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Avis de recherche


Le portrait-robot n’est plus seulement cet incontournable accessoire de tout polar qui se respecte ; on y voit reconstitué sur un écran d’ordinateur, ou une planche à dessin, le portrait plus ou moins fidèle d’une personne portée disparue ou de quelque malfaiteur en cavale. Parce que ici rien ne se passe comme ailleurs ; peut-être aussi parce que les prisons libanaises affichent déjà complet et que, faute de crédits, certaines n’arrivent même plus à nourrir leurs pensionnaires, le portrait-robot s’est forcément trouvé une autre vocation. C’est celle de rechercher désespérément un président bien sous tous rapports.


Dès la veille du compte à rebours de l’échéance présidentielle se sont multipliées les esquisses. À tout seigneur tout honneur, c’est le chef de l’Église maronite qui ouvrait la compétition en renvoyant dos à dos mollassons et candidats de défi. Opérant par touches légères, se gardant de citer nommément les parties en présence, le patriarche Raï s’est prononcé pour un homme qui serait équidistant de tous. Au total, il rejette clairement tout candidat suspect de complaisance pour le Hezbollah qui empiète outrageusement sur les prérogatives de l’État ; mais il unit dans le même anathème toute personnalité issue du camp hostile à la milice, et dont l’élection serait perçue comme une provocation.


À leur tour, les députés issus de la contestation populaire y sont allés de leur crayon à dessin. Navrant signe des temps, ils ont jugé nécessaire de citer, entre autres qualifications requises, l’engagement du futur chef de l’État… quant à la souveraineté et l’indépendance du pays. On ne manque pas de sursauter, bien sûr, mais pourquoi pas, à mieux y réfléchir : même notre Constitution se fait un devoir de rappeler à tout un chacun que le Liban n’est pas un lieu de passage mais une patrie définitive ! Plus innovante en tout cas est l’exigence, brandie par les Treize, d’un acte de foi présidentiel dans le libre cours de la justice, comme dans un État non confessionnel reposant sur l’appartenance citoyenne. Notable est enfin la menace d’en appeler à la rue si est réédité le blocage intentionnel des institutions et qu’un nouveau président n’est pas élu dans les délais prévus par la loi fondamentale.


Plus percutant, et pas seulement parce qu’il était décliné en grande pompe, était le portrait brossé par Samir Geagea : celui d’un président véritablement fort; plus encore, et comme il l’avait déjà préconisé dans un passé récent, d’un candidat de défi, de confrontation. Excluant tout recours à la rue, le chef du parti des Forces libanaises s’est efforcé, dimanche dernier, de dédramatiser la formule. Si en effet celle-ci a pu ravir ses inconditionnels, elle risquait d’indisposer – voire d’effrayer – plus d’une frange de la population : d’attiédir les chaudes têtes, de refroidir carrément les tièdes.


En définitive, c’est pour l’élection d’un président capable d’appeler un chat un chat, de s’attaquer de front à toutes les dérives qui minent le pays que plaide Geagea. Le leader FL estime parfaitement réalisable cet objectif, pour peu que les diverses composantes de l’opposition accordent leurs violons, faute de quoi elles auraient gravement déçu l’opinion publique; il laisse même entendre qu’à cette fin, il est prêt à renoncer à sa propre candidature, qu’il qualifiait il y a peu de toute naturelle…


Il va sans dire que cette galerie de portraits-robots ne va cesser de s’allonger au gré des soubresauts politiques que nous réservent les prochaines semaines. Elle vient de s’enrichir de deux petits chefs-d’œuvre, chacun dans son genre. Pour le président de l’Assemblée Nabih Berry, c’est tout platement d’un homme de conciliation, capable de rassembler ses fils, qu’a besoin le Liban. Dans un pays où la moindre péripétie de la vie publique est objet de féroces polémiques, cet hymne aux demi-mesures garanties n’est toutefois accompagné d’aucun manuel de l’usager dont pourrait s’inspirer l’heureux élu.


Ce sont les propos tenus hier par Gebran Bassil qui remportent toutefois la palme de l’outrance. Non seulement en effet le chef du courant aouniste, vedette notoire du scandale de l’électricité, se positionne une fois de plus en pourfendeur du gaspillage et de la corruption. Non seulement il réclame la vérité sur la meurtrière explosion de 2020 dans le port de Beyrouth mais sans se hasarder à dénoncer ses propres alliés acharnés à étouffer l’enquête. Mais dans le même temps qu’il appelle au dialogue, il dénie, d’avance, toute légitimité à l’actuel gouvernement d’expédition des affaires courantes si par malheur l’échéance présidentielle n’est pas honorée. Pour remédier à une éventuelle vacance de la présidence, c’est en somme le vide total de pouvoir que le chef du CPL promet aux Libanais.


Il faut dire que les défauts de quorum à la Chambre, le blocage des institutions, ça les connaît. Nul besoin là, en vérité, de manuel de l’usager.

Issa GORAIEB

igor@lorientlejour.com

Le portrait-robot n’est plus seulement cet incontournable accessoire de tout polar qui se respecte ; on y voit reconstitué sur un écran d’ordinateur, ou une planche à dessin, le portrait plus ou moins fidèle d’une personne portée disparue ou de quelque malfaiteur en cavale. Parce que ici rien ne se passe comme ailleurs ; peut-être aussi parce que les prisons libanaises affichent...