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Lifestyle - Insolite

Une série télé transforme pour quelques semaines un quartier de Beyrouth en centre-ville d’Alexandrie

En passant près de l’hôpital Saint-Georges dans le quartier de Rmeil, à Achrafieh, on se croirait dans la ville d’Alexandrie. Le tournage d’une série télé égyptienne a permis d’améliorer les conditions de vie des habitants du quartier. Provisoirement du moins...

Une série télé transforme pour quelques semaines un quartier de Beyrouth en centre-ville d’Alexandrie

Un café appartenant à un certain Hamido al-Nabar occupe l’espace où se trouvait un atelier de plomberie. Photo Richard Salamé/L’Orient Today

Au cours de ces deux dernières semaines, une équipe de production télévisée a réussi à transformer ce carrefour en petite Alexandrie, la légendaire deuxième ville d’Égypte. Autrefois animé, selon ses résidents, le quartier est depuis quelque temps plongé dans un silence de mort et une obscurité quasi totale, comme la majeure partie du Liban... L’équipe qui a planté son décor tourne une comédie égyptienne en 10 épisodes, provisoirement intitulée Seeb w ana seeb (Pars et je partirai). Réalisée par Wael Ihsan, elle met en vedette les acteurs égyptiens Hana al-Zahid et Ahmed al-Saadani. Certaines parties ont été tournées en Égypte. Mais pour d’autres scènes, l’équipe a choisi Beyrouth, en dépit d’une crise économique qui ne fait que croître et des pénuries d’électricité qui l’ont obligée à recourir à un générateur installé dans un terrain vague. Avant même le début du tournage, des ouvriers étaient présents toute la journée et jusque tard dans la nuit pour habiller les commerces existants de ce quartier, majoritairement chrétien de Beyrouth, d’une nouvelle signalétique comportant des noms et des numéros de téléphone égyptiens, et pour peindre les murs de fresques représentant la mer Méditerranée, des citations de piété islamique (Athkzur Allah, « Souviens-toi de Dieu ») ou des graffitis patriotiques (Tahya Masr, « Vive l’Égypte »). Certains mobiliers du quartier, qui n’avaient rien d’égyptien comme une statue d’un mètre de haut de saint Charbel, ont été momentanément dissimulés derrière des caisses en bois, ce qui, semble-t-il, n’a offensé personne, puisque la statue n’a pas été déplacée.

Un chariot proposant du pain simit devant des affiches pour un spectacle. La peinture murale dit « Que Dieu accepte votre pèlerinage et pardonne vos péchés ». Photo Richard Salamé/L’Orient Today

Changements de décor

Pour le reste, on se croirait bien à Alexandrie. L’atelier du plombier du quartier s’est transformé en café égyptien, approvisionné en vrai café, thé et narguilé, ou chicha, comme on l’appelle en Égypte. La devanture d’un magasin abandonné est devenue un salon de coiffure pour femmes. Des banderoles ont également été suspendues dans les rues pour encourager l’équipe de football locale. Des panneaux accrochés aux fenêtres de dizaines d’appartements affichent à présent le nom d’avocats, de médecins, de notaires et de vendeurs de téléphones portables égyptiens. Un tronçon de 200 mètres de la rue Khazinein a pris des airs de souk alexandrin où l’on trouve des vendeurs de légumes, des DVD et des poteries en argile, des vendeurs de foul et des poissonniers. Un chariot de rue, qui propose à la vente du kebdeh égyptien – du foie cuit – en vous rappelant de « prier le Prophète », semble tout à fait fonctionnel. Un habitant avoue même en avoir mangé, signalant toutefois qu’il a trouvé la nourriture égyptienne trop épicée à son goût.

La papeterie Aladin et une bannière sur laquelle on peut lire « al-Ittihad sont les maîtres de la ville », l’un des surnoms traditionnels de l’équipe de foot d’Alexandrie. Photo Richard Salamé/L’Orient Today

Les voisins semblent surtout heureux de cette expérience qui leur donne l’impression de « vivre » sur la côte égyptienne depuis quelques semaines, même s’ils ne sont pas vraiment transportés hors du Liban et de sa crise économique. « Je suis en Égypte et ceci est mon magasin », plaisante Salim Harb, en montrant un faux atelier de réparation de tapis baptisé al-Sultan en lettres arabes peintes. En réalité, Harb est un tailleur surnommé al-Sultan et ceci est son atelier, qui n’avait auparavant ni enseigne ni nom. Il confie que c’est le seul atelier qui a pris le vrai nom du propriétaire et qu’il conservera l’enseigne après la fin du tournage. S’il ne peut pas travailler pendant le tournage de la série, Salim Harb affirme qu’on lui a promis un certain montant pour compenser la perte de ses revenus. Le chiffre et la date ne lui ont toutefois pas été communiqués. Le tournage devrait durer encore environ 10 jours. L’agitation qui règne a insufflé une animation à ce quartier en général calme, ainsi qu’un peu de lumière dans les rues, comblant l’absence d’un éclairage public que le gouvernement libanais n’est plus en mesure de fournir. « Ils ont créé cette atmosphère de toutes pièces. Quand vous regarderez la série, vous aurez vraiment l’impression d’être à Alexandrie », déclare Salim Harb d’un ton bienveillant.

