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Politique - Éclairage

Présidentielle : les lignes rouges de Nabih Berry

Dans son discours annuel du 31 août, Nabih Berry dresse le profil du candidat qu’il soutiendrait.

Présidentielle : les lignes rouges de Nabih Berry

Le président du Parlement Nabih Berry prononçant un discours mercredi 31 août 2022 à Tyr, au Liban-Sud. Photo REUTERS/Aziz Taher

Une pure coïncidence ? Peut-être. Mais la symbolique est bien là. Le président de la Chambre, Nabih Berry, a choisi de sortir d’un long silence politique le 31 août, à la veille du début du délai constitutionnel pour élire un successeur au président Michel Aoun, dont le mandat expire le 31 octobre. Cette fois-ci, M. Berry n’a pas tiré un lapin de son chapeau afin de faciliter la tenue de la présidentielle. Il a surtout défini les lignes rouges que ses adversaires politiques, à savoir le président et son gendre Gebran Bassil, ne devraient pas selon lui franchir. Il a également critiqué le camp aouniste tant sur la crise gouvernementale que sur le tracé de la frontière maritime, un dossier dont il se considère le parrain.

Pour la 44ème commémoration de la disparition du fondateur du mouvement Amal, l’imam Moussa Sadr, le chef du législatif a prononcé un long discours devant un parterre de personnalités politiques et une foule de partisans lors d’un rassemblement à Tyr, fief incontestable du mouvement Amal. Outre le panorama politique qu’il a l’habitude de dresser lors de ce rendez-vous annuel, Nabih Berry a pris soin de consacrer une bonne partie de son discours à envoyer des messages directs à Baabda et ses satellites. « Il est interdit de manipuler la Constitution pour répondre aux ambitions de certains candidats », a lancé le président du Parlement, dans une pique à Gebran Bassil, accusé de vouloir succéder à son beau-père. Nabih Berry a, dans ce contexte, insisté sur l’importance de respecter le calendrier constitutionnel et de tenir l’élection dans les délais, mettant en relief le rôle du Parlement, « représentant du peuple ». Mais il reste que Nabih Berry a pris soin de ne pas donner une date précise pour la convocation de la Chambre à la première séance consacrée à l’élection du futur locataire de Baabda. Comprendre que l’entente autour du prochain président n’a toujours pas mûri, et c'est pour cette raison que le chef du législatif s’est montré favorable à « toute rencontre qui pourrait aboutir à un accord ».

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Dressant par la suite le profil du président pour lequel sa formation voterait, Nabih Berry a énuméré des caractéristiques dont aucune ne correspond au chef du CPL. « Tout comme il a besoin de l’acceptabilité chrétienne, le président a besoin d’une acceptabilité musulmane et nationale », a lancé Nabih Berry à un Gebran Bassil qui brandit la « représentativité chrétienne » comme condition première à l'élection du successeur de Michel Aoun. « Nous voterons pour celui qui croit en l’arabité du Liban, et pour un candidat rassembleur, et dont l’élection ne serait pas (interprétée comme) un défi à la volonté des Libanais », a-t-il dit. Une façon pour le chef d’Amal de couper l’herbe sous le pied de Gebran Bassil, l’homme politique le plus conspué par le peuple, du moins depuis le soulèvement populaire de 2019, et qui ne s’est toujours pas officiellement déclaré candidat à la magistrature suprême.

La flèche de Nabih Berry vise également son autre adversaire, le chef des Forces libanaises, Samir Geagea, avec qui les rapports se sont complètement détériorés depuis les affrontements d’octobre 2021 à Tayouné entre des miliciens armés d’Amal et des éléments chrétiens présumés proches des FL. Là aussi, Nabih Berry barre la voie de Baabda au leader de Meerab mais aussi à sa vision, en s’opposant à l’élection du « président de défi » au camp du Hezbollah, prôné par le leader chrétien.

