Le patriarche maronite Béchara Raï a refusé dimanche l'élection d'un "président des arrangements", alors que les députés du Parlement libanais doivent élire un successeur à Michel Aoun dont le mandat prend fin le 31 octobre. Lors de la première séance électorale du 29 septembre dernier, aucun président n'avait été élu, faute de consensus entre les différentes formations politiques, et une nouvelle séance est prévue jeudi prochain, le 13 octobre. Pour sa part, le mufti jaafarite Ahmad Kabalan a rétorqué que les arrangements font partie de l'identité du Liban.
En 2016, l'élection de M. Aoun avait été rendue possible, après des mois de vacance, par des arrangements entre les forces politiques. Le Courant du Futur, alors dirigé par Saad Hariri, et les Forces libanaises de Samir Geagea avaient ainsi accepté de soutenir la candidature de l'actuel président. Jusqu'à présent, aucun consensus ni compromis ne semblent toutefois se dessiner, et aucun camp ne peut se targuer d'avoir la majorité à la Chambre.
"Nous ne voulons pas d'un président des arrangements", a souligné Mgr Raï dans son homélie dominicale à Bkerké, siège du patriarcat. "Le patriarcat maronite n'appuie pas de candidat, contrairement à ce que certains disent (...) Nous soutenons l'idée d'un président qui réussit, après son élection, et qui peut jeter réellement les bases d'une solution pour le Liban, avec une onction internationale", a-t-il poursuivi. Le chef de l'église maronite a dressé à plusieurs reprises le portrait-robot du président idéal selon lui, dans ses homélies de ces dernières semaines.
"Pas de président faisant allégeance à l'étranger"
Le prélat a affirmé qu'"il est temps de trouver un président qui s'impose de lui-même par sa personnalité, son expérience, sa ténacité, sa vision du sauvetage et sa capacité à l'exécuter".
Il a encore plaidé pour une "entente autour d'un président qui se distingue à tous les niveaux, un président qui exprime la volonté de la société libanaise et non pas un président qui fait allégeance à l'étranger", a-t-il encore dit, lui qui attaque régulièrement le camp du président Aoun et de son allié, le Hezbollah, parti ouvertement pro-Iran.
Mgr Audi et Ahmad Kabalan
Le mufti jaafarite Ahmad Kabalan, proche du Hezbollah, a répondu dimanche aux exhortations du patriarche Raï en estimant que "les arrangements font partie de la composition du Liban" dans des propos rapportés par l'Agence nationale d'Information (Ani, officielle)."Une moitié chrétienne et une moitié musulmane composent le pays, le vivre-ensemble et l'intérêt national", a-t-il ajouté, mettant en garde contre "la fragmentation, le régionalisme et les décentralisations qui déchirent le Liban".
De son côté, le métropolite grec-orthodoxe de Beyrouth, Elias Audi, a lancé cette phrase dans son homélie : "Nous espérons que le comportement des députés lors de la prochaine séance électorale sera plus mature et sérieux, et qu'ils assumeront leurs responsabilités en élisant un président dans les délais plutôt que de se réfugier dans le vote blanc ou ce qui y ressemble". Lors de la première séance, 63 votes blancs avaient été décomptés, signe d'une absence de consensus dans une bonne partie de la classe politique. Après ce vote, une absence de quorum (86 députés sur 128) avait été constatée et la séance avait donc dû être levée.
"C'est comme si personne ne méritait d'assumer cette responsabilité, de mener la bataille de la réforme et du sauvetage, comme si la situation permettait de perdre du temps", a également fustigé Mgr Audi. Si aucun président n'est élu en date du 31 octobre, le Liban se retrouverait pour la première fois de son histoire politique dans une vacance totale au niveau de l'Exécutif : sans président et avec un gouvernement démissionnaire.
commentaires (4)
La dé-responsabilisation. Une forme de grave de lâcheté. Car si à court terme, on évite de froisser le Hezb, et peut-être donc une guerre, le long terme sera la mort certaine de la communauté chrétienne. Par la continuation de dirigeants corrompus et pro-iraniens tels que Aoun, Bassil ou Frangié
Abdelnour Etienne
12 h 14, le 10 octobre 2022