Les habitants de Beyrouth et de ses environs étouffent. Et pas seulement de la chaleur. Depuis plusieurs jours déjà, des odeurs nauséabondes les prennent à la gorge, au nez et aux poumons. « Ces relents me rappellent ceux qu’on sentait au cours de la crise des déchets en 2015-2016, affirme Rania, 35 ans, qui réside à Gemmayzé. C’est le retour du cauchemar de cette époque, mais en pire, parce qu’il n’y a même plus d’électricité pour allumer la climatisation quand on ferme les fenêtres. »
Qu’est-ce qui explique ces relents nauséabonds ? Effondrement des silos, amoncellements de déchets dans les rues ? Pour Mohammad Abiad, conseiller du ministre de l’Environnement Nasser Yassine, il ne peut s’agir des silos à ce stade. « Il n’y a plus d’incendie dans les cylindres, ni dans ceux qui se sont effondrés dans la partie nord ni dans ceux qui sont encore debout, assure-t-il à L’Orient-Le Jour. D’ailleurs l’incendie a eu un avantage, c’est qu’il a éliminé les champignons qui s’étaient dégagés dans l’air par la fermentation des grains. » Selon M. Abiad, le coupable serait le vent du nord qui ramène vers la capitale les relents de la décharge côtière de Bourj Hammoud-Jdeidé. Et ce n’est pas le seul problème lié aux déchets : cela fait depuis vendredi que Ramco, l’entreprise chargée de collecter les déchets de Beyrouth et du Mont-Liban, a interrompu son activité, d’où le fait que les sacs poubelles s’entassent dans les rues en cette période particulièrement chaude.
Walid Bou Saad, PDG de Ramco, explique que « la compagnie a dû interrompre la collecte en raison de la fermeture de la décharge de Bourj Hammoud-Jdeidé depuis vendredi ». Selon lui, l’entrepreneur en charge du site en a fermé les portes en raison d’un incident qui est survenu à l’intérieur impliquant des chiffonniers, dont l’un a trouvé la mort. M. Bou Saad était incapable de dire hier quand la décharge serait rouverte, et aucun contact avec le Conseil du développement et de la reconstruction, l’organisme en charge des contrats dans le secteur des déchets, n’a abouti hier. Cela fait des mois que l’entrepreneur Dany Khoury se plaint du nombre grandissant de chiffonniers et autres fouilleurs qui prennent d’assaut la décharge en vue de collecter des matières précieuses à la revente. Ce n’est pas la première fois que la décharge ferme ses portes durant plusieurs jours en signe de protestation contre l’absence de protection du site, et ce n’est pas la première fois non plus que des incidents font des morts, victimes de la dangerosité d’une activité totalement illégale et incontrôlée. La crise économique et financière a exacerbé ce phénomène ces dernières années, alors même que le pays vit une crise de déchets par intermittence.
Malheureusement pour Beyrouth, il n’y a pas d’alternatives pour éviter ces désagréments tant qu’aucune solution durable n’est envisagée à un niveau national. « L’incendie des silos ces derniers temps, les déchets dans les rues ces derniers jours, le vent qui ramène vers nous les relents de la décharge… nous vivons dans une vraie poubelle à ciel ouvert », déplore Élie Yahchouchi, membre du conseil municipal de Beyrouth. Assurant avoir fait, hier, le tour de Beyrouth, il affirme qu’il « n’y a pas d’incinération sauvage des déchets, mais surtout des odeurs résultant du pourrissement dû à la chaleur ».
Interrogé sur ce que peut faire la municipalité pour alléger les souffrances des riverains, M. Yahchouchi rappelle que son budget, qui était l’un des plus conséquents du pays, s’est évaporé depuis la crise économico-financière, et que même les projets les plus basiques sont désormais impossibles à réaliser. Quant aux déchets, leur problème ne peut être résolu qu’à un niveau national, estime-t-il.
C’est l’odeur des dirigeants qui trônent sans partage sur ce pays qu’ils ont transformé en une gigantesque décharge puisque ça leur rappelle leurs origines crasseuses et nauséabondes qui leur manquent tant. Il puaient déjà avant et avec les costumes cravates parfumés ils croyaient berner le monde mais ce mélange de crasse et de parfum s’est révélé plus pestilentiel que leur odeur d’origine. Ils se sentent dans leur élément à présent. Les libanais qui les ont réélus ne valent guère mieux.
11 h 43, le 29 août 2022