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Culture - Beyrouth Livres

Même pour écrire, elles doivent se battre

En partenariat avec le Parlement des écrivaines francophones, la Lebanese American University (LAU) a invité des auteures pour réfléchir aux liens existant entre féminisme et littérature. Au cours de ces rencontres animées par Joëlle Hajjar, il a été d’abord question de l’écriture du corps, ensuite du combat pour les droits des femmes.

Même pour écrire, elles doivent se battre

Débats d’écrivaines de plusieurs nationalités à la LAU sous l’égide du Parlement des écrivaines francophones. Photo DR

Écrire est leur passion et leur métier. Elles ont décidé de parler ensemble d’une même voix et dans la même langue, ce sont les signataires du manifeste du Parlement des écrivaines francophones et parmi elles : Carmen Boustani, Marie-Rose Abomo-Maurin, Madeleine Monette, Catherine Pont-Humbert, Hyam Yared, Lise Gauvin, Sophie Bessis et Fatoumata Ki Zerbo présentes le jeudi 27 octobre dans l’amphithéâtre du théâtre Gulbenkian à l’invitation de la Lebanese American University (LAU), dans le cadre du Festival Beyrouth livres, pour témoigner de ce qui les anime et défendre deux sujets primordiaux : l’écriture du corps et le combat pour les droits des femmes. Composé à ce jour de 110 auteures issues des cinq continents, c’est en 2018, à l’initiative de la romancière et journaliste tunisienne Fawzia Zouari, que naît le Parlement des écrivaines françaises (PEF). C’est dans la ville d’Orléans (qui a vu la naissance de Jeanne d’Arc, figure féminine la plus célèbre de l’histoire) que le siège du PEF s’est installé. Son ambition est de rendre distincte la voix des femmes écrivaines, de débattre sur l’écriture, sur l’actualité, sur les crises qui secouent les sociétés, d’affirmer qu’il existe un écrire ensemble, d’accroître le rôle des femmes, la visibilité et le regard dans la littérature francophone, de défendre le droit des hommes et des femmes là où ils se trouvent, de faire circuler les idées qui défendent l’intégrité morale et physique. Le PEF est une association qui offre une plateforme commune. Une initiative qui s’inspire du parlement international des écrivains né en 1993 en pleine tragédie algérienne et dont la vocation était de venir en aide aux auteurs menacés de mort ou d’exil. À Beyrouth, le débat a été mené par l’animatrice culturelle Joëlle Hajjar, qui qualifiera la langue française de langue monument face à la langue anglo-saxonne langue instrument, et de déclarer : « Dans une époque mondialisée, on ne peut que s’interroger sur le rôle de la langue française. La langue française est une langue ciment qui crée une fraternité entre toutes ces femmes qui se battent » et d’ajouter : « La nouvelle francophonie est une francophonie pluraliste enrichie par tant de saveurs et de couleurs et d’expressions qui font de cette langue une langue essentielle. » Le premier débat concernant l’écriture du corps mettra en exergue la réappropriation de leurs corps par les femmes à travers un regard spécifiquement féminin, un regard qui raconte, qui décrit, qui ressent, qui assume et qui met la femme au texte comme s’il la mettait au monde.

Se réapproprier son corps par l’écriture

Écrivaine et docteure d’État es lettres de l’université Lyon 2, Carmen Boustani est également diplômée en sémio-linguistique de la Sorbonne-Nouvelle. Pionnière, elle a introduit depuis les années 80 l’étude du féminin et l’écriture du corps, puis du féminin/masculin dans le cadre de la licence en lettres modernes à l’Université libanaise. Son champ d’intérêt privilégie l’écriture du corps et les différences sexuées dans le langage qu’elle aborde par la sémiologie gestuelle et l’oralité : « Le corps a quelque chose à dire, affirme-t-elle, il est l’expression de l’inconscient, il ne ment jamais. Il y a certes une différence entre le féminin et l’écriture féminine. Le premier revendique une affirmation de soi, le second une différence. Dans cette apologie du féminin, qui distingue notre époque, la femme veut s’affirmer, dit-elle, le sexe constitue une question de langage et plus d’organe. Si le masculin se définit par le phallique, le féminin se définit par l’ouvert, le non-dit, l’infini et l’indéfini. » Boustani évoque alors trois courants autour de l’écriture sexuée : le premier universaliste veut faire connaître les œuvres des femmes, le deuxième « différentialiste » basé sur l’écriture et le rapport au corps différent entre homme et femme, et le troisième postmoderne affirme la réalité du féminin, qui n’a rien à voir avec le biologique et le social. Pour Catherine Pont-Humbert écrivaine, journaliste littéraire et conceptrice de lectures musicales, c’est la poésie féminine qui redonne au corps sa dimension fantasmée. Et de déclamer dans un de ses poèmes : « J’ai emprunté tant de chemins pour arriver jusqu’à moi. » Pour cette auteure, le corps s’impose, dans le genre poétique, l’écriture passe par le corps avant de passer par l’esprit. L’écriture poétique est une énergie, des pulsations et une tension, et tout cela a besoin du corps vecteur. « C’est une sorte de danse des mots, dit-elle, qui se met en place et qui entraîne vers un rythme où la poésie se déploie. J’entends les mots avec des couleurs et des musiques chargées d’une dimension souterraines et c’est cette dimension qui m’intéresse. »