Le gouvernement
En attendant que l'horizon s'éclaircisse au niveau de la présidentielle, Nabih Berry a les yeux rivés sur le gouvernement. Car la formation d'un cabinet de pleins pouvoirs ôterait tout prétexte au camp aouniste pour un maintien de Michel Aoun à Baabda au-delà du 31 octobre. Après avoir exercé des pressions sur le Premier ministre désigné, Nagib Mikati, pour relancer le processus gouvernemental après un long gel, le président de la Chambre s’est dit prêt à « collaborer pour faciliter la formation d’un cabinet qui puisse faire face aux défis qui guettent le pays ». Il a toutefois, là aussi, tracé les lignes rouges. Il a ainsi critiqué l’option appuyée par la présidence qui consiste à incorporer six figures politiques à l’équipe sortante pour lui donner un cachet politique. « Nous ne voulons pas réitérer l’expérience Salam où chaque ministre est devenu président », a-t-il dit en référence à la période 2014-2016. Le cabinet alors dirigé par Tammam Salam avait exercé les prérogatives du chef de l’État de la fin du mandat de Michel Sleiman jusqu'à l’élection de Michel Aoun. En réponse aux menaces aounistes de ne pas permettre au cabinet sortant de Nagib Mikati d'assumer les fonctions du chef de l'État, Nabih Berry a mis les points sur les « i », en bon maître du perchoir. Il s’est opposé aux interprétations erronées de la Constitution, rappelant que cette tâche relève exclusivement de la compétence de la Chambre. Dans une interview accordée mardi au quotidien pro-Hezbollah al-Akhbar, le leader du CPL n’a pas exclu le maintien du président au palais ou encore de presser pour retirer au milliardaire sunnite son statut de Premier ministre désigné.

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Un président pour quel projet politique ?

Ce dernier semble déterminé à éviter de polémiquer davantage avec M. Bassil et continue de faire des efforts d'ouverture en direction de Baabda. Mercredi, il s’est de nouveau réuni avec le président Aoun, une semaine après leur dernier entretien. A en croire les milieux de la présidence contactés par L’OLJ, la rencontre n’a permis aucune percée et les points de vue sont toujours divergents. Mais selon les informations obtenues par notre journal, les deux hommes ont examiné une nouvelle fois l’option de la modification de la composition du cabinet sortant. Nagib Mikati se serait de nouveau montré favorable à ce que le chef de l’État nomme deux nouveaux ministres qui remplaceraient Amine Salam (sunnite, relevant du lot de Baabda) à l’Économie et Issam Charafeddine (druze proche du chef du parti démocratique libanais, Talal Arslane) aux Déplacés. C’est alors que M. Aoun se serait prononcé en faveur d’un plus large remaniement. Il aurait ainsi réclamé le remplacement du vice-président du Conseil, Saadé Chami, par l’homme d’affaires Wadih Absi. Pourquoi M. Chami, un vétéran du Fonds monétaire international qui dirige la délégation libanaise négociant un accord avec cette instance pour sortir le pays de la pire crise économique de son histoire ? Fin septembre 2021, Michel Aoun avait tenté de greffer deux de ses conseillers à la délégation libanaise, dans une volonté d’avoir son mot à dire dans un dossier aussi important. Mais sa démarche n’avait pas abouti, Nagib Mikati et Saadé Chami s’y étant opposés.

Le président libanais, Michel Aoun, et le Premier ministre désigné, Nagib Mikati, à Baabda le 31 août 2022. Photo tirée du compte Twitter de la présidence.

Une pure coïncidence ? Peut-être. Mais la symbolique est bien là. Le président de la Chambre, Nabih Berry, a choisi de sortir d’un long silence politique le 31 août, à la veille du début du délai constitutionnel pour élire un successeur au président Michel Aoun, dont le mandat expire le 31 octobre. Cette fois-ci, M. Berry n’a pas tiré un lapin de son chapeau afin de faciliter la...

commentaires (13)

Les Constitutions dans tous les pays du monde sont des textes majeurs, supérieures par rapport à toutes les lois, mais souvent subjectifs. Elles donnent aux législateurs des orientations et répondent à des situations particulières. La vacance de la présidence au Liban n'est pas provoquée par événement exceptionnel (guerre, catastrophe naturel, etc.) pour aller interpréter la Constitution. Le Parlement devrait convoquer chaque semaine les députés pour essayer d'élire un président et continuer inlassablement à le faire. Qui nous dit que dans le secret des bulletins de vote un sursaut de patriotisme ne prendrait pas le dessus sur les divisions des partis politiques? et qu'un président soit élu contre toute attente. Je pense que tous les candidats doivent se déclarer le plutôt possible pour qu'ils/elles ne soient pas accusés plus tard d'avoir contribué à retarder l'échéance. Le Président Berry ne doit pas anticiper que le Corum ne sera pas atteint, il doit essayer, essayer et essayer. A l'époque de l'élection du président Chéhab d'après un consensus, Raymond Eddé s'est présenté aussi, malgré son soutien du général, pour que l'élection ne soit pas considérée comme une désignation.

