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Économie - Repère

Budget de l’État : les définitions, les usages, les règles... et toutes les exceptions libanaises

Si le Liban est doté d’un arsenal de règles plutôt complet qui régit toutes les étapes de la vie d’un budget, ses dirigeants ont la fâcheuse habitude de n’en faire qu’à leur tête. Voilà pourquoi.

Budget de l’État : les définitions, les usages, les règles... et toutes les exceptions libanaises

Le vote de ce budget 2022 est primordial pour le Liban, son adoption étant une des conditions sine qua non du Fonds monétaire international pour débourser une assistance financière à hauteur de 3 milliards de dollars sur quatre ans. Image Bigstock

À 11 heures, ce mercredi, les députés devaient (enfin) se réunir au Parlement pour examiner le projet de loi de finance pour l’exercice 2022 (La séance a été finalement reportée à jeudi 10h, dès son ouverture, faute de quorum, NDLR). Un document plus communément désigné sous le nom de budget de l’État pour 2022 (ou budget 2022) et qui consigne les dépenses et les recettes publiques pour l’exercice désigné. Un passage obligé, et annuel, qui permet à un pays, en se calquant sur un modèle qui a généralement cours dans les régimes démocratiques, de déterminer sa politique budgétaire pour les douze mois à venir et d’influer ainsi sur sa conjoncture économique. Habituellement préparé dès l’été, voté fin décembre, ou au maximum fin janvier, lors de l’exercice précédent, l’adoption du budget est une étape essentielle pour définir ce que le pays va dépenser par rapport à ce qu’il engrange comme revenus. Il permet aussi de vérifier après coup si l’État a collecté autant d’argent qu’il l’avait anticipé et si ses dépenses réelles ont été conformes à ce qu’il avait prévu.

Mais si le Liban est doté d’un arsenal de règles plutôt complet qui régit toutes les étapes de la vie d’un budget (élaboration, exécution, prévision), ses dirigeants ont pris la fâcheuse habitude depuis des années de n’en faire qu’à leur tête.

Le pays a ainsi vécu sans budget entre 2005 et 2016, et toutes les lois de finance votées de 2017 à 2020 l’ont été en dehors des délais prévus. En 2021, le Liban a une nouvelle fois évité de faire les choses dans l’ordre et les règles, optant pour la navigation à vue. Huit mois et demi après l’an neuf, c’est donc de nouveau en dehors des délais constitutionnels que les députés se réunissent cette semaine, pour passer en revue les 121 articles du projet préparé par la Commission des Finances et du Budget.

Malgré ce retard, le vote de ce budget 2022 est primordial pour le Liban, son adoption étant une des conditions sine qua non du Fonds monétaire international pour débourser une assistance financière à hauteur de 3 milliards de dollars sur quatre ans, selon un accord préliminaire signé en avril dernier.

Qu’est-ce qu’un budget de l’État en général -et libanais en particulier ? Dans les éléments de réponse ci-dessous, un peu de vocabulaire, un rappel des règles libanaises et de tous les contournements de ces mêmes règles...

Commençons par le commencement, avec quelques caractéristiques générales

• Guide des dépenses et des recettes de l’État, le budget est divisé en trois parties : un préambule explicatif, les articles fixant les mesures et les tableaux regroupant l’ensemble des sous-budgets.

• Les recettes peuvent être fiscales (taxes et impôts) ou non fiscales (téléphonie). Les taxes sur les produits et les impôts sur les revenus sont des prélèvements obligatoires. S’y ajoute le paiement des redevances sur les services qui forment une troisième catégorie.

• Les dépenses englobent les rémunérations des employés de la fonction publique (administrations, institutions publiques et autres entités), les dépenses de fonctionnement, les investissements et les remboursements de la dette (principal et intérêts).

• Le solde budgétaire est l'écart positif (excédent) ou négatif (déficit) entre les recettes et les dépenses. Théoriquement, cet écart peut être délibéré quand on augmente les dépenses publiques mais qu'on baisse les impôts pour favoriser la relance ou compenser des déséquilibres liés à la conjoncture.

• Le solde primaire est lui égal au solde budgétaire duquel on a décompté les remboursements de la dette et de ses intérêts (que l’on appelle le service de la dette).

• Le budget ne doit pas contenir d’articles qui n’ont rien à voir avec la politique budgétaire. De tels articles sont désignés par le terme de « cavalier budgétaire ».

• Le budget au Liban est défini en livres libanaises. Le déficit (et dans certains cas les recettes, les dépenses ou le solde primaire) peut être présenté en pourcentage par rapport au PIB.

Comment l'élaboration et l'adoption d'un budget doivent-elles se faire, théoriquement, au Liban ?

• Au cours de l’été, le ministre des Finances prépare l’avant-projet de budget, une sorte de brouillon, et le transmet au Conseil des ministres qui se réunit pour l’étudier et le modifier. Une fois en accord sur tout, l’exécutif approuve le texte qui devient le projet de budget.

• Ce projet est alors transmis au Parlement, où il est généralement revisité par la Commission des Finances et du Budget.