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Romancière, nouvelliste, poétesse et essayiste, Madeleine Monette, établie à New York, est originaire de Montréal. Elle se penche sur la thématique de la violence dans les rapports amoureux avec une écriture brute et terreuse, qui appelle d’abord à la compassion, ensuite à la révolte. L’écriture littéraire, affirme-t-elle, n’est pas simplement une mise en scène des idées, mais un désir d’incorporer, de nous remettre au monde, corps et faits. Elle permet de nous faire sentir au plus près de notre corps. Ce sont les mots qui nous donnent le sentiment de la matérialité de notre existence et le sens de la pudeur. « Nous n’avons pas la même façon de parler du corps de la femme en Afrique, confie Marie-Rose Abomo-Maurin. Les femmes africaines ne conçoivent pas l’émotion comme les femmes du reste du monde, il résiste une certaine pudeur. Le corps de la femme est sacré et tabou. Nous Africaines, qui écrivons en langue française, sommes en train de trahir cette tradition de la pudeur. Il nous faut trouver cet espace libérateur. » Et de s’interroger. « Mais qu’est-ce qu’on libère ? On libère celles qui ont notre niveau d’instruction, répond-elle, mais encore faut-il atteindre celles qui résistent. »

Féminisme revanchard ou parité de respect ?

Sophie Bessis, historienne et journaliste franco-tunisienne, dénonce pour sa part un patriarcat assez répandu, mais qui ne prend pas les mêmes formes partout dans le monde. Il a cependant une constante, celle de priver les femmes de toute autonomie. Face à cela, elle propose trois « Postures possible » : la soumission, la ruse ou la lutte frontale, celle qui aujourd’hui est appliquée par les femmes. « Autrefois, dit-elle, les femmes étaient dominées, il n’y avait pas de haine entre le dominant et le dominé, aujourd’hui les femmes refusent la soumission et se battent, et les hommes veulent retrouver le contrôle. Sauf que ce n’est plus possible ! » Lise Gauvin, écrivaine, essayiste et critique littéraire, et professeure de littérature à l’Université de Montréal, a éclairé le public sur les avancées et aussi sur certaines dérives qui, vues de l’extérieur, semblent brouiller les identités sexuelles au nom d’une inclusion souhaitée de tous et a laissé entrevoir la percée du transhumanisme. Elle s’est penchée sur la situation des femmes au Canada. « Nous vous envions, a rétorqué Joëlle Hajjar, il semblerait que les droits des femmes chez vous soient plus que protégés. » Sans vouloir complètement la démentir et démontrer le contraire, Gauvin raconte combien les femmes ont quand même mis du temps à prendre leurs droits. Par contre, dit-elle, le Canada est un État qui pratique la tolérance.

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Pour Fatoumata Ki Zerbo, sénégalo-malienne de naissance et burkinabè par le mariage, la femme africaine aujourd’hui joue une carte tout à fait spécifique et importante pour la place qui sera la sienne demain. « Les femmes africaines savent aujourd’hui que pour réussir, il faut non seulement réussir à l’école, mais il faut retravailler et se remettre en cause tout le temps, révèle-t-elle. L’apprentissage tout au long de la vie devrait être la voie à suivre. Elles doivent toujours être à l’écoute des autres et cultiver l’humilié. »Hyam Yared, écrivaine, dramaturge, poétesse, quant à elle, revendique la parité de droit et de respect : « Depuis le commencement des temps, la femme fut privée de parole, une simple figurante. Alors comment d’objet devient-elle un sujet digne de respect ? Comment revendiquer une parole hors de toute considération de race et de sexe ? Plutôt que d’être dans une dynamique antagoniste, plutôt que d’éradiquer la parole de l’autre et qu’elle n’ait plus sa place lorsque la parole des femmes se déploie, soyons dans le dialogue. Pour que nous soyons main dans la main et éviter de renverser les rôles, je ne suis pas pour un féminisme revanchard, mais pour une parité de droit et de respect. »Et comme le débat portait sur le droit de la femme de revendiquer sa liberté de parole, d’action et de décision, le piège inévitable était le sujet du voile obligatoire qui fut comparé au voile des religieuses (au grand dam de la présidente du PEF). C’est alors qu’un homme dans le public sort son portable et donne lecture de versets du Coran qui insistent, selon lui, sur le port du voile. Il fut vilipendé et contredit à juste titre. A-t-il seulement suivi et écouté les débats ? Fort peu probable… malheureusement.

Ce week-end à Beyrouth livres

Samedi 29 octobre

– Le Musée national, lecture de Diane Mazloum illustrée par Kamal Hakim, musée national, à 17h. Campus de l’Institut français du Liban à Beyrouth

Sur la grande scène :

– Live, Love, Agora : comment réinventer la démocratie ? Les limites du modèle libanais, de 11h à 13h.

– Grand atelier jeunesse avec Dorothée de Monfreid, à 14h.

