécurité nationale ». Depuis 2013, l’opposant égyptien n’a presque jamais été en liberté. Issu d’une famille d’activistes, le dissident grandit loin de son fils de 11 ans. Icône du soulèvement égyptien de 2011 qui avait entraîné le départ de Hosni Moubarak, il est arrêté deux ans plus tard après la prise de pouvoir du président Abdel Fattah al-Sissi par un coup d’État. Condamné en 2014 puis libéré sous caution en mars 2019, son répit sera de très courte durée. Six mois plus tard, le partage sur ses réseaux sociaux d’une publication dénonçant la détérioration des conditions d’incarcération dans les prisons égyptiennes lui vaut d’être à nouveau arrêté. Les autorités le conduisent vers l’aile 2 de « sécurité maximale » de la prison de Tora, connue pour être l’une des pires du pays. En juin, Mona Seif confiait à notre journal les violations quotidiennes infligées à son frère entre les quatre murs de cette prison. Humiliation, coups, menaces et agressions rythment son quotidien.

Toujours privé de ses droits fondamentaux conformément à la loi égyptienne, Alaa Abdel Fattah a néanmoins vu ses conditions de détention allégées depuis le 18 mai. Une date à laquelle il est transféré vers le centre de détention dit « modèle » de Wadi Natroun, où il a désormais le droit à une visite familiale par mois ainsi qu’à dormir sur un matelas et à lire des livres. Depuis des années, ses proches se mobilisent en organisant diverses manifestations pour plaider sa cause. Dimanche, un sit-in organisé par sa famille s’est tenu devant la résidence du Premier ministre britannique, tandis que Sanaa Seif s’envolait pour la COP27. Ses sœurs, ainsi que sa mère, ont également observé des grèves de la faim en signe de protestation. « Le fait que Alaa soit devenu un personnage aussi médiatisé et symbolique tient certainement à sa bravoure, mais aussi aux efforts acharnés et au courage de sa famille, qui s’est mise en danger pour tenter de lui sauver la vie », observe Hussein Baoumi.

À l’heure où les dirigeants du monde entier foulent le sol de l’Égypte, plusieurs défenseurs des droits humains estiment que la mort de Alaa entacherait largement le reste du mandat Sissi. « D’une certaine manière, Alaa a gagné cette bataille, renchérit Hussein Baoumi. À travers sa grève de la faim, il choisit lui-même les termes de son combat, refusant de s’incliner devant le régime de sécurité avec tous ses soldats, ses chars, ses tortionnaires, sa police de sécurité et sa surveillance. »

Deux réalités parallèles, d’une extrémité à l’autre du pays. À la pointe sud du Sinaï, la station balnéaire de Charm el-Cheikh, bordant la mer Rouge, a sorti le grand jeu. Depuis dimanche, tous les yeux sont rivés sur cette ville, qui déroule le tapis rouge à plus de cent chefs d’État et de gouvernement à l’occasion de la 27e Conférence des Nations unies sur le climat. Une...

commentaires (2)

Ce monsieur avec bcp de courage n’est ni gauchisant ni intégriste sunnite c’est un intellectuel qui comme cette nouvelle génération aspire à un meilleur monde .il est devenu un symbole en Égypte et je ne vois pas pourquoi l’orient le jour ne parlerait pas de lui comme tous les media du monde !

Maya B.

09 h 17, le 08 novembre 2022

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Commentaires (2)

  • Ce monsieur avec bcp de courage n’est ni gauchisant ni intégriste sunnite c’est un intellectuel qui comme cette nouvelle génération aspire à un meilleur monde .il est devenu un symbole en Égypte et je ne vois pas pourquoi l’orient le jour ne parlerait pas de lui comme tous les media du monde !

    Maya B.

    09 h 17, le 08 novembre 2022

  • Ce monsieur ne va pas nous faire pleurer. Il n’a qu’à manger, boire et calmer ses ardeurs révolutionnaires pour mener une vie paisible. Le régime est ce qu’il est. Une main de fer doit sévir pour éviter que les frérots ne se dissimulent à travers les gauchisants, pro palestiniens et à travers ces gauchisants, ils prennent sournoisement le pouvoir via des élections tronquées comme ils l’ont déjà faits à l’époque de Morsi qui n’était qu’un pion entre les mains du guide suprême des frérots musulmans. Faut arrêter de publier en long et en large des articles dans l’OLJ , tous les jours, stigmatisant le régime actuel. Sans ce mode de gouvernance, les intégristes reviendraient au pouvoir pour déstabiliser aussi bien le pays des pharaons que la region . Le liban inclus et ce, avec un renforcement des intégristes sunnites. Sans compter que l’egypte actuelle aide le liban. Un tant soit peu de reconnaissance dans les medias dont l’OLJ serait souhaitable. Pensons au liban et aux libertés d’expression de notre pays avant de critiquer et militer médiatiquement pour la liberté des autres pays. Chaque pays a ses spécificités que nous ignorons. Pensons à nos libertés en perte de vitesse continue.

    LE FRANCOPHONE

    00 h 46, le 08 novembre 2022

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