En marge de la séance législative au Parlement tenue mardi, au cours de laquelle les députés avaient approuvé la loi de levée du secret bancaire censée mettre fin « aux corrompus », selon le président de la Chambre Nabih Berry, c’est une autre stratégie « anticorruption » que le Premier ministre désigné Nagib Mikati et la ministre d’État sortante chargée de la réforme administrative Najla Riachi ont annoncée au Grand Sérail lors d’une conférence portant sur le lancement de la « Stratégie nationale de transformation numérique au Liban 2020-2030 ». Préparée par ce ministère avec l’appui technique du Programme des Nations unies pour le développement (PNUD) et le soutien de la Banque mondiale et de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), cette stratégie a été publiée dans le Journal officiel le 6 octobre. Elle avait précédemment été divulguée dans un rapport en mai dernier et approuvée par le gouvernement au cours de son dernier Conseil des ministres avant les élections législatives du 15 mai.
Pour aboutir à cette mouture finale, accessible au public sur le site du cabinet d’État chargé de la Réforme administrative (Omsar), il faut remonter à 2018, lorsque la ministre d’État alors à la tête de l’Omsar Inaya Ezzeddine avait initié ce projet en en pavant la voie pour la transformation numérique et en en rédigeant la première version. En 2019, ce fut au tour de la ministre May Chidiac de prendre la relève en détaillant les différentes parties de cette stratégie et la manière de la mettre en œuvre. Celle-ci est donc le fruit des efforts déployés par l’équipe de l’Omsar sous la direction des trois dernières ministres.
Horizon 2030
« Pierre angulaire » du progrès, et « organiquement liée au plan de réforme et de relance » d’un Liban en grave crise depuis trois ans, comme l’a qualifiée Nagib Mikati lors de son discours pour l’occasion, cette initiative a notamment pour objectif de « redonner vie à l’administration publique » et reflète la « centralité des technologies de l’information au cœur des politiques publiques » à travers le monde, a-t-il expliqué. Selon lui, l’application de cette stratégie numérique sur le long terme permettra d’offrir « de meilleurs services et outils » à la population « en préservant leurs données personnelles de manière transparente » et de transformer le Liban en un pays avancé dans ce domaine afin de lui rendre sa place régionale de centre de l’entrepreneuriat, de l’investissement et du tourisme », voire « l’un des pays numériques les plus avancés du monde arabe » à l’horizon 2030, indiquent les auteurs du rapport.
Prenant la parole à son tour, Najla Riachi a souligné que la stratégie numérique a été pensée pour s’adapter « au caractère unique des institutions libanaises » afin de « moderniser la gestion (administrative) et lutter contre la corruption » via plus de transparence, le tout sur la base d’un « système de gouvernance économique solide ». Pour sa mise en application, la ministre d’État a souligné l’importance participative de « tous les acteurs de l’innovation numérique, y compris les autorités locales, le secteur privé, le secteur académique et la société civile ». Enfin, Najla Riachi a précisé que si le travail de coordination avec les commissions parlementaires avait démarré, il doit encore se faire avec tous les organes officiels. « Un plan d’exécution et une feuille de route priorisant les projets dont le Liban a besoin » sont en cours d’examen, a-t-elle conclu.
Enfin, la représentante de PNUD Mélanie Hauenstein a insisté lors de son intervention sur la mise en œuvre de cette stratégie qui contribuera « à accroître l’engagement civique et la responsabilité sociale, et à réduire la corruption et la mauvaise gestion, ce qui augmentera la confiance des citoyens » dans les institutions publiques.
Défaillance législative
Les auteurs du rapport indiquent en effet que les mécanismes mis en place visent à instaurer « une culture d’ouverture, d’honnêteté, de transparence et de responsabilité ». À court terme (d’ici à 5 ans), les objectifs annoncés sont d’améliorer l’interaction entre les citoyens et les administrations gouvernementales ; de permettre à l’économie numérique et au secteur privé libanais de prospérer ; et de numériser les opérations réalisées dans le secteur public.
En ce qui concerne les principaux défis auxquels pourrait faire face la mise en place de cette stratégie, le rapport note plusieurs points, notamment le manque de financement, la résistance au changement, la faible gouvernance, le manque de compétences numériques, les lois et règlements obsolètes mais toujours en vigueur, la lenteur de la promulgation et de la modification des lois, ou encore le manque de coordination pour éviter que les efforts ne soient vains.
Pour que cette transformation numérique soit effective, la stratégie précise la nécessité de renforcer certaines bases, telles que la maîtrise des outils numériques et la garantie de moyens de communication modernes, sécurisés et disponibles à tous. Pour ce faire, les auteurs du rapport misent sur quatre fondements importants : la gouvernance, la démocratie ouverte (open government), l’infrastructure numérique et la sécurité de l’information, ainsi que la continuité des opérations gouvernementales.
Toutefois, ces objectifs sont d’ores et déjà entravés par une défaillance en termes de législation libanaise. En effet, comme indiqué dans le rapport, une quinzaine de lois manquent encore à l’appel pour instaurer le bon cadre qui permettrait la mise en œuvre de cette stratégie au Liban, dont des lois sur l’ouverture des données publiques, la classification, la protection, la confidentialité et la conservation des données, ou encore concernant les droits et les abus numériques.
commentaires (3)
Le numérique par signaux de fumée, ça risque de faire parler de soi… j’en rigole déjà. Concentrez-vous déjà à fournir l’électricité et l’eau, et ensuite passez à plus sophistiqué. Comme un système bancaire qui ne vole pas ses pigeons (pardon, clients). Le reste suivra…
Gros Gnon
13 h 56, le 20 octobre 2022