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Économie - Focus

Le plan de redressement vaguement mis à jour avant la visite du FMI

Le retard accumulé par les autorités compromet les projections qui ont servi de base aux auteurs de la stratégie.

Le plan de redressement vaguement mis à jour avant la visite du FMI

Le plan du gouvernement de Nagib Mikati possède peu ou prou la même approche que celui élaboré par son prédécesseur. Photo M.A.

Le Parlement a commencé la semaine dernière à examiner le projet de budget pour 2022, qui répond moins à la nécessité d’organiser les finances publiques d’une année aux trois quarts écoulée, que de satisfaire une demande du Fonds monétaire international qui entame aujourd’hui une visite de deux jours à Beyrouth.

Le 7 avril dernier, les deux parties ont annoncé avoir conclu un accord préliminaire (Staff Level Agreement) à travers lequel l’institution s’engage à débloquer une aide financière si les autorités libanaises entamaient un chantier global d’assainissement et de restructuration du système économique et financier du pays, mis à mal par la crise qui a éclaté en 2019.

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Un des rouages de cette mécanique est incarné par le plan de redressement de l’exécutif. L’Orient-Le Jour a pu consulter la version la plus récente de ce document daté du 9 septembre, qui a depuis été envoyé à la présidence du Conseil. Ce plan a été approuvé par le gouvernement de Nagib Mikati en mai, juste avant qu’il ne démissionne dans le sillage des législatives de mai.

Il s’agit peu ou prou du même plan dont des versions intermédiaires circulaient depuis le printemps et l’approche générale est assez proche de la stratégie élaborée deux ans plus tôt par le cabinet de conseil Lazard, mandaté par le gouvernement de Hassane Diab. Cette stratégie avait été catégoriquement rejetée par l’Association des banques, ce qui avait conduit à l’échec d’un premier round de discussions avec le FMI lancé en 2020. Si le gouvernement n’a pas vraiment changé d’approche, une partie des banques se déclarent aujourd’hui en coulisses plus ouvertes à certaines des pistes envisagées.

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Des grandes lignes très théoriques

Le gouvernement énumère 6 grands objectifs :

- Renforcer la situation financière à moyen terme, tout en réhabilitant les infrastructures et en protégeant les classes sociales les plus vulnérables.

- Traiter les pertes du secteur financier de façon équitable.

- Organiser une résolution bancaire pour que le secteur reprenne son rôle de financement au secteur privé.

- Recentrer les politiques monétaires sur leur objectif principal, c’est-à-dire préserver la stabilité des prix.

- Reconstituer le tissu social endommagé suite à l’aggravation de la situation économique.

- Renforcer la gouvernance et la transparence au sein des organes et des institutions de l’État.

Au niveau macroéconomique, le plan table sur un retour de la croissance dès cette année (+2,6 %) et le maintien d’un taux de croissance positif au moins jusqu’à 2026. En ce qui concerne le PIB nominal du Liban (qui tient compte de l’inflation), ce texte l’estime à 22,3 milliards de dollars en 2021 et à 22 milliards de dollars en 2022. Le plan prévoit qu’il commence à croître à partir de 2023 (24,5 milliards de dollars) et jusqu’à 2026 (32,3 milliards de dollars).

Cette reprise de l’activité économique pousse le gouvernement à envisager que le ratio dette publique/PIB du Liban atteigne 100 % d’ici à 2026 et environ 75 % d’ici à 2032, avec plusieurs estimations portant ce ratio à plus de 200 % pour 2021. Le plan table aussi sur une baisse considérable du taux d’inflation. Calculé à 154,8 % en 2021, il l’estime à 105 % en 2022 et à 8,6 % en 2023, et prévoit qu’il baisse jusqu’en 2026.

À noter que ces prévisions sont déjà en partie dépassées et seront même totalement à revoir si les dirigeants tardent davantage à mettre en œuvre les mesures préconisées.

Au niveau des chantiers, le plan prévoit d’augmenter les investissements dans les infrastructures, qui seront en principe majoritairement financées par les soutiens du pays et les Libanais expatriés, rassurés par les réformes prévues. Celle de l’électricité, qui ambitionne de donner au fournisseur public de quoi assurer 24 heures de courant par jour sur tout le territoire d’ici à « début 2026 », est logiquement érigée au rang de priorité. Le plan mis à jour ne tient pas compte cependant du fait que le plan de réforme du secteur approuvé par le gouvernement au printemps n’a toujours pas commencé à être appliqué.

Parmi les autres dispositifs proposés, le document évoque une réforme des retraites de la fonction publique, faisant passer le Liban d’un système où le salarié perçoit d’un seul coup une indemnité de fin de service à un système où il percevra un montant chaque mois.

Les pertes et leur répartition

Cette version du plan reprend quasiment les mêmes chiffres que ceux annoncés dans la version qui avait fuité en avril. Les pertes totales encourues par le secteur bancaire

sont toujours estimées à environ 72 milliards de dollars, « dont la majorité (est concentrée) au niveau de la BDL ». Ce montant serait plus proche de 73 milliards selon les estimations les plus récentes véhiculées par des hauts responsables et des banquiers dans le débat public.

