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Lifestyle - Vient de paraître

Pour Zaven Kouyoumdjian, Beyrouth a elle aussi son mur de Berlin

Dans « Beirut Guilty Pleasures », l’auteur et homme de télé retrace l’histoire de douze bâtiments emblématiques de la ville, témoins des années de guerre et de ses destructions.

Pour Zaven Kouyoumdjian, Beyrouth a elle aussi son mur de Berlin

Zaven Kouyoumdjian, journaliste, homme de télé et auteur, posant avec son nouvel ouvrage. Photo DR

« Le Liban doit être une leçon et non un message », déclare Zaven Kouyoumdjian, star, depuis plus de vingt ans, des talk-shows de Télé-Liban et de la Future TV, et qui vient de sortir un livre intitulé Beirut Guilty Pleasures (Les plaisirs coupables de Beyrouth), dans lequel il encourage ses compatriotes à faire le bilan des années passées et à changer leur perception pour arriver, un jour, à reconstruire le pays.

Illustration des « plaisirs coupables de Beyrouth ». Photo DR

Comme tous les habitants de la ville, ce cinquantenaire a été témoin de l’évolution et de la métamorphose de Beyrouth, de la guerre, de la reconstruction, de la destruction, du changement et de la mutation de ses espaces. « Je pense que je suis le seul Beyrouthin qui aime tous les quartiers de Beyrouth, sans exception. Il y a ceux qui affectionnent Achrafieh et Ras Beyrouth, d’autres qui ont une préférence pour Hamra, d’autres encore qui détestent le centre-ville. En faisant ce livre, j’ai remarqué que j’aime Beyrouth dans son entièreté », avoue-t-il. Pour lui, une ville doit évoluer, même si cela doit se faire avec des tours en béton ou une reconstruction qui ne respecte pas l’âme de ce qui était. Journaliste depuis de nombreuses années, Zaven Kouyoumdjian a ainsi assisté de près à la reconstruction d’après-guerre. Et il y a cru. « J’ai vu la gloire et ensuite la décadence du Liban et de sa capitale. Au début des années 1990, nous nous sommes relevés des décombres et l’avenir était très prometteur. J’ai assisté à tous les changements. » Même si la ville a émergé à plusieurs reprises des ruines et même si beaucoup de Libanais aiment associer leur pays à la fameuse légende du phénix, un oiseau qui brûle avant de renaître au bout de trois jours de ses propres cendres, Zaven Kouyoumdjian veut modifier le narratif et les clichés. Dans son livre, il conteste d’ailleurs cette légende, ajoutant de vive voix : « ll est temps de changer d’animal et de trouver un autre symbole ! » Paru aux éditions Hachette Antoine en deux langues, Beirut Guilty Pleasures présente, à travers ses 295 pages, quelques centaines de photos de lieux emblématiques de la ville et des textes qui retracent leur histoire, depuis leur construction jusqu’à aujourd’hui.

Les 12 lieux emblématiques choisis par Zaven Kouyoumdjian. Photo DR

Figés dans le temps

L’ouvrage, dont les photos portent la signature de Ali Chéhadé, propose également des images d’archives. La mise en page a été conçue par Khajag Apelian et Marie-Thérèse Merheb. « Khajag, qui est un grand artiste, a voulu casser la mise en page classique, que ce soit avec la typo, le choix des couleurs ou le blanc de certaines pages », précise l’auteur qui a voulu revenir sur 12 arrêts emblématiques de la ville, tous saccagés par la guerre et encore debout, tels des fantômes silencieux. « C’est comme s’ils étaient figés dans le temps. » Parmi ces témoins urbains, les silos du port ; l’immeuble de L’Orient (à la rue Trablos) ; l’hôtel Saint-Georges dont le bar était classé parmi les sept plus beaux du monde ; le Holiday Inn qui faisait partie d’un complexe commercial édifié à la place d’un hôpital ; Burj el-Murr dont la hauteur de plafond de chaque étage « ne dépasse pas les 3,1 mètres » ; le Teatro, « construit au début du siècle dernier pour recevoir la bourgeoisie de Beyrouth » ; la Statue des Martyrs dont un personnage représente le visage d’un modèle libanais, Adnane Tabbara, « que le sculpteur italien avait rencontré chez des amis » ; le poing de la révolution, art éphémère et symbole incendié à plusieurs reprises ; le bâtiment de l’Œuf qui faisait partie d’un important centre commercial aux enseignes américaines ; une connexion de Beyrouth entre la rue de Damas et Khandak el-Ghamik où un artiste brésilien a dessiné un gigantesque graffiti sur un rang d’immeubles abandonnés ;

L’ouvrage de Zaven Kouyoumdjian « Beirut Guilty Pleasures » est déjà en librairie. Photo DR

Beit Beyrouth qui était durant la première moitié du siècle dernier l’un des immeubles les plus élevés de la ville ; et enfin le Musée national et sa mosaïque du Bon Pasteur partiellement détruite par un sniper. Ce livre vient après Asaad Allaho Masaakoum (Hachette Antoine) paru en 2015, mais aussi Lebanon Shot Twice, images croisées dont la première édition est sortie en 2003. « L’idée de Beirut Guilty Pleasures m’est venue après avoir travaillé sur les images de la guerre dans Lebanon Shot Twice. En fait, en me promenant dans Beyrouth, j’étais fasciné de voir les touristes systématiquement se faire prendre en photo devant le bâtiment du Holiday Inn. Un jour, j’ai abordé un touriste japonais en lui demandant pourquoi il se trouvait là. Il m’a répondu : “C’est votre mur de Berlin.” » Et de préciser : « L’idée, à la base, était de faire un petit livre, mais entre la recherche approfondie, les visuels, les confinements successifs du Covid-19 et la crise libanaise, le travail a pris plus de deux ans et demi pour être achevé. Tout le matériel que nous avons collecté méritait d’être publié. » Exposant les critères de ses choix, Zaven Kouyoumdjian souligne enfin qu’il a sélectionné des bâtiments situés au centre-ville et sur l’ancienne ligne de démarcation, voulant ainsi montrer toutes les facettes de Beyrouth dans ses nombreuses influences architecturales, ottomanes, françaises et modernes en béton brut à partir des années soixante. « J’ai surtout voulu livrer aux lecteurs des genres de dos and don’t’s (à faire et à ne pas faire). Et nous sommes un exemple des choses à ne pas faire. »

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