Céleste

10 h 19, le 02 septembre 2022

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Commentaires (13)

  • Les Constitutions dans tous les pays du monde sont des textes majeurs, supérieures par rapport à toutes les lois, mais souvent subjectifs. Elles donnent aux législateurs des orientations et répondent à des situations particulières. La vacance de la présidence au Liban n'est pas provoquée par événement exceptionnel (guerre, catastrophe naturel, etc.) pour aller interpréter la Constitution. Le Parlement devrait convoquer chaque semaine les députés pour essayer d'élire un président et continuer inlassablement à le faire. Qui nous dit que dans le secret des bulletins de vote un sursaut de patriotisme ne prendrait pas le dessus sur les divisions des partis politiques? et qu'un président soit élu contre toute attente. Je pense que tous les candidats doivent se déclarer le plutôt possible pour qu'ils/elles ne soient pas accusés plus tard d'avoir contribué à retarder l'échéance. Le Président Berry ne doit pas anticiper que le Corum ne sera pas atteint, il doit essayer, essayer et essayer. A l'époque de l'élection du président Chéhab d'après un consensus, Raymond Eddé s'est présenté aussi, malgré son soutien du général, pour que l'élection ne soit pas considérée comme une désignation.

    Céleste

    10 h 19, le 02 septembre 2022

  • Le duo Chiite et le CPL ont brûlé Mikati qui n'est plus apprécié par la rue sunnite. Sa communauté se remue et s'organise. La régression de la Moumanaa est bien engagée, ayant déjà perdu du vote populaire dans toutes les communautés, mais aussi les pro-Syriens. Le plus grand risque viendrait de Jumblat qui s'opposera à l'élection d'un souverainiste vu son alliance avec Berri. Notre défaillance durera tant que Berri est dans la politique.

    Zovighian Michel

    04 h 26, le 02 septembre 2022

  • Quand on parle pas de Berry, Berry se donne la parole. Il se donne aussi un rôle qui a toujours mené nulle part, une importance du dromadaire qui s'est cassé la gueule en admirant sa bosse et un pouvoir à vie que seul une mascarade de pays comme le notre se permet de posséder. Tant que le ridicule ne tue pas, ce vieux chacal a de beaux jours devant lui.

    Citoyen

    18 h 21, le 01 septembre 2022

  • La seule qualification du prochain président est d'être un dictateur uniquement dédié au Liban et son Peuple... voilà une économie de temps qui permet d'oeuvrer efficacement pour la reconstruction du pays au lieu de somnoler durant des diatribes usagées inutiles et égoïstes.

    Wlek Sanferlou

    16 h 57, le 01 septembre 2022

  • Elle est belle la constitution avec laquelle tous ses fossoyeurs se gargarisent et se rappellent à son bon souvenir lorsque cela les arrange. Berry vient de faire comprendre à tout le monde que le plein pouvoir reviendrait au parlement dont il est le président en cas de vide présidentiel et gouvernemental. Mikati n’aura plus que ses yeux pour pleurer puisqu’il aura perdu ainsi que toute sa communauté sur tous les fronts en faisant confiance pour la énième fois aux chacals qui œuvrent pour sauver leur seul plan de l’anéantissement du pays et régner en seuls et uniques maîtres en écartant légitimement tous les représentants de la république. Ils les mènent tous par le bout du nez et en font ce qu’ils veulent puisqu’ils savent que leur seul soucis reste leur intérêt personnel qu’il perdront pour sûr une fois que les fossoyeurs auraient gagné la guerre des égos. Le pire c’est qu’ils font mine de ne pas comprendre leur stratagème et croient pouvoir négocier après coup. Des amateurs naïfs et imbus de leur personne qui par leur aveuglement réussiront à supprimer définitivement notre pays pour l’offrir aux vendus sans vergogne.

