Il se trouve au Liban depuis quatre mois à peine. Et déjà il est confronté à une crise d’ampleur : l’épidémie de choléra qui a contaminé plus de 1 447 personnes dont des enfants depuis le 6 octobre (cas suspects y compris), faisant au moins 17 morts, selon le ministère de la Santé.
Édouard Beigbeder, représentant de l’Unicef au Liban (Fonds des Nations unies pour l’enfance), a vu l’horizon s’assombrir, au fil des jours. « L’épidémie a démarré en Afghanistan, avant de se répandre en Irak. En Iran, elle ne s’est que peu propagée vu la solidité des systèmes d’eau (potable et usée). Mais depuis le mois d’août, elle fait des ravages en Syrie (plus de 20 000 cas suspects et 75 morts), explique-t-il. Il était donc prévisible que le choléra atteigne le Liban tôt ou tard. Et rien n’aurait pu empêcher son importation. » Et pour cause, les mouvements incessants de populations à la frontière libano-syrienne, et la présence au Liban d’un nombre important de réfugiés et de travailleurs syriens, conséquence de la crise syrienne, qui effectuent des va-et-vient entre les deux pays (le pays compte quelque 2 080 000 réfugiés syriens, selon le directeur de la Sûreté générale Abbas Ibrahim).
Combattre le choléra avec une eau propre
Le choléra se caractérise par de fortes diarrhées et des vomissements, qui risquent de provoquer une déshydratation intense au point d’entraîner la mort si le patient n’est pas rapidement réhydraté et soigné. La maladie peut être légère ou extrêmement virulente. La question est de savoir si l’épidémie se répandra au Liban ou si elle s’éteindra. « Si les systèmes existants d’eau et d’assainissement fonctionnent correctement, le choléra devrait mourir », assure M. Beigbeder, précisant que c’est « la maladie du manque d’hygiène ». Il se transmet par contact, ingestion d’eau ou d’aliments contaminés par les matières fécales et donc les eaux d’égout. « D’origine hydrique, ce n’est qu’avec de l’eau propre, des installations, des assainissements fiables et une bonne hygiène que nous pouvons le combattre », soutient-il.
Pour l’instant, on ne peut que constater la propagation rapide de la maladie auprès de la population et pas seulement réfugiée. Une propagation telle que le ministre de la Santé Firas Abiad a récemment tiré la sonnette d’alarme, révélant la présence de la bactérie dans les eaux d’irrigation des cultures dans le nord du pays. Un hôpital de campagne a même été aménagé à Bebnine dans le Akkar, premier foyer épidémique. Ses 20 lits sont déjà tous occupés. « Si l’on constate ces conséquences sanitaires déplorables au Liban, c’est à cause du manque de gestion des stations d’eau potable et d’épuration des eaux usées, mais aussi à la fois à cause du manque d’électricité », déplore le représentant onusien.
Pénurie d’électricité et effondrement du secteur de l’eau
L’Unicef n’a eu de cesse d’alerter les autorités libanaises sur les conséquences d’une baisse dramatique des standards d’hygiène, conséquence de l’appauvrissement d’une importante partie de la population sur fond de grave crise économico-financière. « Dès le mois de juillet 2022, bien avant la détection du premier cas de choléra en Syrie, nous avons mis en garde contre l’effondrement des conditions sanitaires au Liban depuis deux ans, et la hausse des infections à E. coli et diarrhéiques, facteurs aggravants de la détérioration de la santé infantile », rappelle Édouard Beigbeder. De même, l’organisation onusienne a maintes fois alerté contre l’effondrement inévitable des infrastructures d’eau, « car la pénurie d’électricité rend impossible le pompage d’une quantité suffisante d’eau et met donc en danger la santé de millions de personnes, en particulier des enfants ». Elle a également insisté sur la nécessité de se pencher sur tous les dysfonctionnements du secteur de l’eau. « Il est tout aussi important de motiver les fonctionnaires des eaux et de revoir les tarifs à la hausse, que de s’assurer du bon état et du bon fonctionnement des infrastructures d’eau potable et d’assainissement », souligne M. Beigbeder. Et comme pour rebondir sur cette réflexion, le ministre de la Santé invitait il y a quelques jours le ministère des Finances à tenir sa promesse d’accorder aux fonctionnaires du secteur sanitaire « l’aide financière en espèces préalablement promise ».
À ces mises en garde s’ajoute le soutien actif de l’Unicef au gouvernement libanais dans sa lutte contre l’épidémie de choléra et ses appels à la communauté internationale pour un premier financement de 29 millions de dollars. Un soutien qui s’est notamment concrétisé pour l’instant dans la distribution de 100 000 litres de fuel aux stations de relevage et d’épuration des eaux usées dans le nord du pays, de même que celles de pompage d’eau potable, pour pallier les coupures de courant. Sans oublier la distribution de stocks de chlore pour désinfecter l’eau, de kits de réhydratation d’urgence et de médicaments destinés aux hôpitaux et aux familles. « C’est grâce au soutien de l’Unicef que l’hôpital de Halba est capable de relever les défis » pour soigner les patients atteints du choléra, affirme Édouard Beigbeder à titre d’exemple. « Parallèlement l’Unicef poursuit son engagement, depuis une bonne dizaine d’années, auprès des camps informels de réfugiés syriens, de vidange des eaux usées et d’aménagement des installations d’eau potable », précise le responsable.
Au gouvernement à présent de faire sa part du travail. « L’Unicef n’est qu’un soutien au service du gouvernement. Ce n’est pas à l’organisation de prendre le volant », fait remarquer le représentant, en allusion aux critiques adressées par des officiels de la santé quant à la gestion par l’Unicef des eaux usées au sein des camps informels de réfugiés syriens. Et comme la situation au Liban se détériore rapidement, « les autorités doivent impérativement mener les réformes nécessaires autour de l’eau », préconise Édouard Beigbeder. Car l’infrastructure existe, mais « le système présente des failles importantes ». « Dans chaque crise, une opportunité se dessine, conclut le responsable à l’adresse des autorités libanaises. Il faut savoir la saisir. »
Mikati doit mettre tout son poids pour faire faire en sorte qu’un vaccin soit distribué au plus vite pour toute la population avant le point de non retour. Ce sera le premier flocon accroché à sa boutonnière, décerné par les libanais. N’est ce pas un gouvernement des affaires courantes et urgentes? Alors au boulot.
12 h 18, le 01 novembre 2022