Les discours du secrétaire général du Hezbollah sont toujours très attendus par les milieux politiques locaux et régionaux, surtout en cette période délicate de négociations indirectes avec les Israéliens au sujet de la frontière maritime. Toutefois, celui de samedi, à l’occasion du quarantième de l’imam Hussein, a surpris les auditeurs, non pas à cause de son contenu sur le litige maritime, mais pour les messages adressés à l’intérieur. C’est en effet la première fois que Hassan Nasrallah s’exprime de façon aussi franche et critique à l’égard des forces politiques libanaises. Jusqu’à présent, le secrétaire général du Hezbollah avait toujours pris soin de ménager l’intérieur tout en multipliant les critiques à l’intention de l’extérieur, les Américains, les Israéliens et parfois les États du Golfe. Samedi, il a modifié cette attitude. D’un ton grave et la mine sombre, il a répondu ouvertement et violemment aux propos de certains protagonistes, notamment les Forces libanaises et les Kataëb qui disaient en gros que « le Hezbollah et ses partisans ne nous ressemblent pas » et que « leur Liban n’est pas le nôtre ». Certaines figures avaient même brandi la menace « du divorce » si le Hezbollah ne change pas sa politique.
Hassan Nasrallah avait déjà évoqué ce sujet, mais de façon marginale et sans trop insister sur la question, dans le cadre du long entretien qu’il avait accordé il y a quelques semaines à la chaîne al-Mayadeen à l’occasion des 40 ans de son parti. Mais cette fois, il s’est exprimé dans un discours public très attendu, et il a sciemment choisi d’aborder directement cette question. Les mots choisis par le chef du Hezbollah étaient très forts. « Heureusement, nous ne leur ressemblons pas. Leur Liban est celui de la vengeance et des tueries, alors que le nôtre, c’est celui de la libération, sans la moindre vengeance, et celui de l’ouverture », a-t-il dit, évoquant clairement les massacre perpétrés par des miliciens chrétiens soutenus par Israël dans les camps palestiniens de Sabra et Chatila qui ont eu lieu le 16 et le 18 septembre 1982. Aussitôt, les réactions se sont multipliées sur les réseaux sociaux, mais la question de fond est restée sans réponse : pourquoi Nasrallah a-t-il jugé bon d’aller aussi loin dans sa réaction, lui qui, en général, passe outre aux détails internes pour se concentrer sur la résistance et tout ce qui se rapporte à elle ? Pour les détracteurs du Hezbollah, Nasrallah a commis une erreur en lançant des accusations aussi claires contre les Forces libanaises et les Kataëb (sans toutefois les nommer), s’en prenant même indirectement à l’image du président assassiné Bachir Gemayel qui reste aujourd’hui encore un symbole pour un nombre considérable de Libanais. Pour les détracteurs du parti de Dieu, c’est un signe de faillite et du début du déclin pour un parti qui s’est toujours placé au-dessus des considérations purement internes et qui, jusqu’à présent, avait privilégié l’entente à l’intérieur. Pour les partisans de cette théorie, Nasrallah a commencé à s’ériger en justicier. Ce qui devrait, aux yeux de ses détracteurs, lui faire perdre ses partisans non chiites. D’autant qu’il s’était toujours placé au-dessus de la mêlée, se contentant de temps en temps d’ironiser sur certaines critiques adressées à son parti. Selon eux, Nasrallah a donc commis un grave impair en s’étendant sur les massacres de Sabra et Chatila et en en faisant assumer la plus grande responsabilité aux parties libanaises alors que même les Israéliens accusent leurs dirigeants de l’époque d’avoir encouragé, facilité et couvert cette tuerie. Pourquoi, à ce moment précis de division et de fragilité interne, Nasrallah a-t-il choisi d’évoquer un sujet aussi délicat et de déverser ses critiques contre des parties politiques internes ? Même s’il ne l’a pas clairement dit, le secrétaire général du Hezbollah serait-il en train de prôner indirectement un divorce ? Y aurait-il un changement de régime en perspective ? Les milieux proches du Hezbollah démentent toute idée de divorce entre les Libanais et rappellent que ce terme a été utilisé par le chef d’un parti politique, mais jamais par le Hezbollah.
Par contre, ces mêmes milieux estiment que Nasrallah s’est vu contraint d’aborder le sujet de « notre Liban et le leur » et du fait « qu’ils ne nous ressemblent pas » parce que ces expressions qui reviennent souvent dans les propos de certains partis créent un véritable malaise et un grand mécontentement au sein de la communauté chiite. Nasrallah a donc voulu crever l’abcès et attirer l’attention des parties politiques concernées sur les conséquences de tels propos sur le tissu national libanais. Il a donc sciemment pris un ton grave pour en parler, expliquant que ces propos vont trop loin et blessent les autres communautés, à un moment où le Liban a plus que jamais besoin de cohésion interne. De plus, ajoute une source du Hezbollah, ces parties politiques qui se veulent aujourd’hui exemplaires ont aussi un passé qui ne l’est pas toujours. Toujours selon les milieux proches du parti, pour Nasrallah, l’affaire s’arrête là et il n’est pas question pour lui de prôner le divorce ou de chercher à exclure d’autres composantes locales. Au contraire, dans le même discours, il n’a cessé de plaider pour une entente interne qui permettrait de former un nouveau gouvernement et même d’élire un nouveau président le plus rapidement possible. Son message, selon les milieux de son parti, se résumerait donc comme suit : cessez d’ostraciser les autres et essayons de régler nos problèmes internes.
commentaires (21)
Eux c'est Khandak el Ghamik, Charawneh, Dahieh, Lessa ou encore Aita Chaab. Objectivement, ca ne ressemble pas beaucoup a Sodeco, Jounieh, Verdun ou encore Broumana. Ni la forme et encore moins le fond.
Lebinlon
12 h 38, le 22 septembre 2022