« La communication s’est coupée », prévient un des journalistes de L’Orient-Le Jour, en ligne quelques secondes auparavant avec le président du syndicat des employés de la téléphonie mobile, Marc Aoun. Symptomatique de la nouvelle crise sectorielle à laquelle est confronté le pays depuis plusieurs jours, les témoignages de Libanais coupés de tout moyen de télécommunication se sont multipliés mardi, alors que la grève des salariés de l’opérateur public en charge de la gestion de la téléphonie et de l’internet fixes au Liban, Ogero, a notamment impacté toute la matinée le réseau de l’opérateur de téléphonie mobile Alfa.
« Ni connexion internet, ni données mobiles, ni réseau fixe. Impossible d’appeler un taxi pour me rendre au travail et prévenir mon patron de mon retard », racontait un autre résident. Une situation qui n’est cependant pas causée par les employés de la téléphonie mobile qui « ont officiellement levé leur grève mercredi dernier », a assuré Marc Aoun, alors que ceux d’Ogero étaient toujours dans l’attente d’une décision concernant la hausse de leurs salaires. Cette revendication a été au cœur d’une réunion d’urgence mardi au Grand Sérail entre le Premier ministre Nagib Mikati, le ministre sortant des Télécoms Johnny Corm, le président d’Ogero Imad Kreidié, celui du syndicat des employés d’Ogero Élie Zeitouni et le président de la Confédération générale des travailleurs libanais (CGTL) Béchara Asmar, entre autres. Si la réunion a abouti à l’octroi des quatre revendications des employés d’Ogero, dont la hausse de leurs salaires, le syndicat de ces derniers n’était toutefois pas en mesure de se prononcer sur une levée de la grève, compte tenu de ce que seuls trois des 12 membres y étaient présents, selon nos informations. Dans ce contexte, une autre réunion regroupant l’ensemble du syndicat s’est tenue dans la foulée. A l'issue de cette réunion, le syndicat a annoncé avoir présenté ses demandes au ministre des Télécoms et dit s'attendre à recevoir une réponse jeudi, date à laquelle une décision serait prise concernant une éventuelle levée de la grève.
Lundi, Johnny Corm accordait aux employés d’Ogero trois revendications : une somme mensuelle d’« assistance sociale », une augmentation de l’indemnité de transport et des versements récompensant la « présence » des employés pour les deux prochains mois. Le tout pour une enveloppe estimée à « 96 milliards de livres libanaises », selon Béchara Asmar, contacté suite à la réunion de mardi. La quatrième revendication, soit une augmentation salariale pour la « cherté de la vie » de 1 325 000 livres, qui posait encore question au syndicat lundi, leur a finalement été accordée mardi lors de la réunion et nécessiterait une avance de « 128 milliards de livres », a expliqué le syndicaliste. In fine, cela représenterait donc une enveloppe totale de 224 milliards de livres accordées à l’opérateur public. Également contacté au sortir de la réunion, Johnny Corm a réaffirmé que l’entrée en vigueur de ces décrets « doit encore suivre son processus légal », soit la signature du Premier ministre Nagib Mikati et du ministre sortant des Finances Youssef Khalil. Cette étape permettra ainsi de débloquer le montant requis des réserves budgétaires de 2022. En attendant, toutes les régions du pays sont touchées par les soubresauts des réseaux téléphonique et internet.
Des pannes à tire-larigot
Au Liban-Nord et au Akkar, la situation était toujours aussi mauvaise mardi, que ce soit pour le réseau fixe ou mobile, selon notre correspondant sur place Michel Hallak, « surtout en ce qui concerne internet, en raison des coupures de courant dans les centrales téléphoniques et les stations de relais ». Il précise que les interruptions du réseau mobile ont tout autant concerné Alfa que Touch, alors que dans la plupart des régions ce dernier n’a pas été impacté par les perturbations dues à Ogero, selon divers témoignages et une source au sein de la société Touch.
S’agissant du Liban-Sud, notre correspondant à Saïda Mountasser Abdallah n’a lui pas constaté d’interruption des réseaux de télécoms mardi. Pourtant, en cours de journée, la Croix-Rouge libanaise a publié un communiqué annonçant la suspension de son numéro d’urgence (140) pour la région du Sud en raison d’une panne dans le central d’Ogero dédié et demandant aux citoyens d’appeler un numéro mobile de substitution (81/715076). Enfin, dans la Békaa, « rien n’a changé depuis l’annonce de la grève d’Ogero » il y a une dizaine de jours, a expliqué Sarah Abdallah, notre correspondante sur place. « Le réseau internet ne fonctionne pas et les travailleurs en sont affectés », a-t-elle détaillé, ajoutant que le réseau mobile Touch par contre « ne subissait pas de problèmes notables. »
En revanche, l’opérateur mobile Alfa a connu mardi matin une « interruption forcée » en raison de dysfonctionnements sur le réseau d’Ogero. Selon plusieurs média locaux, ces dysfonctionnements étaient dus à l’épuisement de mazout dans le central de Sin el-Fil (Metn) par lequel passent les fibres optiques des opérateurs Alfa et Touch qui alimentent tout le Liban en internet. Alors que des rumeurs couraient mardi signalant que des employés d’Ogero auraient cessé d’approvisionner le central en carburant et empêché les employés des opérateurs mobiles de le faire, ces informations ont été officiellement démenties par Ogero dans un communiqué. Contactées à ce propos également, des sources au sein d’Alfa n’étaient pas en mesure d’expliquer de manière précise la cause du dysfonctionnement.
La survie du secteur dépendant de toute manière de son approvisionnement en électricité, les opérateurs sont obligés d’assurer eux-mêmes leurs propres livraisons de carburant, compte tenu des manquements du fournisseur public, Électricité du Liban. L’accroissement du rationnement imposé par EDL a atteint des niveaux extrêmes au fur et à mesure de la crise, qui impacte aussi bien les ménages que les infrastructures. Par exemple, pour maintenir son réseau, Ogero est obligé de faire tourner à plein régime ses générateurs d’urgence qui totalisent, selon la direction, 23 mégawatts sur l’ensemble du territoire et de compter sur certaines municipalités qui gèrent directement ou indirectement des générateurs privés.
La perspective d’une amélioration de la situation à très court terme est incertaine dans la mesure où EDL n’a pas les moyens d’acheter du carburant – ses tarifs étant figés depuis 1994 et calculés en fonction d’un taux officiel obsolète – et que la dernière livraison remonte à juillet. Les seuls chargements qui lui parviennent encore sont fournis via un accord de troc impliquant des sociétés tierces conclu avec l’Irak en juillet 2021. Mais la dernière livraison, qui devait arriver aux environs du 5 septembre, se fait toujours attendre, selon le service de presse d’EDL.
Après tous ces évènements qui s'enfilent comme des perles, l'on devrait assister au retour en grâce de grèves massives dans tous les secteurs. Il semble là, que l'on ait atteint un point de non retour. Si l'on arrivait à fédérer des collectivités humaines qui ne poursuivent qu' un but commun, celui de vivre dignement, l'on pourrait opposer à nos chers politiciens une démarche consistant à ne prendre qu'un minimum d'initiatives en restant par exemple à la maison , éviter de consommer à outrance, le prix à payer est probablement très dur mais en vaut la peine. A vouloir humilier la population par tous les moyens, la situation risque, très bientôt, de devenir explosive ( terme que maitrisent parfaitement nos élus).
20 h 13, le 07 septembre 2022