Quelle stratégie la direction régionale Moyen-Orient de l’AUF adopte-t-elle au Liban ?
Tenant compte des spécificités de chaque pays, l’Agence universitaire de la francophonie (AUF) a structuré sa stratégie générale pour les années 2021-2025 autour de divers axes : la recherche et la valorisation, la transformation numérique et la gouvernance universitaire, l’employabilité et l’entrepreneuriat, le réseautage et la coopération internationale, ainsi que la formation des formateurs et l’innovation pédagogique. Après la mise en place d’un plan spécial d’urgence et de solidarité en 2020, à la suite du déclenchement de la crise au Liban, l’AUF continue cet effort exceptionnel dans la durée, notamment au niveau du soutien à la recherche et des services d’appui aux étudiants. On a ainsi mis en place une série d’actions spécifiques au Liban, dans le cadre d’une action de fond et de long terme qui vise, à notre échelle, à ralentir la dégradation du capital humain. Il est essentiel pour ce pays de conserver ses capacités de rebond, ainsi que ce qui fait l’essence du Liban, son niveau socioéducatif. Ainsi, nos efforts continuent d’être portés vers le Liban pour épauler nos membres et partenaires et les aider à résister d’une manière structurelle à non plus une crise, mais une nouvelle situation dégradée installée dans la durée.
Quelles sont les priorités aujourd’hui ?
Le premier devoir est de maintenir le capital scientifique et d’expertise dans le pays. Dans ces conditions, le soutien à la recherche nationale et dans les universités est un axe essentiel et vital. La recherche scientifique est, en effet, au sommet de la pyramide dans un système éducatif. La capacité du pays à produire de la connaissance et de la recherche va impulser la qualité à tous les niveaux du système. Donc si on ne préserve pas le capital scientifique, c’est tout le capital humain d’un pays qui se dégrade. Le deuxième axe d’intervention est adapté à la configuration du pays, à la fois au schéma mental des jeunes Libanais, et à ce moment de bascule du système économique. On considère aujourd’hui que l’entrepreneuriat, dans un contexte de marché du travail déprimé, est l’une des réponses. On appuie nos établissements membres dans la mise en place d’incubateurs universitaires, grâce à un projet européen. L’AUF vient par ailleurs de créer cette année un pré-incubateur, Badeel, qui est géré par le Centre d’employabilité francophone de Beyrouth (CEF). Nous nous sommes ainsi positionnés sur ce chaînon manquant qui permet de pré-accélérer des projets d’étudiants entrepreneurs d’universités libanaises, permettant à ces derniers de passer de l’idée à un projet solide. Par ailleurs, nous restons mobilisés sur les actions de fond, comme la qualité des formations, la transition numérique, sans oublier d’évoquer notre soutien aux départements de français, à la recherche et aux formations en langue française. L’enjeu essentiel qui fait la singularité de ce pays, c’est non seulement le niveau éducatif, mais aussi la capacité des jeunes Libanais à être trilingues.
Quels sont les projets de soutien que vous comptez mettre en place bientôt ?
Pour atteindre nos objectifs, nous finançons et mettons en place des projets concrets, soit à l’échelle d’un établissement, soit à l’échelle nationale. Dans ce dernier cas, ils sont le plus souvent cofinancés par des bailleurs de fond ou des partenaires extérieurs. À titre d’exemple, dans le domaine de l’entrepreneuriat, nous travaillons dans le cadre d’un projet qui est mis en œuvre par l’AUF et financé par l’Union européenne. Ce projet permet la création, dans les universités, d’incubateurs ayant une vocation sociale et environnementale, bien adaptée à la configuration actuelle du pays. Nous pilotons deux programmes spécifiques de soutien au ministère de l’éducation et de l’enseignement supérieur : le programme APPRENDRE (Appui à la professionnalisation des pratiques enseignantes et au développement des ressources) financé par l’Agence française de développement, et le programme IFADEM (Initiative francophone pour la formation à distance des maîtres) cofinancé par l’AUF et l’Organisation internationale de la francophonie – qui permettent de renforcer les capacités du ministère, et d’organiser des formations à l’échelle nationale pour les professeurs de français. Nous continuons également de mettre en œuvre le programme 3R Liban (Recherche-Réponses-Résilience), un dispositif de soutien à la recherche et aux doctorants en temps de crise lancé avec le CNRS-Liban il y a deux ans. L’AUF a aussi développé ses services de proximité. Le Centre d’employabilité francophone (CEF) de Beyrouth offre ainsi des formations, des certifications ou des activités d’appui aux projets.En outre, au Moyen-Orient, le Liban reste le premier pays bénéficiaire des dispositifs de l’AUF d’appels à projets, dans les domaines du numérique, de la recherche scientifique francophone et du soutien à la langue française. Nous mettons également en œuvre des programmes régionaux, financés par le ministère français de l’Europe et des Affaires étrangères, et dont bénéficie le Liban : l’un dans le domaine de la transition numérique des universités, et un autre qui prévoit d’installer des cliniques juridiques. Dans ces centres, des étudiants, encadrés par leurs professeurs, délivreront des conseils juridiques gratuits à des populations vulnérables.
À votre avis, qu’est-ce qui a marqué l’année écoulée ?
Parmi les moments forts de l’année écoulée, il faut mentionner l’organisation des États généraux de l’enseignement supérieur au Liban dans le cadre des Consultations nationales consacrées au système éducatif libanais, et ce avec le ministère de l’Éducation et de l’Enseignement supérieur au Liban. Le document qui y a été produit permet de recenser les besoins, les opinions, les propositions d’action et les orientations pour définir la stratégie nationale à court et long terme. D’autres moments forts sont prévus pour l’année en cours : l’AUF organisera, en octobre, la finale du choix Goncourt de l’Orient, dans le cadre du festival littéraire « Beyrouth livres », ainsi que la Semaine mondiale de la francophonie scientifique qui se tiendra au Caire. Pour conclure, nous sommes dans l’accompagnement intensif du système d’enseignement supérieur et du système scientifique libanais. C’est un trésor national pour ce pays, et ce doit être un devoir ardent de préserver ce capital. Nous y prenons notre part et dans ce contexte, notre action quotidienne de fond bénéficie à des milliers de professeurs et d’étudiants, leur permettant, je l’espère, de se projeter dans l’avenir.
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