    Sissi zayyat

    10 h 50, le 01 septembre 2022

  • L,ADAGE DIT QUE QUAND DANS LA GRANDE ETABLE LES ANIERS COMMENCENT A BRAIRE ET A SE DONNER DES COUPS DE PIEDS C,EST QU,IL N,Y A PLUS QUE DES BAUDETS GRANDS ET MOINS GRANDS DANS TOUTE L,ETABLE... MAIS RIEN QUE DES BAUDETS. MAZRAB HAMIR !

    LA LIBRE EXPRESSION

    10 h 44, le 01 septembre 2022

  • Ils sont capables de faire élire Riad Salamé à la présidence ….!

    LeRougeEtLeNoir

    08 h 53, le 01 septembre 2022

  • Berri se veut prêcheur en homme d'Etat. Or, il ne l'a jamais été, et ne le sera pas. Il pose des conditions, en tant que chef milicien, et non en chef du législatif qui aurait dû déjà fixé une date pour l'élection présidentielle. Avec Aoun, il mérite autant de notes de mauvaise gestion de sa propre tâche. Il est temps que ces 2 fossoyeurs de la République, s'en aillent le plus tôt possible.

    Esber

    08 h 47, le 01 septembre 2022

  • Heureusement que les jolies fleurs rouges, blanches et vertes détournent un peu l'attention de l'autre fleur...très fanée...celle-là ! - Irène Saïd

    Irene Said

    08 h 37, le 01 septembre 2022

  • « Tout comme il a besoin de l’acceptabilité chrétienne, le président a besoin d’une acceptabilité musulmane et nationale. » Mais Mr Berri n’est-ce pas votre meilleur ami (officiellement seulement car ce n’est qu’une amitié forcée par l’entité néo-safavide en 1990 lorsqu’elle a mis la main sur le Liban), Mr Hassan Nasrallah, qui a forcé les musulmans chiites à accepter les partisans de Mr Bassil sur les mêmes listes électorales, et forcé les chrétiens à accepter que le nombre de députés du CPL soit à peine moindre que celui des FL, alors que les statistiques des votes préférentiels montrent que les chrétiens ont voté deux fois plus pour les FL que pour le CPL ? Sachez qu’il y a au moins autant de musulmans (voir bien plus si on sort des frontières du Liban) qui haïssent votre meilleur ami forcé Hassan Nasrallah que sa marionnette gonflable Gebran Bassil. Votre petite phrase est donc très révélatrice de votre rôle assigné par vos maîtres néo-safavides de Damas et de Téhéran depuis 1990: celui de pièce maîtresse de la couverture libanaise du Hezbollah. Le Hezbollah a toujours soutenu ostensiblement le mythe aouniste de Aoun défenseur des droits des chrétiens tandis que vous vous avez toujours soutenu ostensiblement le mythe haririen de Hariri l’homme qui a reconstruit le Liban. Et par ces deux mythes vous avez couvert le troisième que vos maîtres à vous et au Hezbollah veulent inculquer et que vous soutenez tout autant que le Hezbollah: le mythe du Hezbollah-Résistance.

    Citoyen libanais

    08 h 12, le 01 septembre 2022

  • CE QU’ILS DISENT NE MÉRITE PAS D’ÊTRE LU /ENTENDU .. L’ OLJ DORT : VOUS SAVEZ QUE LES CÈDRES DE TANNOURINE BRULENT DEPUIS 2 JOURS ???

    aliosha

    08 h 03, le 01 septembre 2022

  • « Nous voterons (...)pour un candidat rassembleur, et dont l’élection ne serait pas un défi à la volonté des Libanais », Curieux! Cela veut dire qu'il ne votera pas pour un candidat du 8 mars? Alors, il serait tout à fait d'accord avec Gagea?

    Yves Prevost

    06 h 39, le 01 septembre 2022

  • Le Liban doit reprendre son rôle progressiste dans la région et devant les tribunes internationales. Il est certain qu’il ne sera pas du camp de 8 mars. De préférence, une dame!

    Georges S.

    02 h 40, le 01 septembre 2022

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