Selon le plan, ces pertes ont été provoquées par trois facteurs : « La restructuration de la dette (ce qui veut probablement désigner le défaut sur près de 32 milliards de dollars d’eurobonds), la dépréciation du taux de change et l’augmentation des prêts non performants. »

« À ce stade la Banque du Liban n’est pas en mesure de rembourser aux banques l’intégralité de leurs dépôts chez elle en devises » et par conséquent « les banques commerciales ne sont pas en mesure de rembourser à leurs clients leurs avoirs en devises lorsqu’ils le demandent », mentionnent notamment les auteurs du plan. Ils précisent aussi que trouver une solution à ce problème requiert un « équilibre particulier » pour protéger les déposants tout en assurant une certaine continuité au niveau du secteur bancaire.

En guise de solution, le plan prévoit initialement de mettre l’État « dans la mesure du possible » à contribution pour assainir la situation de la BDL, ce qui passerait en partie par l’émission de bons du Trésor pour un montant atteignant 2,5 milliards de dollars et qui pourrait être revu à la hausse en fonction de la capacité de l’État à s’endetter.

Ensuite, le plan précise que ce seront les actionnaires des banques qui devront contribuer à couvrir les pertes, alors que les déposants seront impliqués en dernier recours, tout en protégeant les dépôts qui atteignaient 100 000 dollars à la date du 31 mars 2022.

Le plan mentionne que ce plafond pourrait être modifié en fonction des circonstances. En ce qui concerne les montants qui dépassent ce seuil garanti, le plan préconise un mélange de bail-in (conversion des montants en actions dans le capital de la banque), de haircut (une ponction sèche) et de « lirification » à des taux égaux ou inférieurs à celui du marché parallèle. Les modalités de restitution des dépôts garantis dépendront de la loi instaurant le contrôle formel des capitaux attendu, mais toujours pas adoptée à ce stade.


Repère

À quoi sert le plan de redressement préparé par le Liban ?

Service économique

Rédigé sous la houlette du vice-président du Conseil des ministres Saadé Chami, le plan de redressement est un document stratégique qui devra être adopté par le Conseil des ministres, mais n’aura a priori pas besoin d’être soumis au vote en tant que tel par le Parlement. Il identifie et articule les réformes que le pays doit lancer pour épurer ses dettes, réorganiser ses institutions comme son système bancaire et changer de modèle économique.

Le processus doit suivre des objectifs définis en accord avec le Fonds monétaire international. L’objectif est de faire en sorte que le Liban soit capable de rembourser ses dettes, à commencer par les 3 milliards de dollars sur 4 ans que le FMI pourrait lui prêter.

Selon la représentation de l’institution financière à Beyrouth, l’État a candidaté pour un mécanisme élargi de crédit (MEDC). Ce type de programme est conclu pour les pays qui « se heurtent à de graves problèmes de balance des paiements à moyen terme ». Les conditions générales stipulent que l’aide financière peut être versée sur une période allant de 3 à 4 ans et doit ensuite être remboursée dans un délai de 4 ans et demi à 10 ans.

Ainsi, pour convaincre dans un premier temps le FMI, les dirigeants libanais devront fournir le plan rédigé avec les éléments attestant qu’ils ont bien répondu aux prérequis listés dans l’accord préliminaire conclu par les deux parties en avril, à savoir : voter 4 lois pour, respectivement, instituer un contrôle formel des capitaux, aménager le secret bancaire, organiser la résolution bancaire et adopter le budget 2022 ; enfin lancer 4 processus pilotés par l’exécutif dont la restructuration de la dette publique, le démarrage de l’audit des 14 plus grandes banques, la finalisation de l’audit des actifs en devises de la BDL et l’adoption d’un taux de change unifié.

Le plan devra aussi inclure d’autres réformes macroéconomiques et institutionnelles à mettre en œuvre à long terme, parallèlement au déblocage de l’aide. Il ne servira à rien cependant si aucune des mesures qu’il préconise n’est réellement mise en œuvre ou si elles sont rendues inefficaces, comme cela a été récemment le cas avec la loi aménageant le secret bancaire.

Le Parlement a commencé la semaine dernière à examiner le projet de budget pour 2022, qui répond moins à la nécessité d’organiser les finances publiques d’une année aux trois quarts écoulée, que de satisfaire une demande du Fonds monétaire international qui entame aujourd’hui une visite de deux jours à Beyrouth.Le 7 avril dernier, les deux parties ont annoncé avoir conclu un...

commentaires (1)

AVEC CETTE OPACITE ON SEME DE L,AIR ET ON RECOLTERA DU VENT !

LA LIBRE EXPRESSION

11 h 35, le 19 septembre 2022

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Commentaires (1)

  • AVEC CETTE OPACITE ON SEME DE L,AIR ET ON RECOLTERA DU VENT !

    LA LIBRE EXPRESSION

    11 h 35, le 19 septembre 2022

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