Une scène de rue d’Alexandrie avec une bannière indiquant « Soutenez l’équipe de votre pays ». Photo Richard Salamé/L’Orient Today

Outre les similitudes architecturales entre le quartier de Rmeil et la ville égyptienne, « la principale raison pour laquelle l’équipe a choisi de tourner à Beyrouth est la main-d’œuvre locale, devenue beaucoup moins chère qu’en Égypte en raison de la crise monétaire », dit-il. Les membres de l’équipe de production n’ont pas voulu faire de commentaires à ce sujet. « Avant, il n’y avait pas de vie dans le coin, déclare une habitante, propriétaire d’une supérette locale, devenue temporairement le Super Market al-Barakeh, et qui a préféré garder l’anonymat. Ils ont créé une animation dans le quartier et donné aux gens quelque chose à faire. Ceux qui avaient l’habitude de rester chez eux sortent maintenant. » Les dizaines de personnes qui travaillent sur la production pendant de longues heures, chaque jour, constituent également une clientèle supplémentaire en se fournissant en bouteilles d’eau, cigarettes et snacks achetés dans sa boutique, qui, elle, est restée ouverte. L’al-Barakeh fictif est spécialisé dans la crème glacée, si l’on en croit les cornets de glace et l’enseigne « gelato » peints sur ses murs. Quelques congélateurs se trouvent également à l’extérieur. Mais c’est uniquement pour l’apparence car en réalité, le magasin ne dispose pas de suffisamment d’électricité pour conserver des glaces ni en vendre.

Un ouvrier peint le logo d’al-Ittihad, l’équipe de football d’Alexandrie, sur un mur, à côté d’une inscription « Les Alexandrins sont l’essence de la chevalerie ». Photo Richard Salamé/L’Orient Today

Un court répit

Pour les maisons et les entreprises du quartier, il n’y a pas plus d’électricité qu’avant, mais la rue elle-même est désormais éclairée la nuit au profit de la production et les gens qui y vivent ne s’en plaignent pas. Pierre, qui travaille également pour la société de production, a déclaré que les nouveaux réverbères installés resteront. Reliés à un générateur, ils seront connectés à des panneaux solaires plus tard, espère-t-il. Selon lui, Achrafieh constitue souvent un lieu de choix pour ce genre de projets, car le style des bâtiments rappelle ceux d’Égypte. Heureux que l’équipe ait fini par s’installer dans son propre quartier, il se sent également « coupable », car le tournage des scènes de nuit empêche certains habitants de dormir. « Avant que la société ne prenne la décision de tourner ici, toute la zone avait été sondée pour obtenir l’aval des habitants », confirme-t-il. En dépit des nombreux avantages de ces quelques jours de tournage, il reste quelques points négatifs, selon la propriétaire de la supérette : il est devenu impossible de se garer dans la rue et tout le monde dans le quartier n’apprécie pas l’odeur du poissonnier de la série – fourni en vrais poissons – ou du chariot de kebdeh, rempli de vrais sandwichs au foie cuit et de bouteilles de ketchup ! Faire cela « au milieu de toutes les maisons n’est pas agréable, c’est sûr. Vous savez, il fait chaud dehors et les gens sont déjà déprimés », commente-t-elle.

« L’atmosphère est agréable, mais j’ai du mal à dormir, avoue Salim Harb, car mon atelier, qui est aussi mon domicile, donne sur la rue et le tournage dure jusqu’à environ 2 heures du matin. » Selon les résidents, une fois le tournage terminé, la société de production rendra au quartier son aspect originel, notamment en repeignant les murs et en recouvrant les slogans. Le générateur sera également enlevé, disent-ils, ignorant quand les réverbères seront ensuite raccordés à l’énergie solaire, comme cela avait été apparemment promis. Les propriétaires auront le choix de conserver les décorations alexandrines s’ils le souhaitent. Salim Harb, par exemple, gardera sa nouvelle enseigne. Le barbier Charbel, qui a rebaptisé son salon à l’occasion de la série, a fait installer sur sa vitrine un dessin en vinyl représentant le visage d’un homme barbu. Il dit aimer le graphisme, bien que le numéro de téléphone en bas soit égyptien. « Je couperai probablement le nom du magasin en haut de l’illustration et le numéro de téléphone en bas. Et je garderai le visage ... »

*Cet article est paru dans l’Orient Today le 4 octobre 2022

Au cours de ces deux dernières semaines, une équipe de production télévisée a réussi à transformer ce carrefour en petite Alexandrie, la légendaire deuxième ville d’Égypte. Autrefois animé, selon ses résidents, le quartier est depuis quelque temps plongé dans un silence de mort et une obscurité quasi totale, comme la majeure partie du Liban... L’équipe qui a planté son décor...
commentaires (2)

Rectif: C'est cité en tête dans l'introduction / accroche.

LE FRANCOPHONE

20 h 13, le 12 octobre 2022

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Commentaires (2)

  • Rectif: C'est cité en tête dans l'introduction / accroche.

    LE FRANCOPHONE

    20 h 13, le 12 octobre 2022

  • Tout un article certes… mais le nom du quartier n’a pas été cité… Du moins, je n’ai pas vu cité le nom du quartier….on pourrait croire que ce serait un quartier populaire genre ain el remmaneh ? Ou ailleurs ? En tout cas, il s’agirait d’un quartier côté EST de Beyrouth. Le nom SVP?

    LE FRANCOPHONE

    11 h 52, le 12 octobre 2022

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