C’est en candidat « rassembleur » et ouvert à tous les protagonistes que s’est efforcé de se présenter, jeudi soir, le chef des Marada, Sleiman Frangié, à près d’un mois de la fin du sexennat de Michel Aoun. Au lendemain de l’appel conjoint de la France, des États-Unis et de l’Arabie saoudite en faveur de l’élection d’un président « qui puisse unir le peuple libanais et travailler avec les acteurs régionaux et internationaux », le leader de Zghorta a saisi la perche tendue. Lors d’une entrevue de plus de deux heures accordée à la chaîne locale MTV, M. Frangié s’est attelé à nuancer ses orientations et ses allégeances politiques au camp du 8 Mars pour mieux se rapprocher du profil consensuel souhaité. D’emblée, M. Frangié a voulu balayer certains « préjugés » en affirmant qu’il n’est pas le candidat du Hezbollah, bien qu’il revendique sa proximité avec le parti chiite et le régime syrien de Bachar el-Assad. « Je ne suis pas le candidat du Hezbollah, mais le parti chiite me fait confiance parce que je ne le poignarde pas dans le dos, et je n’ai pas peur d’être sanctionné » internationalement, a déclaré M. Frangié, dans une pique à l’un de ses concurrents, le chef du Courant patriotique libre, Gebran Bassil, allié du parti chiite pro-iranien qui fait l’objet de sanctions américaines pour corruption. Prié de réagir aux propos du chef du parti orange qui, le même jour, avait déclaré dans un entretien au quotidien an-Nahar qu’il ne voterait pas pour lui même si Hassan Nasrallah le lui demandait, Sleiman Frangié a répondu sur un ton badin : « Mon cher Gebran a donné aujourd’hui (hier) cet entretien pour que je réagisse à ses propos. Eh bien je vais m’abstenir. » Dans un podcast diffusé sur le site an-Nahar, le chef du CPL avait déclaré : « Personne ne peut me demander quoi que ce soit qui ne soit pas en conformité avec mes convictions. »
À près d’un mois de la fin du mandat de Michel Aoun, M. Frangié a estimé que « les choses s’accélèrent » et que la tendance est pour un compromis. « Cela pourrait contribuer à créer un climat d’entente qui serait en ma faveur », a-t-il estimé. Et d’ajouter : « J’ai appris des Français qu’ils m’apprécient et qu’ils ne vont pas interférer. » Le leader des Marada s’est dit plus optimiste que la dernière fois quant à ses chances d’être élu, « bien que les circonstances n’inspirent pas cet optimisme ». Et de rappeler que la fois précédente, à l’élection de 2016, le Hezbollah avait promis la présidence à Michel Aoun. Ce n’est pas le cas cette fois-ci, a-t-il ajouté, avant de souligner que le parti chiite n’a fait de promesse à personne. Il a justifié cette attitude par « une approche pragmatique que le parti adopte par rapport à ce dossier ». Le secrétaire général du Hezbollah, Hassan Nasrallah, s’est prononcé, en effet, en faveur d’une candidature de compromis afin d’élire un président dans les délais constitutionnels. « Quoi qu’il en soit, le camp du 8 Mars se présentera au Parlement avec un seul candidat », a dit M. Frangié.
« Libanais arabe et non syrien »
« Je suis ouvert et consensuel et crois dans le dialogue », a encore dit M. Frangié, précisant toutefois qu’il n’est pas « centriste » puisqu’il se revendique clairement proche du Hezbollah. « Je veux être un président rassembleur et non un président de défi. Le Liban traverse aujourd’hui une période exceptionnelle et fait face à une guerre économique destructrice. C’est une situation pire que celle de l’après-guerre civile », a-t-il indiqué.
Dans une tentative de mettre au clair les rapports amicaux qu’il entretient depuis longtemps avec la famille Assad en Syrie, le chef des Marada s’est évertué à expliciter les nuances qui entourent cette relation et que d’aucuns jugent ambiguë. « Je n’ai jamais été (politiquement) syrien », s’est-il défendu, assurant vouloir entretenir de bonnes relations tant avec l’Orient qu’avec l’Occident. Le candidat a souligné en substance n’avoir jamais mis à profit ses bonnes relations avec le régime syrien aux dépens de l’intérêt du Liban ou pour obtenir des faveurs personnelles. Et d’enchaîner : « Il n’y a pas de veto américain sur moi ni même français, et d’après les échos qui me sont parvenus, les Saoudiens n’ont aucun problème avec moi », a assuré M. Frangié.
Le leader de Zghorta s’est défini comme étant « libanais, arabe, maronite, chrétien et non syrien ». « Je suis en faveur de l’arabisme et suis attaché à Taëf depuis le premier jour », a-t-il insisté, comme pour rassurer les Saoudiens qui font du respect de cet accord leur principale exigence. Selon lui, « la neutralité n’implique pas l’hostilité à l’égard de la Syrie ou de l’Arabie saoudite ».
Le chef des Marada a enfin démenti toute volonté de « livrer le Liban au Hezbollah », estimant que « discuter des armes du parti chiite nécessite des conditions internes, régionales et internationales propices ». Toutefois, il a clairement affirmé qu’« aucun président ne peut parvenir à Baabda sans avoir préalablement obtenu l’accord du tandem chiite, Amal et le Hezbollah ». Selon M. Frangié, « la résistance n’a pas besoin de couverture chrétienne ou autre vu qu’elle a protégé le Liban », une affirmation qui sonne comme une nouvelle critique adressée au CPL, allié chrétien du Hezbollah. Il a par ailleurs considéré que le patriarche maronite, Béchara Raï, « n’est contre aucun candidat à la présidence ». « Nous sommes sur la même longueur d’onde. Et si je suis élu, il n’en sera que plus content », a-t-il dit.Mais ce sont surtout ses propos au sujet de sa relation avec le commandant en chef de l’armée, Joseph Aoun, qui ont surpris. « Je ne suis pas son adversaire. Mais c’est plutôt lui qui me considère ainsi. Dès qu’il s’agit de briguer la présidence, les choses s’enlaidissent. Je souhaite qu’il annonce son programme », a-t-il dit dans ce qui est apparu être comme un défi. Bien qu’il ne se soit jamais déclaré candidat, le général Joseph Aoun fait partie des figures potentiellement présidentiables et bénéficiant de la confiance des Occidentaux.
commentaires (12)
le Liban mérite et a besoin urgent de beaucoup mieux que "ça".. !
OBEGI CHARLES
14 h 53, le 25 septembre 2022