En vue de l’échéance présidentielle, Samir Geagea estime avoir fait son devoir. Non seulement il a profité de son discours dimanche pour réitérer l’appel à l’unification des opposants, il s’est surtout mis en retrait de l’arène des présidentiables « naturels » dans le but de faciliter l’union du camp hostile au pouvoir – au sein duquel certains hésitaient à tendre la main au parti des Forces libanaises, considéré comme traditionnel – autour d’un seul « président de sauvetage ». Dans les rangs des formations de l’opposition, ce message a été bien reçu, et l’initiative du leader maronite a été saluée comme un pas positif. Sauf que cela ne suffit toujours pas à souder ce camp, qui demeure hétérogène et en proie à des divergences.
Depuis les législatives du 15 mai, Samir Geagea fait de l’unification de l’opposition derrière une candidature unique à la présidentielle sa priorité absolue. Un besoin qu’il trouve encore plus pressant avec le début du délai constitutionnel pour élire un nouveau chef de l’État, à quelques semaines de la fin du mandat de Michel Aoun, le 31 octobre. Mais le camp de l’opposition avait subi un sérieux revers... à cause du chef des FL lui-même. Ce dernier a en effet refusé en juillet d’appuyer la nomination de Nawaf Salam, ancien ambassadeur du Liban aux Nations unies et juge à la Cour internationale de justice, au poste de Premier ministre. M. Salam bénéficiait pourtant de l’appui de plusieurs opposants, dont les Kataëb, le Parti socialiste progressiste et dix des treize députés de la contestation. Les FL refusent d’admettre avoir commis une erreur à ce sujet. « Ce n’est pas uniquement de notre responsabilité. Les opposants n’étaient pas unis autour de l’option Salam, que nous avons rejetée pour des motifs que nous avons expliqués », souligne le porte-parole du parti Charles Jabbour, contacté par L’Orient-Le Jour. « Il n’y a pas eu de coordination préalable avec nous au sujet de la nomination du Premier ministre. Et nous ne suivons personne », lance-t-il.
Aujourd’hui, Samir Geagea semble de plus en plus conscient que l’union serait le principal point fort de l’opposition face à un camp soudé derrière le Hezbollah. ll aurait dans ce but tendu la main à ses collègues, notamment aux Kataëb, avec qui les rapports étaient complètement rompus depuis la mise en place de l’accord de Meerab en janvier 2016 qui avait mené Michel Aoun à Baabda. Preuve en est la présence de deux parlementaires Kataëb, Nadim Gemayel et Salim Sayegh, à Meerab dimanche. Sans aller jusqu’à évoquer une probable entente autour du futur chef de l’État, du moins à ce stade, M. Jabbour souligne que « la participation des Kataëb à la messe annuelle montre que les choses progressent, mais nous avons encore du pain sur la planche ».
Des paroles en attendant des actes
Cette nouvelle dynamique engagée entre Saïfi et Meerab intervient à l’heure où le reste des opposants sont toujours dans une phase de contacts, « dans toutes les directions », pour reprendre les termes d’un député qui a souhaité garder l’anonymat. Selon lui, il n’est pas impossible de voir les protagonistes hostiles au Hezbollah s’unir. Quid d’une entente élargie autour d’un candidat unique à la magistrature suprême ? En paroles, tout le monde est pour l’élection du « président de sauvetage » prôné par le leader des FL. « Qui pourrait s’opposer à un tel chef de l’État ? » s’interroge un député joumblattiste. Mais la concrétisation de cela semble tributaire des résultats des contacts en cours. « Ce processus implique tous les opposants, et les choses vont de l’avant », confie à L’OLJ Marwan Hamadé, député du Chouf. Un parlementaire impliqué dans ce processus avait d’ailleurs affirmé à notre journal que le leader de Moukhtara, et en dépit de sa récente ouverture en direction du Hezbollah, n’est pas loin de la dynamique politique au sein du camp de l’opposition.
Et la contestation dans tout ça ? Si la question se pose, c’est d’abord parce que les treize députés de la thaoura avaient lancé une initiative définissant le profil idéal du futur président de la République, samedi dernier, près de 24 heures avant le discours de M. Geagea. Ensuite, parce que ce dernier a renvoyé la balle dans le camp du groupe des treize, comme pour les inciter à le rejoindre en dépit de ce qui les sépare, leur faisant indirectement assumer la responsabilité d’un échec lors de l’échéance présidentielle.
Dans ses grandes lignes, la proposition des treize converge avec le discours des FL, notamment pour ce qui est de l’appel à ce que soit élu un président qui veille au « maintien de la souveraineté du Liban et son indépendance par rapport aux axes régionaux ». « Nous convergeons également avec Samir Geagea sur la notion du président de sauvetage. Et nous en parlerons avec lui lors de notre rencontre (dont la date n’a toujours pas été fixée) », précise Mark Daou, député de Aley, interrogé par L’OLJ.
Le chef des FL, qui, dans un premier temps, se présentait jusque-là comme « un candidat naturel » à la succession de Michel Aoun au vu de son poids parlementaire à l’issue des législatives de mai, a opéré un pas en arrière, comme pour défricher le terrain à une entente élargie, même avec les parrains du slogan « Tous, ça veut dire tous ». « Nous sommes le groupe parlementaire le plus large. Mais nous sommes prêts à faire des sacrifices à condition que l’opposition s’entende sur un candidat de sauvetage », a-t-il lancé lors de son discours dimanche. « C’est une très bonne chose, dans la mesure où cela pourrait faciliter l’élection d’un président tel que voulu par les Libanais », commente Paula Yacoubian, députée contestataire de Beyrouth. De son côté, Mark Daou rappelle que son groupe n’a jamais pris de position radicale. « Nous avons dit que nous pourrons dialoguer avec tout le monde sur des questions bien définies, comme c’est le cas aujourd’hui pour la présidentielle », affirme-t-il, estimant que le processus en cours pourrait bien déboucher sur un accord.
commentaires (6)
M. Geagea se positionne en donneur de lecons ? Ce n'est pas lui qui doit mener l'opposition. C'est les deputes du 17 octobre et leurs allies souverainistes de toutes confessions qui sont a meme de mener une bataille presidentielle honorable. Les partis confessionnels qui le souhaiteraient n'auront qu'a suivre le mouvement. Avis sans frais aux FL, Joumblat et autres Haririens dont l'echec des politiques d'opposition a ete patent depuis 2005 jusqu'a aujourd'hui.
Michel Trad
17 h 33, le 06 septembre 2022