• La deuxième séance ordinaire de l’année du Parlement, qui s’ouvre le 15 octobre et s’achève le 31 décembre, est alors consacrée à l’examen du projet de budget qui doit donc être idéalement prêt et transmis avant cette échéance.

• Le 31 décembre, le Parlement doit voter le budget, article par article.

• Si les députés ne parviennent pas à s’entendre avant le 31 décembre, la Constitution accorde un mois de plus, soit jusqu’à fin janvier de l’année d’exécution du budget.

• Lors de ce délai supplémentaire, les dépenses et les recettes sont exécutées selon la règle du douzième provisoire, c'est à dire de la même manière qu’en janvier de l’année d’avant.

• Si les députés ne se sont toujours pas entendus avant fin janvier, le budget devient exécutoire dans la forme dans laquelle il a été transmis au Parlement, par décret pris sur l’avis conforme du Conseil des ministres.

• Voté ou adopté par décret, le budget est publié au Journal officiel et devient, par-là même, légal et exécutoire.

• Enfin, aucun budget ne peut être voté sans que le Parlement n’approuve les comptes audités de l’année d’avant.

Pour aller plus loin

Devant les députés, un projet de budget pour 2022 aussi tardif que mal ficelé

Quels sont les points saillants et/ou qui coincent du budget 2022 ?

• Les recettes et les dépenses réelles (et non les projections) des mois de 2022 déjà écoulés doivent en principe être intégrées au projet.

• La grille des salaires a été votée en parallèle du budget bien que les impôts et taxes devant la financer étaient intégrés dans le budget de 2017.

• Le budget pour 2022 ne va pas intégrer de disposition relative à la dette en dollars du pays, souscrite via les eurobonds, vu que le pays a fait défaut en mars 2020 mais n’a pas restructuré sa dette publique, ni même entamé de contact sérieux avec ses créanciers.

• Les remboursements de la dette en livres libanaises devraient y figurer, l’État n’ayant pas fait défaut sur celle-ci.

• Trois scénarios avec trois taux de change ont été retenus dans la version du projet de budget validé par la commission des Finances fin août : un à 12 000, un à 14 000 et un à 20 000 (livres pour un dollar) qui a été ajouté par le ministère des Finances.

• Le sort du taux du dollar douanier, expression désignée pour désigner le taux pour calculer en livres le montant des droits de douanes des produits taxés à partir de leurs prix hors taxe en dollar est encore incertain. Selon nos informations issues de sources gouvernementales, le FMI serait favorable à ce qu’il soit mis à 20 000 livres pour un dollar.

• On ne peut, en principe, débloquer plus de crédits (dépenser plus d’argent) que ceux prévus dans le budget, sauf si une nouvelle loi est spécialement votée pour cela ou en cas de dépenses urgentes à partir du moment où le Président de la République l’autorise par décret pris sur avis conforme du Conseil des ministres. Dans le 2e cas, les dépenses sont plafonnées par le budget en question.

« Only in Lebanon »


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• La dernière loi de clôture des comptes non audités (ceux de 2003) a été votée en 2006 avec le budget 2005. Il faut remonter à début 1990 pour retrouver les derniers comptes audités.

• Pendant toutes les années sans budget, le Liban a fonctionné en déformant la règle du douzième provisoire et en se justifiant en invoquant la nécessité de maintenir la continuité de l’État.

• De 2017 à 2020, les objectifs en termes de déficits ont systématiquement été dépassés. Et de beaucoup.

• Les avances à Électricité du Liban (qui servent à financer le fournisseur) sont généralement mises en annexe du budget.

À 11 heures, ce mercredi, les députés devaient (enfin) se réunir au Parlement pour examiner le projet de loi de finance pour l’exercice 2022 (La séance a été finalement reportée à jeudi 10h, dès son ouverture, faute de quorum, NDLR). Un document plus communément désigné sous le nom de budget de l’État pour 2022 (ou budget 2022) et qui consigne les dépenses et les...

commentaires (4)

Leur loi de finances est un tissus d'inepties destine a jeter de la poudre aux yeux du FMI. Le tout pour couvrir leur corruption et preparer leurs futures rapines.

Michel Trad

12 h 07, le 14 septembre 2022

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Commentaires (4)

  • Leur loi de finances est un tissus d'inepties destine a jeter de la poudre aux yeux du FMI. Le tout pour couvrir leur corruption et preparer leurs futures rapines.

    Michel Trad

    12 h 07, le 14 septembre 2022

  • Très très bon article. Merci beaucoup.

    garcia sanchez, sol / WorldClaim

    11 h 11, le 14 septembre 2022

  • En ce qui concerne les avances à EDL pour cette année, c'est facile, il n'y en a pas... pour le reste...

    Gros Gnon

    09 h 49, le 14 septembre 2022

  • La canaille continue son operation mensongere vis-a-vis du FMI en esperant pouvoir maintenir leurs "ponctions" de l'argent public.

    Michel Trad

    09 h 46, le 14 septembre 2022

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