– Rencontre avec Clara Dupond-Monod et Manuel Carcassonne, à 15h30.

– Rencontre dessinée : Guillaume Long, Zeina Abirached, Farouk Mardam Bey, Ryoko Sekiguchi, à 17h.

– Stories and jukebox, à 18h30.

– Grand concert Bachar Mar Khalifé, de 20h30 à 22h.

– DJ Session avec Charbel Haber, à 22h.

Salle Montaigne :

– Projection Le Pharaon, le sauvage et la princesse en présence de Michel Ocelot, à 11h.

– Performance la BD à voix haute, à 14h.

– Lecture/performance Le Grain de sable, avec Webster, à 15h30.

– Hommage : entretien croisé, Farès Sassine et Jabbour Douaihy.

– À l’occasion du lancement de deux ouvrages inédits de Farès Sassine aux éditions L’Orient des Livres, L’Orient Littéraire rend hommage à ses fidèles collaborateurs décédés en 2021 : Farès Sassine et Jabbour Douaihy. Il s’agit d’un entretien croisé entre les deux auteurs mis en scène par Mirana el-Naimy et Maria Douaihy et joué par Cyril Jabre et Joe Abi Aad. Texte adapté par Alexandre Najjar, à 17h.

– Performance Carnaval carnivore avec Thomas Langlois, à 18h30.

Café des lettres :

– Cafés littéraires, de 11h45 à 19h.– 12h30, Christophe Ono Dit-Biot, présenté par Georgia Makhlouf.

– 13h15, Barbara Cassin et Paul de Sinety présentent le dictionnaire des francophonies, présenté par Karl Akiki. En partenariat avec la délégation générale à la langue française et aux langues de France.

– 14h, Mazen Kerbaj et Hélène Becquelin, autour de Bande dessinée francophone, entre Europe et Liban, présenté parAngela Verdejo.

– 16h15, Dorothée de Monfreid, Marc Boutavant et Ralph Doumit, autour de la littérature jeunesse.

– 17h, Myriam Senghor Ba, Yamen Manai, Fawza Zouari, autour du prix des cinq continents, présenté par Georgia Makhlouf.

– 17h45, Olivier Rolin présenté par Charif Majdalani.

– 18h30, Sami Tchak, Clara Dupond-Monod, Virginie Ollagnier, autour de « Écrire l’autre : l’écrivain observateur entre fidélité et trahison », présenté par Georgia Makhlouf.

– 19h15, Sophie Bessis et Dominique Eddé, autour de l’altérité, présenté par Joëlle Hajjar.

Médiathèque :

– Ateliers jeunesse de dessin, ateliers d’écriture, ateliers de calligraphie, lecture de contes, de 14h30 à 17h30.

Dimanche 30 octobre

Campus de l’Institut français du Liban à Beyrouth

Grande scène :

– Finale du concours de lecture à voix haute, de 11h à 13h.

– Grand atelier jeunesse avec Marc Boutavant, à 14h.

– Proclamation du choix Goncourt de l’Orient en présence de Clara Dupond-Monod et Salma Kojok, de 15h30 à 17h.– Bal littéraire, à 17h.

– Concert Webster, à 18h30.

Salle Montaigne :

– Projection Le Pharaon, le sauvage et la princesse en présence de Michel Ocelot, à 11h.

– Représentation de Zaï Zaï Zaï Zaï, à 16h.

Café des lettres :

– Cafés littéraires, de 12h30 à 19h.– 14h45, Manuel Carcassonne, Paul Audi et Christophe Ono-Dit-Biot, autour du thème de la quête d’identité, présenté par Elsa Yazbeck.

– 15h30, Sabyl Ghoussoub et Omar Youssef Souleiman : exil et quête d’identité, présenté par Nicole Hamouche.

– 16h15, Emmanuel Ruben, présenté par Elsa Yazbeck.

– 17h, 50 ans de Sindbad, rencontre-lecture avec Farouk Mardam Bey, lecture de Joumana Haddad, Abbas Baydoun et Élias Khoury.

– 17h45, Maroun Eddé, présenté par Nicole Hamouche.

– 18h30, Farouk Mardam Bey et Ziad Majed, autour de l’ouvrage Syrie, le pays brûlé, présenté par Caroline Hayek.

– 19h15, Japon, Haïti, Grèce, Liban : les catastrophes et l’espoir avec Ersi Sotiropoulos, Camille Ammoun, Fawzi Debiane, modéré par Charif Majdalani, Makenzy Orcel, Michaël Ferrier. Organisé par la Maison internationale des écrivains à Beyrouth.

Médiathèque :

– Ateliers jeunesse de dessin, ateliers d’écriture, ateliers de calligraphie, lecture de contes, de 14h30 à 17h30.

Écrire est leur passion et leur métier. Elles ont décidé de parler ensemble d’une même voix et dans la même langue, ce sont les signataires du manifeste du Parlement des écrivaines francophones et parmi elles : Carmen Boustani, Marie-Rose Abomo-Maurin, Madeleine Monette, Catherine Pont-Humbert, Hyam Yared, Lise Gauvin, Sophie Bessis et Fatoumata Ki Zerbo présentes le...

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