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Monde - Repères

Arménie-Azerbaïdjan : ce qu’il faut savoir sur les affrontements le long de la frontière

Des combats de grande ampleur ont éclaté entre Erevan et Bakou dans la nuit du lundi au mardi, les plus meurtriers depuis la guerre dans l’enclave du Haut Karabakh il y a près de deux ans.

Arménie-Azerbaïdjan : ce qu’il faut savoir sur les affrontements le long de la frontière

Des soldats à la frontière entre l'Arménie et l'Azerbaïdjan, le 18 juin 2021 à Sotk, en Arménie. Karen Minasyan/AFP

L’Arménie et l’Azerbaïdjan ont connu, dans la nuit du lundi au mardi le long de leur frontière commune, leurs affrontements les plus meurtriers depuis la fin du conflit qui les a opposés à l’automne 2020 dans la région disputée du Haut-Karabakh. Tandis que Erevan dénonce une « agression » de Bakou qui a coûté la vie à au moins 49 de ses militaires, les autorités azéries accusent de leur côté le pays ennemi d’ « actes subversifs à grande échelle » ayant causé des « pertes » dans leurs rangs, sans les chiffrer. Les affrontements auraient baissé d’intensité mardi en début d’après-midi, bien que le ministère arménien de la Défense a déclaré dans un communiqué qu’ « à 14 heures (heure locale), la situation restait extrêmement tendue en certains points de frontière », ajoutant que « l’ennemi continue d’essayer d’avancer »

Pourquoi maintenant ?

Si les heurts entre les deux pays ne sont pas nouveaux, des fusillades éclatant régulièrement depuis deux ans le long de leur frontière commune, une telle escalade est significative. Elle intervient alors que Moscou – érigé en arbitre dans le Caucase à l’issue de la guerre du Haut-Karabakh de l’automne 2020 – a subi au cours des derniers jours plusieurs revers en Ukraine face à la contre-offensive de Kiev concentrée dans le nord-est du pays. « Ce qui a déclenché cette escalade nocturne a été, à bien des égards, la perception par l’Azerbaïdjan d’une opportunité, compte tenu de la faiblesse de la Russie et du fait qu’elle soit distraite par sa guerre et son invasion de l’Ukraine, qui ne sont pas à la hauteur de ses attentes », suggère à L’Orient-Le Jour Richard Giragosian, directeur du think tank Regional Studies Center (RSC).

Ces violences ont éclaté alors que les premiers pourparlers directs entre les deux parties depuis la guerre de l’automne 2020 s’étaient tenus en juillet dernier à Tbilissi en Géorgie. Une initiative qui s’inscrit dans une tentative de médiation européenne, que Moscou, qui tend à consacrer son pré-carré, voit d’un mauvais œil. A cette occasion, le ministre azerbaïdjanais des Affaires étrangères avait demandé « le retrait des forces armées de l’Arménie hors du territoire de l’Azerbaïdjan », en référence aux régions de l’enclave encore sous contrôle de combattants arméniens.

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Ces affrontements meurtriers interviennent près de deux ans après la guerre du Haut-Karabakh qui avait secoué l’enclave du Caucase du 27 septembre au 9 novembre 2020. Rattachée en 1921 à l’Azerbaïdjan par les autorités soviétiques, cette zone à majorité arménienne fait depuis des décennies l’objet de tensions alors qu’elle avait unilatéralement proclamé son indépendance en 1991 avec le soutien d’Erevan. Lors de la dernière guerre dans cette zone, plus de 6 500 morts avaient été dénombrés à l’issue de six semaines de combats. Après avoir été vaincu par Bakou, Erevan avait été contraint de céder l’ensemble des territoires reconquis au sein de cette région disputée, à l’instar de la deuxième ville, Choucha, mais également tous les districts du glacis sécuritaire mis en place autour de la république autonome par les séparatistes arméniens durant la première guerre du Haut-Karabakh (1988-1994).

Négociée par le Kremlin, la trêve qui avait mis fin au conflit le 9 novembre 2020 et consacré la victoire de Bakou avait fait de Moscou la principale force de maintien de la paix dans la région alors qu’elle prévoyait le déploiement de 2 000 soldats russes au Haut-Karabakh. Aussi, la Russie a annoncé avoir négocié un accord de cessez-le-feu en vigueur depuis mardi 10h00, heure locale, mais qui n’a été confirmé par aucune des deux parties jusqu’à présent.

Quels sont les enjeux ?

Aux yeux des Arméniens, Bakou cherche avec cette récente escalade de violences à gagner du terrain au-delà de la zone disputée du Haut-Karabakh. « Ce à quoi nous assistons n’est pas une surprise mais représente une expansion significative, une nouvelle étape franchie en termes d’échelle et de portée », suggère à nouveau Richard Giragosian. Au cours des dernières heures, plusieurs observateurs arméniens ont ainsi indiqué que les unités militaires azerbaïdjanaises avaient ouvert le feu avec de l’artillerie et des drones sur le territoire internationalement reconnu de l’Arménie.

Ces dernières heures, plusieurs puissances étrangères ont réagi aux récents incidents meurtriers. Mardi, le président français Emmanuel Macron a indiqué à la suite d’un appel avec le Premier ministre arménien Nikol Pachinian, que Paris allait saisir le Conseil de sécurité de l’ONU dont il assure actuellement la présidence. Washington s’est également dit « extrêmement inquiet » et a appelé à une cessation immédiate des combats. Alors que les Occidentaux ont mis le Kremlin au ban de la communauté internationale depuis son invasion de l’Ukraine, leurs efforts appuyés de médiation sur le dossier du Caucase serait un moyen de contrecarrer Moscou. Le rôle-clé de la Russie dans les dernières négociations de paix en 2020 avait en effet écarté le Groupe de Minsk, supervisé depuis 1992 par l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE) en vue de rechercher une solution pacifique et négociée entre Erevan et Bakou.

Si l’Arménie – ancienne république soviétique – dépend encore largement de Moscou, son principal soutien militaire et énergétique, le pays a cependant entamé en parallèle un rapprochement avec l’Union européenne au cours des dernières années. A l’automne 2020, Erevan avait vécu l’attitude de Moscou comme un abandon, alors que les deux pays sont liés depuis 1997 par un traité d’amitié, de coopération et d’assistance mutuelle en vertu duquel la Russie avait souligné qu’il était de son devoir d’intervenir si les troupes azéries ou turques frappaient le territoire même de l’Arménie. Cherchant de l’aide auprès de ses différents partenaires, le ministre arménien de la Défense s’est entretenu au cours des dernières heures avec son homologue russe, Sergueï Choïgou, dénonçant « l’agression de grande ampleur de l’Azerbaïdjan ». Ankara, allié de Bakou à qui il avait fourni pendant la guerre de 2020 ses redoutables drones Bayraktar TB2, a quant à lui appelé Erevan à « cesser ses provocations et se concentrer sur les négociations de paix ».

L’Arménie et l’Azerbaïdjan ont connu, dans la nuit du lundi au mardi le long de leur frontière commune, leurs affrontements les plus meurtriers depuis la fin du conflit qui les a opposés à l’automne 2020 dans la région disputée du Haut-Karabakh. Tandis que Erevan dénonce une « agression » de Bakou qui a coûté la vie à au moins 49 de ses militaires, les autorités azéries...

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